Book Title: La Fascination Jaina Pour Lalchimie
Author(s): Nalini Balbir
Publisher: Nalini Balbir
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Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ La fascination jaina pour l'alchimie NALINI BALBIR L'examen de quelques scènes d'alchimie, amorcé dans la première livraison de ce journal, visait à montrer l'intérêt qu'il y aurait à prendre en compte la littérature narrative jaina en prakrit et sanskrit pour la connaissance du rasaśāstra: de sa technique, de sa terminologie, de sa finalité. Les difficultés inhérentes à l'étude de la littérature narrative jaina font qu'il est presque impossible d'être exhaustif d'emblée. Les livres ne sont pas de consultation aisée, sont généralement dépourvus d'index, parfois d'introduction. La trouvaille est donc en partie le fait du hasard. Elle se produit au gré de lectures menées à loisir.? Celles que j'ai pu faire depuis un an viennent enrichir le dossier précédent, tout en permettant de préciser ou de développer certains points qui n'étaient alors qu'abordés. Le présent article examine successivement le rôle des thèmes alchimiques dans la littérature narrative jaina, et de possibles vestiges du Jonīpāhuda, texte qui pourrait avoir été la source de l'enseignement alchimique. La quête de l'or alchimique et ses buts 1. En Inde, comme en Chine, l'alchimie passe généralement pour une technique magicospirituelle dont le résultat doit être l'immortalité, ou, du moins, la longévité. Cela est vrai des milieux yoguiques et tantriques à l'origine des rasaśāstra; cela l'est beaucoup moins des protagonistes que nous voyons à l'oeuvre dans les narrations jaina du 6ème au 14ème siècle: selon toute apparence, leurs motivations sont essentiellement matérielles. Voici quelques exemples indiscutables. Jeune fils de marchand devenu orphelin, Guņamdhara est contraint de chercher fortune dans une contrée étrangère. Ses errances le conduisent auprès d'un chef de bande (pallivai: sk.pallīpati) qui, au moment de lui donner congé, lui remet une calebasse Référence à la page et à la ligne des textes, ou, le cas échéant au numéro de la strophe (précédé de v. = vers) JEĀS, 1, 1990, 149-164. 2 Un bref séjour à Berlin (juin 1991) m'a été très utile à cet égard. 3 Compléments à JEĀS, 1, $ 15. 4 Aux ouvrages de M. Eliade et J. Needham mentionnées dans JEĀS, 1, on ajoutera, de M. ELIADE, L'alchimie asiatique (Alchimie chinoise et indienne), essai de 1935. Traduit du roumain par Alain Paruit. Paris 1990. Sur la distinction entre "alchimie de laboratoire" et "alchimie intérieure" (nei-tan) dans la civilisation chinoise, voir, récemment Cahiers d'Extrême Asie, 5, 1989-1990, 141ss. et 264ss. Puhaicandariya de Santisūri, composé en 1105 (saravat 1131). Éd. Pamnyāsa Muni Shri Ramnikvijayji. Ahmedabad, Varanasi 1972 (Prakrit Text Society Series 16), 181ss. Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 135 pleine d'un mercure capable de transmuer cent mille fois son propre poids de métal vil (samappiūņa saya-sahassa-vehi-rasa-padahatham' tumbayam, 183.19): Tu as un vif désir de richesses. Prends donc ce puissant mercure dont les pouvoirs sont avérés. Car En contact avec une particule de ce mercure), étain, argent, cuivre et fer noir aussitôt deviennent or, sans qu'on ait à se donner le moindre mal. Si, pour une raison ou une autre, le hasard veut que tu ne rencontres pas de caravane, garde pourtant pleine confiance: avec ce (mercure), tu obtiendras richesse et prospérité, très facile ment." Les péripéties qui suivent n'ont pas de pertinence ici. Seule importe la conception, clairement affirmée, de l'aurifaction comme moyen de s'enrichir, à peu de frais. Moyen tantôt tenu pour peu recommandable, tantôt, au contraire, valorisé. En effet, la technique alchimique inquiète les uns, attire les autres. Les textes qui vont être passés en revue confirment que l'ambivalence est irréductible. 2. L'alchimie est considérée comme un vice par l'auteur du Lilāvatisāra (JEĀS, 1, $S 10 et 15), ou par les auteurs des différentes versions du Dhūrtākhyāna. Haribhadra, auteur de la version prakrite (8ème s.) voit dans le dhātuvāda 'un démon qui tourne la tête' d'Elasādha, un jeune homme avide d'argent. Parcourant le monde pour assouvir sa passion du gain, il découvre un trou plein de mercure (rasabila, 12.12*), s'empare du liquide puissant, capable de transmuter mille fois son propre poids de métal vil (sahassavehi raso, 12.11*), se procure, grâce à lui, tous les luxes possibles. Cette richesse, utilisée à bon escient pour le don aux pauvres (12.21*),10 il est vrai, mais acquise trop vite, lui est ravie par des voleurs et lui vaut d'avoir la tête tranchée. Moins radicaux que Haribhadra, ses successeurs voient dans l'alchimie un vice (vyasana). Par ailleurs, la recherche du rasa telle que la décrivent les textes littéraires comporte des risques: le scénario décrit dans le JEĀS, 1 (89) est encore attesté, en prakrit, dans le Rayanacüdarāya 6 Sur ce qu'il convient d'entendre par rasa voir JEĀS, 1, $ 8. Éd. padahaccham. J'adopte l'orthographe padahattham (doublet plus fréquent: padihattha), suivant en cela le PSM s.v. (mot desi). 