Book Title: Vakyapadiya Bhartrahari Tradition
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Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 106 Table 1. L'auteur de 'la Vrtti' du vakyapadIya est Bhartshari : faits traditionnels l'auteur du. Arguments en faveur de la non-identite de vakyapadIya et de l'auteur de la Vrtti. 3. Eventuels arguments en faveur de leur identite. -- Excursus: le probleme de la relation entre commentaire et texte commente : quelques exemples. 4. Strophes du vakyapadIya et strophes de la Vitti. 5. Le Bhartrhari auteur du vakyapadIya et le Bhartshari auteur de la Mahabhasya-dIpika. Les citations de la Vrtti et du vakyapadIya et la date de la Vrtti. Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 107 1. Le vakyapad Iya est un texte en strophes, qui est divise en trois chapitres (kanda). Les deux premiers font l'objet d'un commentaire -- connu sous le nom de 'la Vstti' -- qui est attribue a l'auteur des strophes par une tradition qui remonte au dixieme siecle au moins : Abhinavagupta cite la definition de la pasyanti -- pratisanhntakrama saty apy abhede samavistakramasaktih pasyants -- qui se trouve dans la Vrtti sous VP 1. 159 (1.134; p. 214 1. 4 de l'edition de Iyer), en l'introduisant : yad aha tatrabhavan 'comme le dit le tatrabhavat'. (2) On sait qu'Abhinavagupta utilise l'expression honorifique tatrabhavat pour se referer a Bhartshari; parfois il specifie : tatrabhavan bhartpharih.(3) Helaraja, le commentateur du troisieme chapitre du vakyapadIya, cite trois phrases en prose en mentionnant le nom du Brahmakanda, c'est-a-dire du premier chapitre du vakyapadiya. Toutes les trois se trouvent, sous une forme quelque peu differente, dans la Vstti sur le premier chapitre : (i) la phrase purakalpe'nrtadibhir ivapabhransair api rahita vag asit (Helaraja Sous VP 3.3.30; p. 143 1. 14 ed. Iyer) se retrouve sous la forme purakalpe ... yathaivanrtadibhir asankirna vagasit tatha sarvair apabhransaih dans la Vstti sous VP 1.182 (1.146; p. 233 1. 7 - p. 234 1. 1 ed. Iyer); (ii) vidyavidyapravibhagam apravibhagam brahma (Helaraja sous VP 3.3.63; p. 169 1. 6 ed. Iyer) est vidyavidyapravibhagarupam apravibhagam ... brahma dans la Vstti sous VP 1.1 (p. 1 1. 3 - p. 31. 1 ed. Iyer); (iii) la phrase citee yadadhisthanah srutayah pratyayyam artham abhinivisante (4) se trouve dans la Vstti sous VP 1.44 sous la forme yadadhisthana [h] ... srutayah pratyayyam arthan pratipadyante (p. 101 1. 5-6 ed. Iyer). Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 108 Cela suggere fortement que pour Helaraja strophes et commentaire constituent un tout indissoluble, manifestement d'un seul auteur. Pupyara ja, le commentateur du deuxieme chapitre du vakyapadIya, semble attribuer la Vrtti a l'auteur des strophes quand il dit (p. 2 1. 23 ed. Iyer; sous VP 2.2): yat punar anena vrttav uktam ... ,"quant a ce qu'il dit dans la vstti ...".(5) Il est plus clair sous VP 2.77-83 (p. 32 l. 14): iti granthakrtaiva svavrttau pratipaditam "cela a ete explique par l'auteur lui-meme dans sa propre vitti".(6) Mammaga, dans son Kavyaprakasa (sous 2.8; p. 24 l. 1 de l'edition de Gopara ju Rama et Jagannatha Pathak), attribue une phrase en prose au vakyapad Iya (uktan hi vakyapadsye) qui ne semble pas se trouver dans les portions preservees de la vitti, mais qui peut neanmoins avoir appartenu aux portions perdues de ce commentaire.(7) La Nyayamanjars de Jayanta Bhatta (ed. Sukla II p. 99 l. 5-10) cite VP 1.1 suivi de la phrase en prose sabdopagrahyataya ca sabdatattvam; cette phrase, qui se trouve dans la Vstti sous VP 1.1 (ed. Iyer p. 7 1. 1), etait evidemment consideree comme ecrite par le meme auteur que celui des strophes. Le commentaire sur la Nyayamanjari, le Nyayamanjar Igranthibhanga de Cakradhara, cite une ligne de la Vrtti (sous VP 1.1, ed. Iyer p. 81. 3 - p. 9 l. 1), en l'attribuant directement a (Bharts-)Hari : vivartalaksanam caha harih: ekasya tattvad apracyutasya bhedanukarenasatyavibhaktanyarupopagrahita vivartan, svapnavisayapratibhasavat iti (ed. Shah p. 220 1. 16-18). L'unanimite des auteurs susmentionnes rend probable le fait que le commentaire sur le VakyapadIya vise par Yi-tsing et attribue par lui a l'auteur des strophes, est cette meme Vstti. (8) Cette attribution date donc du septieme siecle au moins. Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 109 2. Cette tradition est-elle correcte ? Des doutes ont ete souleves, notamment par Madeleine Biardeau ( 1964 : introduction), et il s'avere necessaire de reconsiderer les arguments principaux. Nous examinerons d'abord quelques arguments qui s'opposent directement au point de vue traditionnel. L'argument le plus important est le suivant: la Vrtti elle-meme attribue les strophes a quelqu'un d'autre, qu'elle appelle tatrabhavat 'maitre honorable'. Le cas le plus clair se trouve dans la Vitti sous VP 2.447 (2.242 ed. Iyer). On y trouve le passage suivant (p. 315 1. 9-11, ed. Iyer) : tatrabhavanto manyante : bahusv api tinantesu yesv arthalaksana kacid akanksa vidyate tesam ekavakyatvam na vyavartyatel tatha ca sutre'rthayan tinparyudaso bhavati/ Le maitre honorable pense : le fait d'appartenir a une seule et meme phrase n'est pas nie dans le cas de formes verbales personnelles dont les sens ont besoin l'un de l'autre, meme si elles sont nombreuses. C'est ainsi que la negation de tin 'forme verbale personnelle' dans le sutra est fonctionnelle. Ce passage demande une explication. Le sutra qu'il envisage est P. 8.1.28 tin atinah "Une forme verbale personnelle [a le ton grave, venant] apres un mot qui n'est pas une forme verbale personnelle" (tr. RENOU 1966 : II: 358). Le Mahabhasya discute d'une objection selon laquelle le mot atin est superflu, puisqu'une seule phrase ne contient qu'une seule forme verbale personnelle (tin). Il est donc inutile d'exclure l'une des formes verbales personnelles apres une autre, comme le fait l'expression atinah. Le 'maitre honorable' differe sur ce point. Selon lui, une seule phrase peut contenir plusieurs formes verbales personnelles, a condition que les sens, de ces formes aient besoin l'un de l'autre. Par consequent, l'expression atinah, c'est-a-dire la negation de tin, est fonctionnelle dans le sutra. Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 110 Exactement la meme idee est exprimee dans la strophe VP 2.447 (442), si nous acceptons la lecture de la majorite des manuscrits de Rau : bahus v api tinantesu sakanksesv ekavakyata/ tinantebhyo nighatasya paryudasas tatharthavan// Il y a une seule et meme phrase dans le cas de formes verbales personnelles qui ont besoin l'une de l'autre, meme si elles sont nombreuses. C'est ainsi que la negation du ton grave apres des formes verbales personnelles est fonctionnelle. Le sens est le meme, seulement le mode d'expression differe un peu. 'La negation du ton grave apres des formes verbales personnelles' (tinantebhyo nighatasya paryudasah) est le resultat de la inegation de tin dans le sutra'. La lecture acceptee par Iyer dans le pada c du vers -- tino'tinbhyo nighatasya --, et celle acceptee par Rau -- tina tinbhyo nighatasya -- sont difficiles a interpreter de facon satisfaisante. La conclusion ineluctable est que le tatrabhavat de la vrtti est l'auteur de la strophe VP 2.447 (442). Les phrases attribuees a celui-ci constituent une paraphrase de la strophe. L'utilisation du verbe man- 'penser' pour introduire ces phrases confirme qu'elles constituent une paraphrase, non pas une citation. Dans le deuxieme cas, le manuscrit (il n'existe qu'un seul manuscrit de cette partie de la Vrtti) ne contient que ...nto; l'amendement tatrabhavanto semble pourtant justifie. Voici la phrase dans son entier (sous VP 2.453 (448); p. 317 1. 