8 Attha-lalaso tumam, tā ginhāhi eyam diffha-paccayar mahā-rasam. avi ya: 167. tau-tāra-tamba-kālāyasāņa chikkanam cya-lesena jāyai kancana-bhāvo sahasa tti kilesa-virahena. 168. jai kaha vi divva-jogā na milai sattho tahā vi su-visattho eena dhana-samiddhim suhena sampāunejjāsi. (183.19-22) ... ahayarn tarunattane davina-buddhi I dhāuvvāya-pisāena bhāmio ..., 12.6*-7* dans Dhūtākhyāna of Haribhadra Sūri (Haribhadra's original Prākrit text. Sanghatilaka's Sanskrit Version and an Old-Gujarati prose rendering etc.) with an elaborate, critical essay on the Dhurtākhyāna by Dr. A.N. UPADHYE. Ed. by Sri Jina Vijaya Muni. Bombay 1944 (Singhi Jain Series 19), chapter III. 10 Sur le don et l'alchimie voir JEĀS, 1, $ 15 et infra, $ 5. 11 Naţito dhātuvādadyair Vyasanair niragām ghāt, 38.17*;55.29 (guj.). Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 136 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) cariya de Nemicandra (fin du 11ème s.) ou le śāntināthacaritra d'Ajitaprabhasūri (14ème s.). 12 3. Inversement, la réussite d'une opération alchimique peut être pour un jeune homme le moyen de faire ses preuves, de manifester ou confirmer ses qualités et son aptitude à vivre indépendamment. C'est, en quelque sorte, une étape nécessaire dans son éducation et un rite de passage vers une vie d'adulte intégré dans la société. Une partie des péripéties qui formaient la trame narrative de la Kuvalayamalā et s'y trouvaient très détaillées (JEĀS, 1, $8 5-6) s'avère ainsi constituer une sorte de prototype ou de modèle réemployé, plus succinctement, et avec moins de détails techniques, par les textes ultérieurs. Témoin de l'échec d'une transmutation tentée par des métallurgistes qui opèrent dans les montagnes, le héros s'y essaie à son tour – avec succès: c'est la victoire de la valeur personnelle et intime (quasi-surnaturelle), des qualités morales et spirituelles sur la technique brute, impuissante. La quête de l'or alchimique devient, en somme, un motif littéraire, aussi stéréotypé que n'importe quel autre thème, avec ses points fixes et ses variantes: le lecteur coutumier de la littérature narrative jaina se retrouve donc, une fois de plus, dans le paysage familier de la répétition. Les oeuvres en prakrit, dont le contenu et la terminologie vont être considérés ci-dessous (A-C), sont successivement le Bhavabhāvanāprakarana de Hemacandra Maladhārin (12ème s.), le Kumārapālapratibodha de Somaprabhasüri (12ème s.) et la Sirisirivalakaha de Ratnasekharasüri (14ème s.). L'épisode alchimique y est toujours une sorte d'intermède sans grande conséquence sur la suite des récits. . A. Prince au coeur noble mais léger, Sulocana se montre insouciant avec l'argent de son père, et dépense, en une sortie, cent mille dināra.14 La colère paternelle le fait réfléchir (“Il n'est pas bien de profiter de la fortune de son père lorsqu'on n'est plus un enfant'). Il prend la décision de n'utiliser désormais que de l'or qu'il aura lui-même gagné, et il quitte la maison familiale. Les détails de la mise en scène rappellent la Km.: le prince part à minuit, prend soin de ne pas se faire remarquer et n'oublie pas son épée. Parvenu à un coin de forêt, il aperçoit un groupe de métallurgistes en train de faire chauffer du métal (dhāuvväiya-vindam ditham dhāum dhamemānam, v.15). Il prononce une formule en forme de souhait de réussite qui semble faire office de mot de passe et lui vaut d'être admis dans le cercle des métallurgistes: Vasuhārā ihaim padau (v.16). L'interprétation de cette expression, apparemment courante parmi les alchimistes (infra B), est problématique. Le verbe padai y est employé idiomatiquement au sens de 'tomber (bien)', c'est-à-dire 'échoir, arriver, réussir." Vasuhārā (Terre en tant que ré 12 P.170-176 (éd. publiée à Ahmedabad en 1942); détails dans H.R. KAPADIA, 'References to fabulous objects by Jaina writers', Journal of the Oriental Institute Baroda, 8,2.Dec. 1958, 172-173, qui mentionne encore le sparsapāsāņa, pierre capable de transformer le fer en or, ou le siddharasa, doué des mêmes vertus. 13 K. BRUHN, 'Repetition in Jaina Narrative Literature', Indologica Taurinensia, 11, 1983, 27-75. 14 Bhavabhāvanā: éd. publiée à Bombay en 1985, dvitiyo vibhāgah, 4-5. 15 Comparer, par exemple, ūsarn ca padau (E. LEUMANN, Die Avašyaka Erzählungen. Leipzig 1897, 23.23): 'Puisse la potasse faire effet' (formule employée dans le milieu des blanchisseurs), et le gujarati padavum 'to chance or happen to be, to take place, appear': M.B. BELSARE, An etymological GujaratiEnglish Dictionary, New Delhi 1981 (2nd ed.). Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 137 ceptacle de trésors) est probablement à comprendre comme un nom propre: celui de la déesse de la richesse et de l'or, Vasudhārā, que les Jaina du Gujarat vénèrent encore, comme en témoigne, dans cette région, l'existence de plusieurs manuscrits de la Vasudhārā-dharani, texte d'origine bouddhique. La formule signifie donc peu ou prou: 'Puisse la Terre nous échoir hic et nunc! Admis dans leur cercle, le prince apprend la technique de ses nouveaux compagnons. On note au passage le composé dhāuvāya-bhāsā (v.17): il confirme l'existence, déjà posée dans la Km. (JEĀS, 1, $ 7C), d'un code propre aux spécialistes de cette discipline. Spécialistes, les dhātuvāda de cette histoire le sont. Ils ne sont pas pour autant plus chanceux que les pauvres hères de la Km. A Sulocana qui s'inquiète de savoir s'ils obtiennent le succès (t.tech. siddhi), ils dépeignent avec une amère ironie leur vie de vain labeur: 'D'abord enfants, puis adolescents, ensuite jeunes et enfin vieillards, l'acquisition d'un terrain pour (extraire et chauffer (le minerai), l'anéantissement des biens paternels, la peine, et pour finir ce tas de cendres comme de la pierre: voilà, illustre personnage, notre réussite', le vide - comme cette brousse!" Ces considérations n'arrêtent pas le prince, qui, avec un doux sourire (isim hasiūņa, v.22) donne les instructions: Jetez avec les plantes le plomb, l'étain et le cuivre. Haussez-les jusque dans le creuset et chauffez. Moi je serai ici et observerai.'18 Les métaux vils mentionnés ici sont usuels. On notera seulement sumba, nouveau doublet prakrit, plus graphique que phonétique, de pk. Suva (Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 138 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) B. Dans le Kumārapalapratibodha, un prince trop séduisant est, à la demande de la population inquiète pour ses filles, reclus par son père, jusqu'au jour où il décide de s'échapper. En plus condensée, la suite des péripéties rappelle les aventures de Sulocana; de même le décor et le vocabulaire. On note, là encore, la formule padau Vasuhārā, qui vaut au jeune homme d'être bien accueilli (sāgayam!). Son charisme (pabhāva) assure la réussite immédiate de l'expérience. Sa magnanimité trahit son origine royale; les malheureux métallurgistes prennent conscience de l'inanité de leurs efforts passés.20 C. Quant à Sripāla, il lui tient à coeur de prouver ce dont il est capable pour une autre raison: il se désole de n'avoir été idientifié que par relation à son beau-père - ce qui passe pour peu glorieux - et de n'être pas connu pour ses propres qualités.21 Le voyage permet alors l'apprentissage de la nouveauté. La première rencontre est celle d'un jeune homme. Il est, en pleine forêt, occupé à la méditation d'un mantra qui, dit-il, ne saurait être efficace sans l'assistance d'un acolyte (uttara-sahaga, v.366). Sripāla sort vainqueur de cette épreuve et se voit remettre deux plantes: 'La première permet de traverser l'eau, la seconde arrête les traits ennemis. Ces plantes, il convient que tu les portes, enchassées dans les trois métaux.22 La suite montrera qu'il s'agit probablement d'amulettes porte-bonheur, que le prince s'attachera au bras (v.377). En attendant, ses pouvoirs ont convaincu son compagnon qui l'entraîne vers une chaîne de montagnes auprès de métallurgistes (dhāuvāiya-purisa, v.371): 'Sire, nous nous efforçons de réaliser (l'or) conformément à la procédure (kappa pamāneņa, v.372) que tu nous as indiquée, et pourtant, pour quelque raison, nous · n'arrivons pas au rasa (amhāņa na hoi rasa-siddhi).' Le rasa n'est habituellement que l'auxiliaire de la transmutation des métaux, non son but. Il est donc vraisemblable que le composé rasa-siddhi est à comprendre comme l'abréviation de kallana-rasa-siddhi, présent au vers suivant, soit: 'nous n'arrivons pas à obtenir le rasa, qui permet de produire l'or.' Sk. kalyāna est une désignation métaphorique du métal suprême, attestée notamment dans les lexiques spécialisés.23 Sans grande nouveauté, la suite n'appelle pas de commentaire. 4. Il est probable que l'alchimie n'aurait pas connu pareille vogue dans les milieux jaina si elle n'avait pas eu la caution d'une certaine orthodoxie monastique. Les textes canoniques la réprouvaient, au même titre que d'autres pratiques. Certains écrivains continuent à suivre cette tendance ($ 2). D'autres font une place à la pratique alchimique en la 20 Texte dans JEĀS, 1, note 12. Naham niaya-gunehim... iha vikkhão jāo, ahayar susurassa nāmenam. tam puna aham'ahamatta(ssa) kāraṇam vajjiam supurisehim. Sirisirivālakaha (publiée à Ahmedabad, sans date: Yasenduprakāśan 11) v.344-345ab. Jala-tāriņi a ega para-sattha-nivāriņi taha biya cyao (lire bref) osahlo ti-dhāu-madhiyão (lire - bref) dhärjja. (v.370) Sur le sens de madhiya, voir PSM s.v. (avec cette référence) et CDIAL n° 9729. D'après la chāyā moderne de l'édition, les trois métaux seraient l'or, l'argent et le cuivre. 2 Ex. Rājanighantu XIII.8: cf. R. GARBE, Die indischen Mineralien, ihre Namen und die ihnen zugeschriebenen Kräfte, Leipzig 1882. Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 139 déguisant en motif littéraire ($ 3). D'autres enfin proclament haut et fort qu'elle est d'utilité publique. C'est le cas de Jineśvarasūri, maître svetāmbara du 11ème siècle, dont le Kathakośaprakarana (sam. 1108 = 1051) prouve qu'il était fortement impliqué dans les débats de son temps. En l'occurrence, il est opportun de considérer brièvement son appartenance sectaire et sa lignée, qu'il décrit dans la prasasti finale (p.181). Si elles étaient confirmées par des analyses plus poussées, les observations qu'elle permet pourraient indiquer que le souci de sauvegarder le savoir alchimique était plus vif dans certaines écoles que dans d'autres. Pour l'heure, la prudence s'impose. 1) Jineśvara appartient au Candrakula, école du Kharataragaccha. Les pontifes de cette importante secte svetāmbara, fondée au 11ème siècle par Vardhamānasūri, prédécesseur direct de Jineśvara, n'ont jamais manifesté leur aversion pour l'alchimie et les autres techniques occultes. 2) Après Mahāvīra, le maître dont Jineśvara se réclame en droite ligne est Vaira (= Vajrasvāmin), fondateur de la branche à laquelle il appartient (Vaira-mahāmiņi-niggayasähā, 181.11*). Or, la biographie légendaire de ce personnage est clairement imprégnée de surnaturel: dans le corpus āvaśyakéen, par exemple, il incarne l'intelligence liée aux pouvoirs magiques (pk. joga-siddhi).2 Par ailleurs, Vaira est aussi supposé être le coauteur (mythique), avec le non moins fameux Pälitta (= Padalipta, maître de Nāgārjuna l'alchimiste) d'une composition relative au Mont Raivataka (= Girnar), tirtha où le dhātuvāda et les pratiques occultes jouent un rôle non négligeable.26 Si l'on en croit la tradition, ce texte serait lui-même extrait d'un traité au titre significatif, le Vijjāpāhuda ('Traité des formules').27 La recherche de l'or par le rasa (rasa-siddhi) y est qualifiée de bénéfique pour le progrès de la Communauté (sangha-samuddharana-kajjammi, 6.28*).23 3) Jineśvara se réclame en outre d'un certain Ujjoyana (= Uddyotanasūri). Il n'y a guère de doute: le maître visé ne peut être que l'auteur de la Kuvalayamālā, lui aussi membre du Candrakula (Km. 283.4*), dont on a vu à l'oeuvre les connaissances alchimiques (JEĀS, 1). Est-ce donc un pur hasard si, à l'instar de son prédécesseur, Jineśvara tente une défense et illustration de l'alchimie, qu'il place en vedette au terme de son Kathākośaprakarana (p.172-173)? 5. Sundaridatta, héros de l'épisode concerné, est le fils d'un caravanier. Son enfance est évoquée de manière traditionnelle: célébrations natales, attribution d'un nom au douzi 24 Il est surtout connu comme pourfendeur des moines cainyavasin, ceux qui préfèrent élire domicile dans les temples jaina plutôt que de se livrer à une vie érémitique: cf. P. DUNDAS, The tenth wonder: do mestication and reform in medieval svetāmbara Jainism', Indologica Taurinensia, 14, 1987-88, 181-194; introduction hindie du Kathakośaprakarana (Bombay 1949: Singhi Jain Series 11), 2ss. 28 Ad Avasyaka-niryukti v.934 (Haribhadra p.412b-413a). Prakrit Proper Names (Ahmedabad 1970) s.v. Vaira. 26 Vividhatirthakalpa no 2 (Bombay 1934: Singhi Jain Series 10). - Sur Padalipta et Nägärjuna voir JEĀS, 1, $$ 12-14. 27 Infra, $ 6 sur ce traité et d'autres apparentés. 28 Cette formule n'est pas exceptionnelle: infra, $$ 5 et 6. Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 140 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) ème jour. Le garçonnet est ensuite soigné par cinq nourrices, et, à l'âge de huit ans, confié à un maître chargé de lui enseigner les arts et métiers, maître jaina, comme le suggère le terme de kalā-süri (172.26). Là où, pour évoquer cette phase, les textes se contentent habituellement d'une banale formule, Jineśvara, par le biais de la mise en scène narrative, présente une sorte de manifeste destiné à souligner la supériorité de l'alchimie sur les autres kala. Il est amorcé par le père de Sundaridatta, qui tient à vérifier que son fils n'a pas perdu son temps en apprentissages superflus et l'interroge sur le bilan de sa formation: gandhavva-natta-vīņā-pattacchejjai taru-tigicchā ya āsa-kari-sikkha-samuddajam ca taha leppa-cittaim. eyam viņoya-mettam, dhaņu-cchuriya-khagga-kunta-m-di vi. jão para-uvajīvana-mettão kalão kim tahim? cão bhogo dhammo sijjhai attheņa so jaha hoi tam kim pi kalam sahasu; na amha annähi[m] kajjam tu. (172.28*-30*) 'Chanter (1), danser (2),(jouer de) la vina (3), découper (artistement) des feuilles (4), soigner les arbres (5), apprendre (la science) des éléphants et des chevaux (6), (pratiquer) la chiromancie (7; cf. sk. sāmudrika), le moulage et la peinture (8-9): tout cela n'est que passe-temps, - et il en va de même (du maniement) de l'arc, du couteau, de l'épée et de la lance (10). Ces techniques n'autorisant qu'une vie dépendante d'autrui, à quoi servent-elles donc? Puisque la générosité, la jouissance et le dharma ne peuvent réussir qu'avec de l'argent, expose une technique qui permette d'en obtenir. Les autres ne nous intéressent pas.' On aura reconnu certains termes qui, tels quels