8-10 ed. Iyer) : [ tatrabhava ) nto manyante samanyamatram eva tatra vivaksitan visesas tv anuneyan, na tesam sabdena samsparso'stiti Le maitre honorable pense que seulement la notion generale est visee ici. Les (actions] specifiques, d'autre part, sont a inferer; elles ne sont pas liees au mot. Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 111 Le contexte est une discussion sur des actions generales et specifiques. Selon le 'maitre honorable' les actions generales sont indiquees par les verbes, mais pas les actions constituantes specifiques. L'utilisation du verbe man- suggere qu'ici aussi il s'agit d'une paraphrase plutot que d'une citation. On trouve exactement la meme opinion exprimee dans le vers VP 2.68, de la facon suivante : na ca samanyavat sarve kriyasabdena laksitan/ visesa na hi sarvesam satam sabdo'bhidhayakah// Les [actions] specifiques ne sont pas toutes designees par le verbe, comme l'est la notion generale, puisque le mot ne designe pas tout ce qui existe. On voit derechef que le tatrabhavat de la Vstti est l'auteur des strophes, et que l'auteur de la vrtti est, par consequent, quelqu'un d'autre. Un petit nombre de strophes se trouve a la fin du manuscrit de la Vitti sur le deuxieme chapitre du vakyapadiya - il s'agit des numeros 476-485 de l'edition de Iyer, 481-490 de l'edition de Rau -, qui ne sont pas commentees dans la Vitti. Le contenu de ces strophes differe completement de tout ce qui precede; elles portent sur l'histoire de la grammaire, du Mahabhasya et de son lien avec le vakya padiya en particulier, non point sur des questions de philosophie grammaticale. On pourrait penser que ces strophes appartiennent a la Vstti et la concluent. Cette impression est renforcee par les mots du vers 482 : "Cette collection de connaissances traditionnelles a ete composee par notre maitre." (9) Il semble certain que cette collection de connaissances traditionnelles est le vakyapadiya, ou de toute facon la partie de ce texte qui est commentee dans la Vitti. L'auteur de la Vitti, donc, raconte ici les circonstances dans lesquelles le vakyapadiya a ete compose par son maitre. Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 112 La Vrtti donne plusieurs interpretations d'une seule strophe, ou portion de strophe, a des endroits differents. Le mot arthapra vrttitattva de VP 1.13, par exemple, n'est pas explique de moins de six facons. La deuxieme de ces explications est introduite par les mots apara aha 'quelqu'un d'autre dit'. Cette meme expression est utilisee sous VP 2.39 pour introduire la deuxieme interpretation des mots sansrsta et vibhakta dans la strophe. Le mot jnanasamskarahetu de VP 1.10 est explique de deux facons differentes. La deuxieme interpretation de VP 2.21 est introduite par les mots : aparah kalpah "Une autre position [est la suivante)", celles de VP 2.39 et 2.71 par. apara aha "quelqu'un d'autre dit". Une difference d'opinion entre strophe et Vrtti se montre sous VP 1.159. Ici, et ici seulement, les strophes mentionnent les trois parties de la parole, qui s'appellent vaikhari, madhyama, et pasyanti : "[La grammaire] est la demeure supreme et merveilleuse de la triple parole qui comporte des divisions en multiples courants, de la vaikhari, de la madhyama, et de la pasyanti." (10) La Vrtti est assez obscure, mais il est certain qu'elle introduit une quatrieme partie de la parole. Vers la fin de la discussion, apres avoir cite un certain nombre de strophes d'ouvrages historiques (itihasa), elle fait cette remarque : "Cette triple parole aux dimensions indicibles, comme l'apparition phenomenale des 'noeuds' de la conscience, apparait dans les hommes par sa quatrieme partie. La aussi seulement une partie de la parole) sert a l'usage courant, mais le reste est au-dela de l'usage pour le commun des mortels. ... La forme pure de cette parole repose entierement sur cette regle qu'on appelle grammaire et qui comporte des determinations generales et particulieres." (11) Le choix des mots montre qu'il existe une connection avec une autre phrase de cette portion de la Vstti, ou on lit : "Mais la forme supreme de la pasyanti ne comporte pas de formes erronees, elle est pure et au-dela de l'usage empirique." (12). Il semble, donc, que pour la vptti les quatre parties de la parole sont : Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 113 vaikhari, madhyama, pasyanti, et param pasyantirupam. Malheureusement cette conclusion n'est pas certaine; pourtant la deviation de la Vrtti quant au nombre de parties de la parole est hors de doute. La Vstti sous VP 1.6 contient une explication qui ne semble pas s'accorder avec l'intention de l'auteur de la strophe. La strophe est: bhedanam bahumargatvam karmany ekatra cangata/ sabdanam yatasaktitvan tasya sakhasu drsyatell Il s'agit du Veda. Biardeau (1964 : 35) traduit : "Ses divisions ont de multiples recensions, mais ce sont des membres annexes d'un seul et meme rituel; dans ses differentes bran ches on observe que le pouvoir (expressif) des mots est fixe." C'est la deuxieme ligne qui nous interesse. Sa signification n'est pas tout a fait claire. Veut-elle dire que les memes mots ont parfois un sens different dans les branches du Veda ? Il semble plus probable que c'est l'identite du sens des mots dans les differentes branches qui est indiquee ici. Quoi qu'il en soit, le sens attribue a cette ligne dans la Vrtti s'eloigne des deux interpretations que nous venons d'examiner. Elle explique (ed. Iyer p. 27. 1. 6-8) : sabdanam yatasaktitvam/ tatharthapratyayane samarthyat tathabhyudayahetut vat/ tasya sakhasu drsyate itil 'devasumnayor ya jusi kathake' 'simasyatharvane'nta udattah' ity evam adi/ Le pouvoir .[expressif] des mots est fixe : car ils ont la capacite de faire connaitre tel objet et sont cause de telle forme de bonheur. Dans ses differentes branches on observe ..., par exemple : "Dans la recension Kathaka, pour les mots deva et sumna (employes] dans un yajus [a est enjoint quand le mot est termine par un suffixe kyac]" (P. 7.4.38); "dans l'Atharva veda le mot sima a l'accent aigu sur la derniere syllabe" (Phitsutra 4.11), etc. Page #9 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 114 On voit que selon l'interpretation de la Vrtti la strophe parle de la difference de forme des mots dans les differentes branches du Veda. Selon cette interpretation il s'agit dans cette strophe, non pas de la fixite du pouvoir expressif, mais plutot de la non-fixite de la forme des mots. Cette interpretation ne peut guere etre correcte. Une autre interpretation douteuse se trouve sous VP 1.8. Le mot arthavadarupani y est explique comme arthavadanarthavadaprakarani srutivakyani. VP 2.349 (347, ed. Iyer) fait evidemment une allusion au brahmanakaunginya-nyaya. Cette strophe mentionne pourtant Mathara au lieu de Kaunginya. La Vrtti 'rectifie' ceci sans explication, ne mentionnant que Kaundinya. Il est vrai qu'on ne pourrait pas simplement remplacer le nom Mathara par Kaunginya dans la strophe sans porter prejudice au metre. Reste pourtant que, si le nom Mathara est acceptable dans la strophe, il le serait egalement dans le commentaire - comme le montre le commentaire de Punyaraja. 