ou non, figurent dans les listes jaina traditionnelles des soixante-douze kala32: no 1-3; 4 (JAIN, p.228 n.3); 8-9; assez vague, le composé āsa-kari-sikkha (n° 6) rappelle les vocables du Samvāyanga (äsa-sikkham et hatthi-sikkham: no 64-65), qui, en outre, compte comme techniques indépendantes la connaissance des marques équines et éléphantines (haya-lakkhanam et gaya-lakkhanam: n° 30-31), seule attestée dans les autres listes. Le soin des arbres a sa place dans la liste du Kamasutra, et il faut probablement attribuer aux besoins de la cause la dévalorisation (passagère) de la science de la chiromancie, ou, plus largement, des signes pronostiques (n° 7), habituellement non dédaignée par les jaina, comme le montre, par exemple, un exposé très détaillé d'Uddyotanasūri dans la Kuvalayamāla (129-131). Quant aux arts 29 Imprimant pattacchejjāi-taru", l'éditeur semble avoir compris l'équivalent du sk. "chedyadi, avec ādi au milieu du composé. Bien que cela ne soit pas impossible en prakrit (et en sanskrit jaina), il me semble préférable de voir dans l'ensemble deux composés: 1) un dvandva au nomin. plur. neutre (-ai pour aim: la brève est nécessaire pour former le sixième gana procéleusmatique); 2) après la césure, le composé taru. 30 Le texte imprimé porte cchuriya qui détruit la régularité métrique. 31 Les voyelles finales de mettão et kalāo sont à lire brèves. 32 Tableau synoptique fondé sur les différents textes canoniques par Muni Jambūvijaya ad Samavāyangasutta 72, p.758ss. (Bombay 1985: Jaina-Agama-Series 3). Analyse dans J.C. JAIN, Life in Ancient India as Depicted in the Jain Canon and Commentaries, Delhi 21984, 227-229. Pour les listes non jaina, bonne synthèse dans RADHA KUMUD MOOKERJI, Ancient Indian Education, Delhi *1969, 353ss. 33 Voir, par exemple, Das Wissen von der Lebensspanne der Bäume, Surapālas Vpkṣāyurveda kritisch ediert, übersetzt und kommentiert von R.P. DAS, Stuttgart 1988, 2. Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 141 de combat (no 10), ils font bien partie de la formation de base classique. Pour un marchand comme Sundaridatta, ils ne sauraient toutefois présenter la même valeur que pour un kşatriya. Ils permettent d'entrer au service d'un patron (cf, para-uvajīvana), non de s'établir à son compte, comme doit le faire un śreşthin digne de ce nom. La technique productive et rentable dont le père réclame l'exposé sera précisément l'alchimique: elle donne l'indépendance financière et le respect du dharma du groupe social et vaudra à Sundaridatta les félicitations paternelles (suphu sikkhiyam, suffhu! 173.17), alors que, dans le Lilāvafisāra (JEĀS, 1, 88 10 et 15), elle avait déterminé une rupture entre père et fils. A la fin du récit, Sundaridatta deviendra moine, puis maître (sūri, 179.5). Même si le texte ne fait pas état de sa pratique de l'alchimie, il suggère par ce qui précède qu'il connaissait cette technique. Indirectement, Jineśvarasūri admet donc qu'elle n'est pas étrangère aux moines. Pourquoi, d'ailleurs, le serait-elle? Elle bénéficie d'une antique caution, que le jeune homme ne manque pas de rappeler: Jiņa-bhāsiya-puvva-gae Joņīpāhuda-sue samudditham eyam pi sangha-kajje kāyavvam dhīra-purisehim. (172.32*) 'Cette (science) a été expliquée dans le Livre (appelé) Jonipahuda qui appartient aux Textes Anciens énoncés par le Jina." Elle doit être mise en pratique pour le bénéfice de la Communauté par les gens avisés.' Le(s) Jonīpahuda 6. Comme beaucoup de textes ésotériques, le Jonipāhuda / sk. Yoniprābhta ( = Jp. / Yp.) a connu une transmission difficile, en sorte qu'il convient de distinguer entre un Jp. traditionnel, dont nous n'avons qu'une connaissance indirecte et fragmentaire (88 6-8), et un autre Jp., auquel nous avons accès par un seul manuscrit en assez mauvais état (89). La forme du titre n'a rien d'inhabituel: le second terme du composé est un terme générique qui permet de ranger le Jp. dans une catégorie. Pk. pāhuda (sk. prābhyta) désigne en effet un bref traité en vers, ou, selon certains commentateurs, une soussection dans un Pürva. Plusieurs noms de pähuda censés avoir fait partie des Textes Anciens sont connus, mais leur texte original n'existe pas. Certains semblent avoir eu trait aux sciences magiques ou occultes (présages, formules, astrologie). Vaille que vaille, la tradition littéraire en garde toutefois un souvenir plus ou moins précis. La situation particulière du Jp. est applicable à ses congénères. Il n'est nulle part mentionné dans le Canon. On le voit évoqué, çà et là, par les commentaires canoniques (cūrņi et fikā: 6ème-8ème s.), puis par Uddyotanasūri (8ème s.) et Jineśvarasūri (1lème s.), et finalement par les biographes-hagiographes du magicien légendaire qu'est Padalipta (prabandha: 13ème-14ème s.). Toutes les sources s'accordent sur son contenu global: le Jp. est un 'Traité de la génération' (yoni). Les deux définitions 34 Cf. Km. 197.6: JEĀS, 1, 153. 38 H.R. KAPADIA, A History of the Canonical Literature of the Jainas, Surat 1941, 91ss. Je regrette de n'avoir pu trouver les articles parus dans Anekānta (périodique en hindi) vol.II, 485s., 611s. et 666s. (Référence mentionnée notamment dans M.B. JHAVERY, Comparative and Critical Study of Mantrasastra (With Special Treatment of Jain Mantravada), Ahmedabad 1944, 156 note. Page #9 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 142 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) les plus utiles sont celles que donnent les commentaires du Višeşăvafyakabhäşya de Jinabhadra (1) et Uddyotanasari (2): (1) (2) Yoniprabhṛte câsamānajättyänekadravya-samparka-yonayaḥ pranino maṇayo hemâdini côpalabhyante.3 'Dans le Yp. il est question d'êtres vivants, de pierres précieuses, d'or, etc., dont l'origine est due au contact de diverses substances qui ne sont pas de même nature.' Dans la Kuvalayamālā, le contexte où apparaît la définition du Jp. instruit sur le statut de ce livre. Le lecteur voit, à travers le regard du héros, un groupe de moines jaina en train d'étudier (34.7). Ce tableau est l'occasion, pour Uddyotanasūri, d'énumérer un certain nombre des textes qu'ils lisent: la place de l'allusion au Jp., qui suit la liste exhaustive des douze Anga (34.11*-17*) et de quelques-uns des Upanga (34.18*), montre l'importance que cette œuvre revêt sans doute aux yeux de l'auteur. La syntaxe de la strophe concernée (34.20*, citée JEAS, 1, n.13) est rude, mais le vocabulaire rappelle celui de Jinabhadra. Du rapprochement des deux définitions, il ressort que le Jp. a affaire avec la production de diverses créatures (nänä-ji'uppatti), et, d'autre part, d'or, de pierres précieuses, de joyaux, par contact (samjoya: cf. samparka, supra) avec les métaux (vils?). Le Jp. a donc deux applications distinctes dans le domaine de ce que Leumann appelait, fort justement, 'Allogenese"." 1) C'est l'ouvrage de référence utilisé par ceux qui souhaitent générer des êtres vivants à partir de substances inertes. Une anecdote transmise par les commentaires illustre, allusivement, cette orientation. On y voit un maître qui réussit à créer des chevaux, un autre qui réussit à créer des buffles.39 Le détail de la manipulation n'est malheureusement pas donné.40 2) Comme le passage du métal vil à l'or la transmutation — implique aussi un changement de nature, souligné par les définitions, on ne s'étonne pas de voir que le Jp. est aussi le livre des alchimistes. Chronologiquement, la première référence claire est celle de la Daśavaikālika-cūrṇi (6ème s. environ), suivie de la țīkā de Haribhadra (8ème s. environ). Toutes deux commentent la niryukti qui, discutant le terme uvaa (sk. upaya), indiquent clairement que la transmutation des métaux est le premier des 'moyens' prati 36 E. LEUMANN est probablement l'un des premiers savants à avoir signalé l'existence du Joṇīpāhuḍa à l'occasion de l'analyse de la strophe concernée: Übersicht über die Avasyaka-Literatur. Hamburg 1934, 38b lignes 43ss. 40 37.La strophe prend place dans une plus ample discussion sur la question de savoir s'il y a identité d'un individu donné d'une existence à l'autre (5ème ganadharavada): Acarya Jinabhadra's Visesavasyakabhāṣya with auto-commentary. Part II, Ahmedabad 1968 (L.D. Series 14), 394 ad v.2230. Définition comparable dans le commentaire de Hemacandra Maladhārin (ad v.1775), plus succincte dans celui de Kotyācārya (ad v.2254). 38 Übersicht, ibidem. 39 Nisitha-cumi, vol.2, 281; Bṛhatkalpabhāṣya-ṇīkā, vol.3, 753 (et Vyavahārabhāṣya-ṭīkā: Prakrit Proper Names s.v. Jonipāhuḍa). Autre exemple: Prabhavakacarita (Bombay 1940: Singhi Jain Series 13), 32.8*ss. Page #10 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 143 ques.“ Pour faire de l'or, au bénéfice de la Communauté, les dhātuvādika recourent au Jp. 2 7. Cette référence semble bien établie puisque le Jp. est également la source authentique de l'enseignement alchimique pour Uddyotanasūri (JEĀS, 1, $ 6) et pour Jineśvarasūri (supra, 8 5). Dans ces conditions, on peut se demander quelle est l'origine de la dizaine de strophes didactiques qui figurent dans chacune de leurs cuvres respectives:43 sont-elles des créations originales, ou des citations? Les styles sont en tout cas comparables. La formulation elliptique et abrupte, la prédominance du style nominal ou la banalité des verbes employés ne sont pas sans rappeler les premières exégèses jaina (les niryukti). Comme elles, ces strophes alchimiques donnent l'impression d'être la notation à usage mnémotechnique d'un enseignement où l'oralité est première, en temps mais surtout en importance. Etant donné le contenu, l'oralité, la concision et l'obscurité peuvent avoir ici été volontaires: la tradition ne devait être accessible qu'aux initiés. Inversement, la citer, même partiellement, était une manière d'éviter qu'elle ne s'éteigne pour toujours. Cest ce qu'ont peut-être voulu faire Uddyotanasūri et Jineśvarasüri. 