3. On voit que les arguments contre l'identite des auteurs de la Vrtti et des strophes du vakya padIya sont de poids. Existe-t-il des arguments qui defendent le point de vue traditionnel ? Il y en a, et le premier est, naturellement, le fait meme que la tradition accepte ce point de vue. Nous avons examine quelques auteurs qui sont plus ou moins explicites sur ce point. Il n'y a pas de doute que ces auteurs consideraient la Vrtti et les strophes comme un tout indivisible, compose par un seul auteur. Parmi les arguments additionnels qui ont ete proposes, nous devrons examiner les suivants : (1) La Vstti et les strophes qu'elle commente constituent ensemble un tout syntaxique, c'est-a-dire qu'elles doivent etre lues comme un tout indivisible. Page #10 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 115 (ii) La Vstti n'enregistre pas de variantes. (iii) Le Hari-vssabha des colophons de la Vrtti n'est nul autre que Bhartshari, qu'on appelle souvent Hari. (iv) Certaines strophes du Vakyapadiya sont incompletes sans la Vstti. Le dernier de ces arguments sera etudie plus tard. Tous les autres permettent une discussion commune. Notons d'abord que l'argument (i) peut etre accepte immediatement. Il renforce notre impression que les strophes et la Vstti se sont toujours presentees comme un tout indivisible. La valeur de l'argument (iii), d'autre part, n'est pas hors de doute; nous pouvons pourtant l'accepter pour l'instant. Quant a l'argument (ii), il ne semble pas etre correct, comme les observations suivantes le montreront. VP 1.46 (45 ed. Biardeau, Iyer) a une variante dans sa premiere moitie selon l'edition de Rau (13) : atmabhedam/atmabhedas tayoh kecid astity ahuh puranagah Les deux lectures permettent la meme traduction : Certains, parmi les anciens, disent qu'il y a une difference d'etre entre les deux. La Vrtti fait l'observation suivante : atmabhedasya bruvikarmatve dvitiya, vakyasvarupanukarane tu prathama. Biardeau traduit : "Atmabheda etant l'objet du verbe dire con devrait avoir) l'accusatif; mais, pour imiter la forme propre d'une proposition (independante), on a le nominatif." Page #11 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 116 Cette traduction presuppose la forme atmabhedas dans le vers. La phrase en sanskrit ne presuppose pas necessairement cela. Elle montre seulement que l'auteur de la Vstti pensait a deux formes, atmabhedan et atmabhedas, la premiere dans le cas ou atmabheda est l'objet du verbe 'dire', la deuxieme si la proposition atma bhedas tayon asti est imitee. Mais pourquoi l'auteur de la Vitti a-t-il pense a deux formes? Deux reponses semblent possibles : (i) Il a trouve les deux formes dans ses manuscrits. (ii) il n'en a trouve qu'une, mais il l'a jugee moins 'naturelle' que l'autre; en consequence il a explique la forme invraisemblable. Les deux reponses ne sont possibles que si l'auteur de la Vrtti n'etait pas l'auteur des strophes. Dans le premier cas, l'auteur de la Vrtti connaissait une variante; dans le deuxieme, il jugeait la lecture qu'il trouvait difficile, mais il ne pouvait pas, ou n'osait pas, la corriger. Retournons a l'ensemble d'arguments enumeres plus haut, sauf le dernier. Qu'est-ce qu'ils prouvent ? Rien au sujet de l'identite des auteurs des deux textes ! Ils ne prouvent rien quant a leur identite puisque c'etait un usage stylistique datant environ de la periode du vakyapadsya d'unifier commentaire et texte commente, de sorte qu'il est souvent difficile de les separer. Nous allons examiner quelques exemples de cet usage stylistique. Excursus : le probleme de la relation entre commentaire et texte commente : quelques exemples. (i) Le Yoga-bhasya commente, et renferme, les Yoga-sutra. Traditionnellement le bhasya est attribue au personnage mythique de Vyasa, et les Yoga-sutra a Patanjali. Pourtant le colophon du bhasya ne mentionne qu'un seul nom, celui de Patanjali. Dans le bhasya plusieurs renvois aux sutra sont ecrits a la premiere personne, ce qui pousse a croire que sutra et bhasya forment une unite indissoluble. Le bhasya, en outre, ne mentionne pas de variantes des sutra. Le Yoga-bhasya ne donne pas non plus d'interpretation double d'un seul Page #12 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 117 sutra. Neanmoins, il n'y a pas de doute qu'en realite l'auteur du bhasya n'a pas compose les sutra, ou, en tout cas, pas tous les sutra. Certains d'entre eux n'ont pas ete interpretes correctement dans le bhasya, ce qui serait impossible si leur auteur etait le meme auteur que celui du bhasya ( 14). (ii) Un autre exemple est le manuel important de la dogmatique jaina, le Tattvarthadhigama-bhasya. Les jaina appartenant a la secte svetambara croient depuis longtemps que l'auteur de ce bhasya, qui s'appelait Umasvati, etait aussi l'auteur du Tattvartha-sutra. Les jaina digambara, par contre, pensent que ces deux ouvrages ont ete ecrits par deux auteurs differents. Comme dans le cas du Yoga-bhasya, le Tattvarthadhigama-bhasya et le Tattvartha-sutra se presentent comme une unite. On ne trouve ni de variante des sutra dans le bhasya, ni d'interpretation double. Les renvois aux sutra dans le bhasya sont souvent ecrits a la premiere personne. Mais il y a aussi des indications prouvant que les deux ouvrages n'ont pas le meme auteur : une lecture attentive revele qu'il y a des differences dans quelques details de la dogmatique et une difference de choix de mots entre sutra et bhasya, et il semble qu'il y a des interpretations erronees des sutra dans le bhasya (15). (iii) on pourrait croire que les auteurs du Yoga-bhasya et du Tattvarthadhigama-bhasya ont consciemment trompe leurs lecteurs, mais cela semble improbable. C'est plutot l'usage stylistique d'unifier commentaire et texte commente qui nous confond. Il y a des ouvrages qui mentionnent explicitement les differents auteurs qui y ont contribue, mais qui tout de meme unifient les contributions differentes d'une maniere telle qu'il est difficile de les distinguer entre elles. L'Arthasastra en est un bon exemple. Selon la conception traditionnelle, l'auteur de ce texte est Kautilya (ou Kaugalya), le ministre du roi maurya Candragupta. Mais il n'en est rien, semble-t-il. Hartmut Scharfe (1968) a pu montrer qu'il y a deux auteurs Page #13 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 118 qui ont laisse leurs traces, et leurs noms, dans l'ouvrage. L'Arthasastra se compose de strophes et de prose. En gros on pourrait dire que l'auteur des strophes est Kautilya, et l'auteur - ou mieux : le redacteur - de la prose Visnugupta (16). En effet, Visnugupta est mentionne a la fin de l'Arthasastra, ou il est decrit comme auteur de commentaire (17). (iv) Le Ratnagotravibhaga ou Uttaratantra est un texte bouddhique mahayaniste qui se divise en deux parties. Ce texte aussi se compose de strophes et de prose, et le colophon indique qu'un commentaire appele Slokartha-samgraha-vyakhyana 'commentaire du resume de la signification des strophes' ou 'commentaire appele resume de la signification des strophes' est inclus dans la totalite. - Mais la separation des deux ouvrages n'est pas facile. Les traducteurs chinois et tibetains de ce texte se sont efforces de proceder a une telle division, avec des resultats completement differents. Jikido Takasaki (1966) a essaye de nouveau d'identifier les differentes parties du texte. Selon lui, le texte commente se compose de strophes seulement; il les identifie sur la base de l'emploi du mot sloka dans le texte sanskrit, et du choix du traducteur chinois; il reste quelques strophes douteuses. Le commentaire se compose de strophes et de prose. Quant a l'auteur du commentaire, les traditions different. Le texte sanskrit ne dit rien a cet egard. La tradition chinoise mentionne Saramati comme auteur, tandis que les tibetains attribuent le texte a Asanga. L'auteur des strophes est Maitreya selon la tradition tibetaine; la traduction chinoise est silencieuse. Nous reconnaissons ici une situation familiere. Le Ratnagotravibhaga se presente comme une unite, meme si le fait d'etre combinaison de commentaire et texte commente n'est pas deliberement cache. Une strophe (1.29) est introduite par les mots 'j'expliquerai'. (nirdeksyami); Takasaki conclut que cette strophe appartient au commentaire. Le Yoga-bhasya et le Tattvarthadhigama-bhasya prouvent pourtant qu'on ne peut rien deduire d'un tel emploi de la premiere personne. Page #14 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 119 (v) Le dernier exemple de cet usage stylistique que nous examinerons Ce texte, comme l'Arthasastra, se compose de strophes et de commentaires en prose. Le colophon nous informe que l'auteur de l'ouvrage s'appelle Vasubandhu, mais il n'y a pas de doute que les strophes et le commentaire ont ete ecrits par des auteurs differents : les renvois aux strophes qui se trouvent dans le commentaire sont ecrits a la troisieme personne, et l'introduction du commentaire parait parler de l'auteur des strophes comme de quelqu'un d'autre (18). Dans cet ouvrage on est frappe par le fait que des portions de strophes sont syntaxiquement integrees dans le commentaire, dans quelques passages. On trouve donc des phrases contenant des petits morceaux de strophes (19). Si nous retournons a la Vrtti, il n'y a aucun doute que la plupart des arguments qui doivent prouver que son auteur est aussi l'auteur des strophes commentees, n'ont aucune valeur. Le Tattvarthadhigama-bhasya, avec le Tattvartha-sutra, est un autre ouvrage pour lequel la tradition ulterieure (parmi les Svetambara) ne reconnait qu'un seul auteur. Ce meme texte, comme aussi le Yoga-bhasya, n'enregistre pas de variantes. Et le Madhyantavibhaga-sastra unifie syntaxiquement commentaire et texte commente. Il nous reste a examiner le dernier des arguments enumeres plus haut. Il s'agit de l'argument selon lequel certaines strophes du VakyapadIya seraient incompletes sans la Vitti. Cet argument derive de Ashok Aklujkar. (1972), qui le soutient par deux exemples : (i) Le premier est VP 1.95, la premiere moitie duquel dit : bhagavatsv api tesv eva rupabhedo dhvaneh kramat/ Page #15 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 120 Biardeau (1964) : 133) traduit : "Meme si c'etait les idees elles-memes qui avaient des parties, la division de leur forme viendrait de l'ordre de succession des sons". Cette traduction attire directement l'attention sur la difficulte soulevee par cette strophe : rien ne correspond aux mots 'les idees. de la traduction. La traductrice a evidemment emprunte ces mots a la strophe precedente, qui contient le mot sanskrit buddhi. Mais buddhi est feminin, et ne correspond donc pas au pronom tegu de la strophe en question. Ni le mot buddhi, ni aucun autre mot dans la strophe precedente, ne correspond a tesu. La lacune est comblee par la Vstti, qui introduit la strophe par le seul mot sphotesu. On a donc : sphotesu bhagavatsv api tesv eva ou, dans l'ordre suivi par Aklujkar : tesv eva sphotesu bhagavatsv api qu'on pourrait traduire : Meme si c'etait ces memes sphota qui avaient des parties... Ici un autre probleme se presente : la nouvelle phrase, avec sphotesu, renvoie toujours a ce qui precede. En effet, elle ne peut que renvoyer a une discussion sur les sphota, qui devrait preceder immediatement. En realite, une telle discussion ne se trouve ni dans la Vstti, ni dans les strophes du vakyapadiya. Le probleme pose par la strophe n'est donc pas resolu par la Vstti, et on ne peut donc rien conclure quant a la relation originelle entre les deux textes. Page #16 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 121 (ii) Le deuxieme exemple peche pour la meme raison. Il s'agit de VP 1.66, que voici : tasyabhidheyabhavena yah sabdah samavasthitah/ tasyapy uccarane rupam anyat tasmas vivicyatell Selon Aklujkar, l'interpretation de cette strophe presente un probleme, qui est pourtant resolu par les mots introductifs evan ca krtvoccaryamanasya livres par la Vrtti. Mais cette position est indefendable. S'il est vrai qu'un mot comme sabda manque dans la strophe, la Vstti ne l'ajoute pas. Le contexte du premier mot tasya montre qu'il renvoie a un mot, et la Vitti ne fait qu'ajouter que ce mot est 'prononce' (uccaryamana). Nous devons de nouveau conclure que le probleme pose par la strophe - s'il y en a un - n'est pas resolu par la. Vstti. La situation en ce qui concerne la Vrtti du vakyapadiya est evidemment comme suit. Il existe des arguments de poids pour prouver que ce commentaire a un auteur different de celui du texte commente; des arguments contraires n'existent pas, ou mieux : ne sont pas convaincants. La seule conclusion possible est que Vstti et vakyapadIya ont des auteurs differents. 4. Cette conclusion ne resout pas tous les problemes. La Vitti est un commentaire en prose qui renferme des strophes citees. Le texte commente - c'est-a-dire le vakya padiya - ne contient que des strophes. Peut-on distinguer les strophes du vakyapadiya des strophes du commentaire ? C'est la un probleme qui a confondu les copistes depuis longtemps. L'edition critique du vakypadiya de Wilhelm Rau en est une preuve eclatante. Tous les manuscrits utilises pour cette edition derivent, directement ou indirectement, de deux hyparchetypes - Page #17 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 122 appeles u et n par Rau - qui different entre eux par le nombre de strophes. Un examen attentif revele que les deux hyparchetypes (en ce qui concerne les chapitres un et deux) representent deux choix de strophes de la totalite renfermee dans la Vitti (y compris, naturellement, les strophes du vakyapadiya). Les copistes ne pouvaient evidemment pas distinguer entre les strophes de la Vstti et celles du Vakyapadiya. On pourrait objecter qu'il suffit de croire qu'un seul des deux hyparchetypes a ete contamine par la Vstti, a savoir l'hyparchetype n. Cet hyparchetype n a les memes strophes que u, plus un certain nombre de strophes additionnelles. Cette objection perd de sa force par le fait que le texte qui se trouve dans les deux hyparchetypes n et u contient quelques strophes qui appartiennent sans doute a la Vstti, a savoir ses strophes de conclusion. Cela signifie que meme l'hyparchetype u, et, pour cette raison aussi, l'archetype a de tous les manuscrits preserves des strophes du vakyapadiya, ont emprunte des strophes a la Vstti. Cette conclusion est en accord avec l'observation de Rau (1977 : 24) que l'archetype a comprenait des fautes et des lacunes. Parmi les fautes indiquees par Rau, qui donc se trouvent dans tous ses manuscrits, il y en a un certain nombre dont l'absence dans le texte utilise par la Vstti est demontrable. La lecture correcte de VP 1.108c kampe tuparate ne se trouve dans aucun manuscrit (sauf un), mais la Vitti la repete (ed. Iyer p. 172 1. 2, sous 1.105). - Les manuscrits de Rau (sauf un) lisent sambandho au lieu de sambaddho dans VP 2.62d; la Vstti a la forme correcte (ed. Iyer p. 215 1. 7). - Aucun des manuscrits de Rau n'a la forme correcte pra jousamjnvadyavayavair de VP 2. 220a; la Vrtti la possede (p. 245 1.6). - La mention du suffixe kan est necessaire dans VP 2. 293, mais les manuscrits de Rau n'en font pas mention; la Vitti cite le sutra de Panini dans lequel ce suffixe est prescrit (p. 266 1. 