8.A. Par la bouche de Sundaridatta, Jineśvarasūri présente en huit āryā quelques opérations caractéristiques de l'alchimie mercurielle qu'il commence par glorifier: (1) dhāu-vvão ego; bio puna hoi tāya rasa-vão. niyaya-phalo kira padhamo; rasa-vão kena uvamejja? 'Les manipulations métalliques sont une chose; mais, père, le savoir mercuriel en est une autre. Le résultat des premières est bien établi". Mais à quoi peut on comparer le savoir mercuriel? Le jeune homme oppose ici très clairement dhātuvāda et rasavāda, ce qui n'est pas si banal: dans le rasaśāstra comme dans les narrations jaina, dh. est bien souvent le seul terme qui désigne les opérations alchimiques. Néanmoins l'opposition n'est pas unique. Elle évoque celle que faisait une strophe de la Km. entre les dhātuvādin, extracteurs et traiteurs de minerai, et les narendra, maîtres alchimistes qui s'occupent de la em eva cau-vigappo hoi uvão vi, tattha 1. davvammi dhāu-vvão padhamo.... E. LEUMANN, Daśavaikālika-sūtra und -niryukti', Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, 46, 1892, v.61 (p.646). 42 jahā dhāuväiyā uvāena suvannadi karenti tahā sanghadi-kajje Jonipāhudadīhim.... Dasavaikālika-cummi 22.27-28 (Ahmedabad 1973: Prakrit Text Series 17); anye tu Yoniprābhyta-prayogatah kāficana-pātanôckarşalaksanam eva sanghāta-prayojanadau dravyopāyar vyācaksate: Haribhadra, Dafavaikālika-fikā ad niryukti v.61. On voit que les deux textes ne sont pas identiques. La transmission est incertaine. 43 JEĀS, 1, $$ 7A-C pour la Km. * Pk. niyaya = sk. niyata (ou peut-être nijaka): "les manipulations métalliques ont leur résultat propre". 45 Les milieux brahmaniques distinguent occasionnellement entre dhātuvāda, alchimie proprement dite, travail sur les métaux et rasāyana, science des élixirs de vie. Voir, par exemple, le Candakaufika de Ksemišvara, pièce de la même époque que le Kathākośaprakarana, acte IV (éd. Jivanandavidyasagara, Calcutta 1884) et la note de la traduction italienne de F. CIMINO, Città di Castello 1923, 206. Page #11 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 144 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) fixation du mercure (rasam bandhai):46 voilà donc une raison supplémentaire de penser qu'elle provient du Jp., source commune d'Uddyotanasūri et de Jineśvarasūri. Le terme de rasa n'est pas ici ambigu. Il est repris dans la suite du texte par sūya(ya) (sk. sūta(ka) et pāraya (sk. pārada) qui en sont apparemment synonymes. Les sept āryā suivantes concernent le traitement du mercure et indiquent la procédure à suivre pour lui donner son pouvoir de transmutation maximal. La terminologie technique concorde en partie avec celle du rasaśāstra. L'exposé n'est pas parfaitement systématique. B. Ainsi, la strophe 2 énumère des éléments hétérogènes. Elle contient d'une part des données numériques relatives à la quantité de métal susceptible d'être transmutée par le mercure, et, d'autre part, le nom technique d'une méthode de transmutation. (2) saya-vehi hoi raso, sahassa-vehi ya lakkha-vehi ya kodiya-kodakodi-vehi taha dhüma-vehi ya. 'Le mercure transmute cent fois, mille fois, cent mille fois, dix millions de fois, ou des myriades de fois (son propre poids de métal vil), et il transmute par vapeur. 47 C. Chronologiquement, la première étape est celle de la fixation du mercure dont il faut réduire l'instabilité. Les rasaśāstra, qui consacrent toujours un développement à ce sujet (rasa-bandha) décrivent tantôt quatre types, comme le Kathakośaprakarana (cauha rasassa bandho, v.3), tantôt vingt-cinq ou vingt-six." Ils sont fonction de la forme et de la consistance de la matière obtenue. La liste réduite figure, par exemple, dans le Rasaprakāśasudhākara (12ème-13ème s.)" et concorde partiellement avec la liste jaina: (i) bhūi-bandha (sk. bhūti) correspond à bhasma-bandha, 'fixation-cendre'. Réduit en cendres, le mercure a l'apparence de la poussière. (ii) kakka-bandha (sk. kalka), 'fixation-électuaire pourrait correspondre à pāța-bandha. Le mercure devient comparable à une pâte. (iii) khota-bandha, 'fixation-bille' correspond presque certainement à khoța-bandha. Le mercure prend la forme et la consistance d'une boulette solide. (iv) dāvana-bandha (sk. drāvana) semble le type le plus important, puisque l'auteur se propose de l'exposer spécialement (dāvana-bandham bhanīhāmi, v.3d). Cest malheureusement le moins clair. Il ne semble pas correspondre à jalaukā de la liste sanskrite, lui-même curieux. Doit-il évoquer le druti-bandha (fixation au moyen de solvants divers) mentionné dans d'autres listes? Pour favoriser la fixation, l'emploi de diverses substances auxiliaires est recommandé. Les plus usuelles et les plus efficaces sont les herbes et les plantes (dites rasabandhin ou 46 JEĀS, 1, $ 7A. 47 JEĀS, 1, $ 8, note 31 et $ 11 pour les termes techniques. Sur le dhūmavedha, voir en outre Rasaratnasamuccaya 8.83, traduit dans P.C. RAY, History of Chemistry in Ancient and Medieval India, Calcutta 1956, 188; Rasendracudamani 4.108. 48 Ex. Rasaratnasamuccaya 11.54ss.; JOSHI, 100-105. 49 Texte sanskrit et commentaire succinct dans SATYAPRAKASH, 448; JOSHI, 98. 