13). Page #18 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 123 Dans tous ces cas on doit tenir compte du fait qu'un commentateur, qui cherche a comprendre le texte, peut faire des amendements la ou un simple copiste laisse le texte comme il le trouve. Neanmoins, il semble bien probable que le texte que l'auteur de la Vstti connaissait etait plus correct a ces egards que celui de l'archetype a. Cela pourrait s'expliquer de deux facons i (i) le texte accepte dans la Vstti appartient a une autre branche de manuscrits que l'archetype a; ou bien (ii) il est un predecesseur de l'archetype a. Il va sans dire que l'emprunt de strophes a la Vstti dans la totalite des manuscrits utilises par Rau nous contraint a preferer la deuxieme possibilite. On voit la complexite de la situation. Nous savons que la Vstti et les strophes qui font l'objet de ce commentaire ont deux auteurs ou plus. Mais nous ne savons pas quelles strophes appartiennent a la Vitti, quelles strophes au texte commente. Les manuscrits des strophes ne nous aident pas, parce qu'ils ont fait un choix parmi les strophes renfermees dans la Vstti. Leur choix peut souvent etre correct, mais nous avons vu que, dans au moins un cas, tous ces manuscrits ont choisi des 'strophes qui font, en verite partie de la Vstti. Est-il possible que d'autres cas de cette sorte existent sans que nous puissions les reconnaitre en tant que tels ? . Heureusement, la situation n'est pas aussi desesperee que cela. L'editeur le plus recent de la Vitti, K.A. Subramania Iyer, a formule (20) et applique des criteres objectifs pour distinguer les deux types de strophes, celles qui appartiennent au Vakyapadiya, et celles qui font partie de la Vstti. Iyer considere une strophe dans la Vitti comme une citation d'un ouvrage different du vakyapadiya si (i) il existe dans la Vstti une indication a cet effet, si (ii) la Vstti ne commente pas cette strophe. Aklujkar (1971) a indique que le deuxieme critere supprime quelques autres strophes acceptees par Iyer lui-meme comme faisant partie du Vakyapadiya. En appliquant ces criteres, on peut exclure les strophes suivantes du texte du vakyapadiya tel qu'on le trouve dans l'edition de Rau : 1. 15-22, 40(?), 45, 89, 111-119, Page #19 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 124 125-128, 135-138, 140, 145-147, 154, 160-170, 2. 265-267, 367-368, 481-490. La relation complexe qui existe entre la Vrtti et le Vakyapadiya a des consequences remarquables. D'une part, la Vitti n'est plus l'autorite supreme pour l'interpretation du vakyapadiya : son interpretation pourrait etre incorrecte. D'autre part, tous les manuscrits du vakyapadiya que nous possedons derivent de la Vrtti; par consequent, des renseignements portant sur la lecture du vakyapadiya que la Vstti pourrait nous fournir sont plus valables que le temoignage de n'importe quel manuscrit, puisque les lectures du texte que l'auteur de la Vstti connaissait sont plus anciennes que celles des manuscrits survivants; elles sont, en effet, la base de ces derniers. (Ce dernier point, notons-le bien, n'implique point que les manuscrits qui contiennent la Vstti ont pour cette raison une valeur speciale pour la lecture des strophes.) Un bon exemple est la partie initiale de VP 1.123 (119 Iyer, Biardeau), ou l'on trouve, dans l'edition de Rau : sabdadibhedah. Les variantes sont sadgadi- et sadjadi-. Il s'agit pourtant en realite du premier des sept tons de la gamme, appele sadja; la Vitti les enumere tous. 5. Il existe un commentaire sur le Mahabhasya qui est souvent attribue a Bhartrhari, par les colophons ainsi que par la tradition ulterieure. Swaminathan (1963) a pu identifier nombre de citations attribuees a Bhartshari par des auteurs posterieurs dans la partie survivante de ce commentaire; sa liste d'auteurs renferme Kaiyata, Vardhamana, l'auteur de la Bhagavrtti cite par Siradeva, Saranadeva, Annambhatta, Nagesa et Vaidyanatha Payagunda. Le titre du commentaire n'est pas certain (21). On choisit ici le nom Mahabhasya Dipika - ou Dipika - pour la seule raison que ce nom est devenu plus ou moins consacre dans l'usage des 'savants modernes. Le texte du commentaire est connu par un seul manuscrit, incomplet et altere, deja etudie par F. Kielhorn (22). Page #20 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 125 Deux questions se posent : 1) Le Bhartrhari pretendu auteur de la Dipika, est-il le meme que le Bhartshari qui est lie au vakyapadiya et a la Vstti ? 2) Si oui, lequel des deux auteurs, celui des strophes ou celui de la Vstti, a compose la Dipika ? Une reponse absolument indubitable a ces questions semble impossible. Neanmoins, il existe quelques indications qui soutiennent l'identite de l'auteur des strophes du vakyapadiya avec celui de la Mahabhasya Dipika. Considerons les points suivants : 1) La Vstti sous VP 1.84 (ed. Iyer, Biardeau 1.82) remarque qu'une certaine chose "a ete examinee de diverses manieres dans la glose sur le Bhasya du samhitasutra" (iti sanhitasutrabhasyavivarane bahudha vicaritam). Le sanhitasutra est P. 1.4.109 parah sannikarsah samhita qui definit le mot samhita. Il est vrai que la portion contenue dans le seul manuscrit de la Mahabhasya Dipika ne couvre pas cette partie du Mahabhasya, mais, contrairement a des opinions repandues, il existe de bons arguments pour croire qu'initialement ce commentaire a couvert tout le Mahabhasya (23). Ce passage montre que l'auteur de la Vstti connaissait un commentaire sur le Mahabhasya. Le fait qu'il ne specifie pas le nom de son auteur rend probabie que c'etait soit lui-meme, soit l'auteur du vakya padiya qui l'avait compose. Nous savons que le mot tatrabhavat dans la Vitti se refere a l'auteur des strophes du vakyapadiya (voir section 2 supra). Ce mot est employe encore une fois sous VP 2.42. On y trouve la phrase atas ca tatrabhavan aha "C'est pourquoi le maitre honorable dit', qui semble introduire une citation litterale plutot qu'une paraphrase. Ce qui precede cette phrase est une reference au Mahabhasya de Patanjali (24). La citation qui suit porte sur le sens de la phrase (vakyartha) qui est cause de la desinence d'un mot (25). La distinction entre le sens du theme nominal (pratipadikartha) et le sens de la phrase (vakyartha) joue un role dans les strophes du vakyapadiya (VP 2.42; 3.706) et s'accorde avec le Mahabhasya. Neanmoins, les phrases Page #21 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 126 attribuees au maitre honorable' ne sont pas une paraphrase directe de ces strophes et, etant une citation exacte, ne peuvent pas l'etre. Il semble plus probable que ces phrases se trouvaient dans la Mahabhasya Dipika. Le mot tatrabhavat montre donc que selon l'auteur de la Vstti, la Dipika avait ete composee par l'auteur du vakya padiya. 3) L'identite de l'auteur de la Mahabhasya Dipika avec celui des strophes du Vakyapadiya est en accord avec la circonstance que les deux etaient, selon toute probabilite, des Maitrayaniya. W. Rau (1980) a pu le montrer sur la base des citations vediques qui. se trouvent dans la combinaison vakyapadiya plus Dipika (26). Son etude, neanmoins, nous permet de considerer les deux ouvrages separement. L'appartenance de la Dipika a l'ecole maitrayaniya reste completement hors de doute (27). Mais les strophes du vakya padiya sont aussi liees a cette ecole : trois citations se trouvent exclusivement dans la Maitrayani Samhita (28); d'autres hapax legomena ne sont pas cites dans les strophes (29). D'ailleurs, dans le domaine des citations vediques il existe la distinction que voici entre ces deux textes d'une part, et la Vstti d'autre part : il semble probable (BRONKHORST 1987) que la Mahabhasya Dipika ne cite jamais directement des textes taittiriyaka. Presque partout les citations taittiriyaka semblent etre empruntees a des textes intermediaires : au Mahabhasya ou a un texte mimansaka. Dans quelques cas, des citations apparemment taittiriyaka sont evidemment le resultat de 'corrections' introduites par un ecrivain appartenant a cette ecole. Bref, il semble bien probable que l'auteur de la Dipika -- et pour cette raison aussi l'auteur des strophes du Vakyapadiya -- ne connaissait pas les textes des Taittiriyaka lui-meme. Cette supposition est du reste soutenue par le fait qu'il attribue aux Taittiriyaka une citation introuvable, et aux va jasaneyin une citation taittirIyaka. Aussi les citations vediques dans les strophes du Vakyapadiya ne derivent-elles jamais exclusivement des textes taittiriyaka (voir RAU 1980). Page #22 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 127 L'auteur de la Vitti, d'autre part, cite, sous VP 1.8, une strophe des Taittiriyaka (TA 1.11.5) : andho manim avindat tam anangulir avayati tam agrivah pratyamuncat tam ajihvo'bhyapujayatil (30) Cette strophe ne se retrouve pas ailleurs dans la litterature vedique, et elle n'est citee ni dans le Mahabhasya ni dans le Sabara Bhasya des Mimamsaka. Il semble tres probable que l'auteur de la Vitti l'ait citee directement d'apres les textes taittiriyaka, ce qui serait impossible s'il ne les connaissait pas de facon directe. L'influence taittiriyaka est egalement discernable ailleurs dans la vrtti. Deux strophes qui y sont contenues utilisent le mot chandasya au singulier (31). Dans la premiere des deux strophes ce terme modifie le mot atman, dans la deuxieme 'Pra japati'. La Vrtti ne dit rien au sujet de la premiere strophe, mais elle introduit la deuxieme en l'attribuant a un purakalpa [recit] d'un kalpa anterieur. (32). Le mot chandasya, au singulier, ne se trouve qu'une seule fois dans la litterature vedique, dans TS 1.6.11.4, ou il est un adjectif qualifiant' Pra japati (33). [D'apres Iyer (1977 : 88; 1983 : 239), la Vrtti sous VP 2.201 cite te deva apraty asurana jayan tad apratirathasyapratirathatvam, qui se trouve (sans deva) TS 5.4.6.3-4. En verite, le manuscrit de la Vitti a te deva (apraty?) (34) asuran pratya jayan... - lecture qui est confirmee par asuran pratya jayan dans la Vrtti sous VP 2.435 (431; ed. Iyer p. 311 1. 16) - qui est assez proche de MS 3.3.7 : deva asuran apraty a jayams tad apratirathasyapratirathatvam (35). La discussion dans la Vrtti montre que pratyajayan est une erreur pour apratyajayan (36). La Vitti suit la strophe qu'elle commente, qui a, elle aussi, apratya jayan. Les deux se referent donc a la Maitrayani Samhita) Page #23 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 128 Il existe une indication, dont la force n'est assurement pas tres grande, mais qui soutient pourtant la difference entre l'auteur de la Vstti et celui de la Dipika. Le Mahabhasya de Patanjali contient la phrase suivante, dans l'edition de Kielhorn (I p. 153 l. 2-3) : anadvaham udahari ya tvan harasi sirasa kumbham bhagini sacinam abhidhavantam adraksir iti. Cette phrase, qui illustre la liberte de l'ordre des mots en sanscrit, etait connue de l'auteur de la Dipika sous une forme legerement differente, avec vahasi au lieu de harasi (Ms 3565-6; AL 96.5-6; Sw 113.16-17; CE III.3.21-22) :anadvaham udahari ya tvam vahasi sirasa bhagini kumbham sacinam abhidhavantam adraksir iti. Cette lecture est confirmee par la Yuktidspika, qui cite egalement cette phrase avec vahasi (v. BRONKHORST a paraitre : section 2.1): anadvaham udaharini bhagini vahasi ya tvam sirasi, kumbham avacinam abhidhavantam adraksir iti. Le Vakyapadiya se refere a cette phrase en 2.246 par l'expression udaharyadi. La Vstti explique (ed. Iyer p. 254 1. 2-3 : anad vahan harasirasaya tvan bhagini pracinam abhidhavantan kumbham adraksir iti. La Vstti semble donc 'utiliser harati, comme l'edition du Mahabhasya de Kielhorn. Si ces differences - qui se trouvent, bien sur, dans des citations peu precises, et dans des manuscrits dont les traditions fragiles ont pu subir des contaminations - ont quelque valeur, elles pourraient montrer que l'auteur de la Dipika et celui de la Vstti utilisaient des manuscrits differents du Mahabhasya (37). Les indications que nous venons de passer en revue justifient la conclusion que, selon toute vraisemblance, le vakyapadiya et la Mahabhasya Dipika ont un seul et meme auteur, different de celui de la Vstti. Cela ne resout pas encore la question suivante, a savoir, lequel des deux auteurs portait le nom de Bhartshari. En effet, l'exemple du Yoga-bhasya montre que parfois le nom du commentateur est prete a l'ouvrage commente. Dans le cas du Tattvarthadhigama-bhasya, par contre, il semble que le commentaire a ete attribue a l'auteur du texte commente. Page #24 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 129 Pour l'instant, il semble impossible de determiner avec certitude qui etait le 'vrai' Bhartrhari. J'utiliserai ce nom pour designer l'auteur du vakya padIya et de la DIpika, pour la seule bonne raison que cela s'accorde le mieux avec l'usage courant. 6. La Vrtti - nous le savons - est un commentaire en prose qui cite des strophes. Les sources de ces citations ne sont generalement pas connues. Parfois, pourtant, la Vrtti mentionne le nom du 'Sangraha' dans ce contexte. Il semble invraisemblable que ce soit le meme ouvrage que celui mentionne dans le Mahabhasya (38). Neanmoins, les strophes citees dans la Vrtti sont plus anciennes qu'elle, peut etre meme beaucoup plus anciennes. Cette circonstance complique la recherche sur la date de la vitti, pour les raisons suivantes. Vikyapadrya' par des auteurs differents des le neuvieme siecle (39). Avant cette date - compte tenu du fait que les dates exactes de plusieurs auteurs ne sont pas connues - on ne trouve pas de citations en prose de la Vrtti. Des citations en vers, d'autre part, sont attestees jusqu'a une epoque plus reculee. Ces strophes - comme les lignes en proso - sont egalement citees en combinaison avec des strophes authentiques du Vakya padIya. Comme les strophes de la Vrtti ont une origine dirrerente, leur citation par elle-meme dans un ouvrage ancien no prouve rien quant a la date de la Vrtti. Pourtant, le fait qu'elles accompagnent des vraios strophes du Vakya padIya, suggere que les deux etaient deja inseparables a cette epoque-la. Rogardons les donnees de plus pres : Mapglana Misr, dans ou Sphofasiddhi, cite plusieurs strophes du Vikyapad Iya au sein d'un expose du point de vue de Bhartrhari, sans pour autant jamais mentionner son non. Les strophes se divisent en quatre groupes, que voici : Page #25 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 130 groupe 1 : VP 1.84, 85, 86 (p. 89) groupe 2 : VP 1.92, 93 (p. 91) groupe 3 : VP 1.87, 90, 94 (p. 92) groupe 4 : VP 1.88 et une strophe citee dans la Vrtti (= 1.89 de l'edition de Rau) Chaque groupe est introduit par les mots tad (idam) uktam 'cela a ete dit', sans qu'aucune indication quant a la source ne soit jamais ajoutee. On a l'impression tres nette que toutes les strophes - y compris la strophe de la Vstti - etaient considerees comme faisant partie d'un seul ouvrage. Cela ne prouve pas necessairement que d'apres Mandana Misra la Vrtti et le vakyapadiya eurent un seul auteur; il aurait pu se tromper au sujet de la repartition entre strophes appartenant au Vakyapadiya et strophes appartenant a la Vitti, comme les manuscrits modernes l'ont fait. Mais cela prouve, ou suggere fortement, que la Vstti existait deja a la date de Mandana Misra. Cette conclusion est d'ailleurs soutenue par quelques concordances, meme en matiere de vocabulaire, entre la prose de la Sphotasiddhi et celle de la Vstti : Comparons les deux passages suivants. La portion de la Sphotasiddhi qui introduit la citation de VP 1.92-93 a (p. 90-91) : taddesavasthitanam eva ca pranidhanabhyasakramena bhavan na duratvad alabdha janma samipyad udetiti yuktam; prakrtisthendriya api bahirvastvantaradarsanad anyatha pratipadya yathavad upala bhante "De plus, etant donne que, meme si l'on reste a la meme place, elle vient a l'existence de par la succession d'actes d'attention repetes, [la connaissance distincte] qui ne s'etait pas produite a cause de l'eloignement n'apparait pas [ensuite] a cause de la proximite. Voila qui est logique. Meme des gens dont les sens Page #26 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 131 sont dans leur etat normal, percoivent un objet exterieur tel qu'il est apres l'avoir percu autrement au premier regard." (tr. Biardeau) La Vrtti sous VP 1.92 (89 de l'edition de Iyer, Biardeau) a ce passage: taddosavasthita eva pranidhanabhyasat kramena punar yathavaya vam upalabhante/ vyaktalokac ca desat sahasa mandasannivistaprakasan apavarakadIn pravisya rajjvadIn sarpadivat pratipadya tathaiva pranidhanabhyasac caksusi prakrtisthe yathavad upalabhante *Meme en restant, au meme endroit, par un effort repete d'attention, on arrive progressivement a percevoir le detail [de l'objet] * Si, venant d'un endroit bien eclaire, on entre soudain dans les pieces interieures [d'une maison) ou la lumiere penetre parcimonieusement, on prend d'abord une corde pour un serpent, puis, exactement de la meme maniere, par un effort repete d'attention, alors que la vue reste dans son etat naturel, on percoit (la corde] telle qu'elle est." (tr. Biardeau) Le mot parapradarsitavisayagrahin 'celui qui apprehende un objet qui est montre par autre chose! de la Vrtti sous VP 1.87 (85 de l'edition de Iyer, Biardeau) est repris sous les formes paradarsitadarsin, paropadarsitasabdatattvagrahin et (a-) parapradarsitavisaya dans la portion de la Sphotasiddhi qui introduit cette meme strophe (p. 91-92). La situation est moins claire dans le cas du Dvadasara Nayacakra de Mallavadin. Ce texte - qui a ete reconstruit sur la base du commentaire Nyayagamanusaripi de Siphasuri par Muni Jambuvijaya - cite souvent le vakyapadIya, presque exclusivement des strophes du deuxieme kana de celui-ci. Une fois (p. 241), il cite quatre strophes de la Vstti sur VP 1.1. L'ordre de la Vstti n'est pourtant pas maintenu. Des douze strophes qui sont citees ensemble dans la Vrtti (ed. Iyer p. Page #27 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 132 10-14) Mallavadin a pris, dans cet ordre, les numeros 10, 11, 5, 4. L'ordre du Nayacakra ne peut etre originel : la strophe finale introduit un sujet masculin sah qui ne renvoie a rien dans le Nayacakra, tandis que l'ordre de la Vstti ne pose pas ce probleme. Apres avoir cite ces strophes, Mallavadin introduit une vraie strophe du vakyapadiya (2.233), ce qui montre qu'il lie les' unes a l'autre. Il n'est neanmoins pas possible d'en conclure avec certitude qu'il ait emprunte ces strophes a la Vstti, quelque probable que cela soit. C'est Frauwallner qui a montre (1959 : 107 (783) suiv., 145 (821) suiv.) que Dignaga avait emprunte la presque totalite de sa Traikalyapariksa au Sambandhasamuddesa du vakyapadiya (3. 181-215). Les deux strophes de conclusion de la Traikalyaparsksa, pourtant, correspondent a deux strophes citees dans la vstti (sous VP 1.1; ed. Iyer p. 13-14), les memes strophes, en effet, que les premieres strophes empruntees a la Vrtti dans le Nayacakra. On peut conclure que, s'il est vrai que Dignaga cite la Vstti, ce commentaire date d'une periode anterieure a lui. L'anteriorite de Bhartshari par rapport a Dignaga est generalement reconnue de nos jours; l'existence de la Vstti a une date anterieure a Dignaga, d'autre part, ne peut que reculer la date de Bhartshari meme plus loin. Pas necessairement de beaucoup, bien sur. L'auteur de la Vstti se refere a Bhartshari en l'appelant notre maitre', comme nous l'avons vu. Rien ne nous empeche de croire que l'auteur de la Vitti etait l'etudiant direct de Bhartshari; c'est de toute facon une possibilite que nous ne pouvons exclure dans l'etat actuel de nos connaissances (40). Page #28 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 133 Bibliographie Abhinavagupta : isvarapratyabhijnavimarsini. Vol. I. Edited by K.A. 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L'edition utilisee est celle reproduite dans Biardeau 1958 : 69-106. Page #31 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 136 Patanjali : Vyakarana-Mahabhasya. Voir KIELHORN 1880-1885. Phitsutras of Santanava. Edited with Introduction, Translation, Critical and Exegetical Notes by G.V. Devasthali. Poona : University of Poona. 1967. (Publications of the Centre of Advanced Study in Sanskrit, Class C, No. 1) Ratnagotravibhaga-Mahayanottaratantra-castra, compared with Sanskrit and Chinese, with Introduction and Notes, by zuiryu Nakamura. (Includes edition of Sanskrit and Chinese texts.) Tokyo : Sankibo-Busshorin. 1961. RAU, W. 1977 (ed.) Bhartrharis vakyapadiya. Wiesbaden : Franz Steiner. (Abhandlungen fur die Kunde des Morgenlandes XLII, 4.) 1980 (ed.) "Bhartshari und der Veda". StII 5/6 (Festschrift P. Thieme), 167-80. RENOU, L. 1966 (tr.) La grammaire de Panini. 2 volumes. Paris : Ecole Francaise d'Extreme-Orient. SCHARFE, H. 1968 Untersuchungen zur Staatsrechtslehre des Kautalya. Wiesbaden : Otto Harrassowitz. 1977 Grammatical Literature. Wiesbaden : Otto Harrassowitz. (A History of Indian Literature, Volume v, Fasc. 2) SWAMINATHAN, V. 1963 "Bhartphari's authorship of the commentary on the Mahabhasya." ALB 27, 59-70. TAKAKUSU, J. 1896 (tr.) A Record of the Buddhist Religion as practised in India and the Malay Archipelago (AD 671-695). Second Indian Edition. New Delhi : Munshiram Manoharlal. 1982. TAKASAKI, J. 1966 A study on the Ratnagotravibhaga (Uttaratantra), Being a Treatise on the Tathagatagarbha Theory of Mahayana Buddhism. Roma : Instituto Italiano per il Medio ed Estremo Oriente. (Serie Orientale Page #32 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 137 Roma, XXXIII.) TRAUTMANN, Th.R. 1971 Kautilya and the Arthasastra. A statistical investigation of the authorship and evolution of the text. Leiden : E.J. Brill. Page #33 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 138 NOTES 1. Voici le premier d'une serie d'articles, concue en automne 1987, lors d'un sejour a la Villa Serbelloni de la fondation Rockefeller, Bellagio, Italie. Je remercie la fondation Rockefeller, grace a laquelle j'ai trouve quatre semaines a dedier exclusivement a l'etude du vakyapadiya lors d'une periode agitee. Les renvois au vakyapad Iya dans cet article sont toujours a l'edition de Wilhelm Rau, sauf specification differente. Les traductions des strophes du vakyapadiya et des portions de la Vstti ont souvent subi l'influence des traductions de Madeleine Biardeau qu'on trouve dans ses deux livres (1964, 1964a) relatifs a Bhartshari. 189 (Kashmir Sanskrit 2. Isvarapratyabhijnavivstivimarsins II p. Series), selon IYER 1965 : xxi. 3. Par exemple, ibid., p. 226, qui cite aussi la Vstti sur 1. 142 (?) (selon IYER 1965 : xxii); voir aussi Isvarapratyabhijnavimarsini I'p. 265, qui cite VP 1.131, 132 et 134ab, et la moitie d'une strophe citee dans la Vrtti. 4. Selon Iyer (1965 : xxii) cette phrase se trouve 'Vak. c. p. 202', mais je n'ai pas reussi a la retrouver. 5. La variante d'un manuscrit ou on lit yat punar anyena vrttav uktam affaiblit la valeur de preuve de cette phrase. 6. La variante ... svapravrttau ... n'a pas de sens et peut etre rejetee. 7. La phrase est : nahi gaun svarupena gaur napy agauh gotvabhisambandhat tu gauh. Page #34 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 139 8. Voir TAKAKUSU 1896 : 180. 9. VP 2.482 (487 ed. Rau) : pranito gurunasmakam ayam agama sangrahah. 10. vaikhyarya madhyamayas ca pasyantyas caitad adbhutam/ anekatirthabhedayas trayya vacah param padam/l. 11. P. 220-21 (ed. Iyer): saisa trayi vak caitanyagranthivivartavad anakhyeyaparimana turiyena manusyesu pratyavabhasatel tatrapi casyah kimcid eva vyavaharikam anyat tu samanyavyavaharatitam/ ...l tasyas casamkirnam vaco rupam kartsnyena samanyavisesavaty asmiml laksane vyakaranakhye nibaddham/ 12. P. 216 (ed. Iyer): paran tu pasyantirupam anapabhramsam asamkirnam lokavyavaharatitam. 13. C'est mon etudiant J.E.M. Houben qui a attire mon attention sur ce passage. Je l'en remercie. 14. Voir BRONKHORST 1985a. 15. Voir BRONKHORST 1985b. 16. Th. R. Trautmann (1971) a rendu probable, par des methodes statistiques, l'hypothese selon laquelle il y a eu, en verite, plusieurs auteurs qui ont contribue a l'Arthasastra dans sa forme presente. 17. La strophe finale est : drstva vipratipattin bahudha sastresu bhasyakaranam/ svayam eva visnuguptas cakara sutran ca bhasyan call Cette strophe montre que Visnugupta a fait sutra et bhasya, apres avoir pris connaissance des commentaires anterieurs. Les lignes initiales de l'Arthasastra disent : ... yavanty arthasastrani purvaca Page #35 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 140 ryaih prasthapitani prayasas tani samhrtyaikam idam arthasastran krtam "Ce seul (eka) [ouvrage qui s'appelle] Arthasastra a ete fait en compilant tous les Arthasastra produits par des maitres d'autrefois." Cela signifie que Visnugupta etait compilateur, ou redacteur, plutot qu'auteur. Voir aussi FALK 1986. 18. La strophe initiale du bhasya est : sastrasyasya pranetaram abhyarhya sugatatma jam/ vaktarancasmadadibhyo yatisye'rthavivecanell "Ayant honore l'auteur/promulgateur de ce sastra et celui qui l'a enseigne a - ou : l'a exprime pour - moi et d'autres, je m'efforcerai d'en expliquer le sens." Le commentateur Sthiramati est d'avis que l'auteur des strophes est Maitreya, et leur enseignant Asanga; mais cela n'est dit ni dans la strophe ni ailleurs dans le Madhyantavibhaga-sastra. 19. Quelques exemples : La strophe 1.14c est renfermee dans une phrase du bhasya de la maniere suivante (ed. Pandeya p. 36): yas casau tadabhavasvabhavah sa na bhavo napi cabhavah. La strophe 1.17cd (p. 40): yadi samala bhutva nirmala bhavati kathan vikaradharminItvad anitya na bhavati/ yasmad asya abdhatukanakakasasuddhivac chuddhir isyate agantukamalapagamat na tu tasyah svabhavanyatvam bhavati/ 20. Dans l'introduction de son edition du vakyapadiya, Kanda 1, p. x. 21. Aklujkar (1971a) defend comme titre original 'Tripadi', mais il semble certain que cela n'est pas correct; voir BRONKHORST 1987a : 33 suiv. 22. Dans la 'Preface to the First Edition, Vol. II' de son edition du Vyakarana-Mahabhasya; cette 'Preface' se trouve dans le troisieme volume de la troisieme edition de K.V. Abhyankar, p. 17-27. Page #36 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 141 23. Voir sur cette question BRONKHORST 1987a : 33 suiv. 24. Ed. Kielhorn, vol. I p. 462-464, sur P. 2.3.46-50. 25. Vstti sur VP 2.42 (p. 210-211 ed. Iyer): atas ca tatrabhavan aha: yathaika padagatah pratipadike'ntahpadam samskarahetur artho vacanam pratitvan bhavati tathaikapadagatah padasanskarahetur eva vibhaktiyogam pratyahetur bhavati gramo gramo ramaniya itil aneka padasansrayas tu vakyarthah_pratinighatadivyavastharthahetur akhyayate iti. 26. Voir aussi BRONKHORST 1981; 1987. 27. Aux preuves fournies par M. Rau on pourrait a jouter le fait que, pour l'auteur de la Dipika, des renvois a des prakarana non-specifies, se referent a des textes manava, qui appartiennent a l'ecole maitrayaniya; voir BRONKHORST 1985. 28. na dato gamayed (VP 2.323d) se trouve MS 1.8.5; dasyuhendra iva (VP 3. 1265) renvoie a MS 4.12.3 indra iva dasyuha bhava; VP 3. 1292 renvoie a MS 4.3.8. 29. La ligne vakyat prakaranad arthad aucityad desakalatah (VP 2.314ab) qui ressemble a Behaddevata 2.118ab arthat prakaranal lingad aucityad desakalatah pourrait etre une exception, qui ne changerait du reste point nos conclusions. 30. Le TA 1.11.5 et 6-7 contient cette strophe en deux variations : (1) andho manim avindat, tam anangulir avayat/ agrIvah pratyamuncat, 90'srIvah pratyamuncat, so'jihvo asascatall : Page #37 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 142 31. Elles sont contenues dans l'edition du vakya padiya de Rau sous les numeros 1.17 et 1.125. 32. Voir ed. Iyer, p. 185 1.7. 33. On ne peut pourtant exclure la possibilite que l'influence de la Taittiriya Samhita est ici indirecte; P. 4.4.93 explique le mot chandasya, et un ancien commentaire pourrait avoir cite TS 1.6.11.4 pour l'illustrer. 34. La note dans l'edition de Iyer (p. 239 n. 10) n'indique pas si ce premier aprati se trouve dans le manuscrit ou non. 35. L'edition de Schroeder a ... asuran praty..., mais l'amendement propose dans la Vedic Word-Concordance de Vishva Bandhu, s.v. aprati, a ete accepte ici. 36. Erreur qui n'est d'ailleurs pas sans interet, puisqu' elle est parallele a la lecture qui survit dans la Maitrayani Samhita. 37. Sur les manuscrits du Mahabhasya a l'epoque de Bhartshari, voir BRONKHORST 1987a : 21-30. 38. Voir SCHARFE 1977 : 125. 39. En plus des exemples enumeres dans la section I, on peut inclure Somananda et Utpala; voir IYER 1965 : xx-xxi. 40. Meme un etudiant direct peut se tromper dans l'interpretation du texte de son maitre, ou avoir des doutes quant a son sens; je l'ai montre dans le cas de Vaidyanatha Payagunda, eleve de Nagesa Bhatta. Voir BRONKHORST 1986. Page #38 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 143 SUMMARY The article takes up anew the question of the authorship of the Vitti on the first two kandas of the Vakyapadiya. Section 1 reviews the most important relevant passages from classical Sanskrit authors ; they are unanimous in ascribing the Vstti to the author of the Vakyapadiya. Section 2 shows that there are, on the other hand, very strong internal arguments to show that the Vstti and the VakyapadIya had different authors ; the most important of these arguments have not yet been brought forward, or evaluated properly in the literature on this question. Section 3 then deals with the question of the weight which must be given to the unanimity of tradition, and to the other arguments that have been used to prove identity of authorship. Most of these can be shown to be without value, because they can be explained by a stylistic feature of many commentaries from that period which have not been taken into account or even noticed previously. Only one important argument remains at this point, the argument according to which some verses of the Vakyapadiya are incomplete without words added by the Vrtti ; this argument too loses its value once it is seen that these verses remain incomplete even after the words from the Vstti have been added. The conclusion is drawn that the Vstti and the vakyapadiya have different authors. Section 4 deals with the text-critical question of how to distinguish verses belonging to the vakyapadiya from verses cited in the Vrtti from elsewhere. Section 5 addresses the question of whether the author of the vakyapadiya or the author of the Vrtti, if either, wrote the Mahabhasya DIpika. Some arguments support the view that it was the former. Section 6 reviews some early quotations from the Vstti, which indicate that this commentary may be old, even perhaps older than Dignaga.