50 ROY, 135 s.v. propose la définition suivante: 'A type of "fixation" in which mercury becomes solidified, and loses its weight on being roasted repeatedly over fire urged by the act of blowing'; SATYAPRAKASH, 496. Page #12 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 145 rasabandhakara) dont les textes reconnaissent plusieurs catégories. Le Kathākośaprakarana donne, dans un long dvandva en prose, un échantillon de grandes plantes' (pk. mahosahi: sk. mahausadhi) ayant cette fonction adjuvante (eyāhim pārayassa bahuviho bandho samuddittho, 173.5-6). L'identification botanique n'est pas toujours possible, mais plusieurs se retrouvent dotées des mêmes pouvoirs et utilisées pareillement dans les rasaśāstra. En voici la liste, dans l'ordre alphabétique: -uvvattā: peut-être mauvaise lecture pour uccat(t)a, Blepharis edulis L.: Rasārnava 5.10; Rasendracūdamani 6.12. (k)khippă: résiste à toute analyse. khirasāriņi (?): les plantes à suc laiteux (sk. kşira) sont réputées pour aider à la fixa tion du mercure (ex. kşirakukkufi: Rasārņava 5.18 et Rasendracūdāmani; okancuki, onālikā, mārjāri: ibidem). gosingi: sk. gośrngi ou -a: (?): Rasendracūdāmani 6.23. - thalapomini: sk. sthalapadmini, Hibiscus mutabilis L. ou lonidium suffroticosum Ging.:51 Rasārnava 5.19; Rasendracüdāmani 6.10. daddharuha: sk. dagdharuha ou dagdhārohā (?): Rasārņava 5.17 et 12.149; ROY v.177-181. - nudanti: sk. nudanti, Cressa cretica L.: Rasārņava 5.17; ROY v.592; Rasendracudamani 6.17 et 8.20. somā: plusieurs plantes dont les noms commencent par somao sont mentionnées dans les traités spécialisés, par ex. la somalată: Rasārņava 5.17; la somavalli et la somakalā: Rasendracüdāmani 6.6ss. D. Il n'est pas certain que le développement des strophes 4ss. soit à relier directement à ce qui précède. Cette seconde série commence par un ahavă (sk. athavā) qui pourrait indiquer une bifurcation en direction d'un nouveau thème: le jeune Sundaridatta propose à son père des exemples de ce qu'il a appris. Il est maintenant question de ce que le rasaśāstra appelle les samskāra du mercure. Car il faut faire en sorte qu'il assimile et calcine le métal vil et les autres substances qui lui sont incorporées pour aboutir à l'or.S2 Mais de nombreux détails techniques restent énigmatiques. (4) ahavā pudeņa pakkam mutta-kkhāreņa loņa-sahiena osahi-jugeņa sahiyam, khanena ghāsam ghanam hoi. 'Ou bien: cuite par le procédé de chauffage puţa avec de l'urine (sk. mūtra) et des alcalis, accompagnée de sel, accompagnée d'une addition de plantes, en un instant, la bouchée (de substances minérales) s'épaissit."S* 51 Cf. Bhāvaprakāśa Nighantu (Indian Materia Medica) of Sri Bhāvamiśra (c. 1500-1600 A.D.). Commentary by Dr. K.C. CHUNEKAR, Varanasi 1979, 483. 52 Cf. Rasendracūdāmani chap. 16 'Assimilation de la bouchée de métal par le mercure'. 33 Ou peut-être: l'urine (comme) alcali. En métallurgie, la nitruration de l'acier par chauffe et trempe dans l'urine est une opération bien connue. 54 Sur le procédé de chauffage, voir Rasārņava index s.v. puța et putapāka; Rasendracūdāmani 5.138-139, JOSHI, p.287ss.-L'emploi d'urine animale a sa place dans les opérations alchimiques, et en particulier dans la cuisson: voir, par exemple, SATYAPRAKASH, p.368, 370, 374, 388. Page #13 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 146 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) On notera ici pk. ghāsa qui doit correspondre au sk. grāsa (t.tech.). On appelle ainsi l'ensemble des substances mélangées avec le mercure et portées au feu. Le groupe gr- aboutit normalement en moyen-indien à gg-, mais le cas de la racine Vgras dévorer' est particulier. Elle est en prakrit susceptible de croisements avec la racine ghas, de sens voisin. Le genre neutre du vocable est plus surprenant, mais les fluctuations masculin-neutre semblent fréquentes dans ces strophes (infra, v.7ab). Vient ensuite la phase de l'ébullition (sk. svedana). L'interprétation de cette giti est incertaine. (5) ekkam uvarasa-loņam mutta-kkhāreņas samjuyam kāum dejjasu hefth'upparao vatthe bandhejja dola-seena. 'Après avoir ajouté urine et alcalis à l'ensemble uparasa + sel, verse en bas et en haut. On nouera dans un morceau de tissu (les substances) et on les portera à ébullition dans (un appareil) oscillanto: Une seule chose est à peu près claire: le texte évoque ici l'un des appareils de base de l'alchimiste, le dolā-yantra (litt. 'appareil-balançoire'). Les rasaśāstra en prescrivent l'utilisation précisément pour l'ébullition. L'évolution sk. d-> pk. d-est attendue.“ Pour le reste, je traduis en rapprochant du Rasaprakāśasudhākara.64 E. On s'achemine progressivement vers l'assimilation (rac. jar. pk. jūrai; jaresijjā, optatif; pp.jinna). (6) jirai jām'ekkeņam, puno vi sattam ghanam payacchejjā. solasa atpha cauttham bhāyam ghāsam jaresijja. eenam joenam sama-bhāyam jinna-jinnato nāyam. 55 Rasaratnasamuccaya 8.71ss.: SATYAPRAKASH, 491. 56 R. PISCHEL, Grammatik der Prakrit Sprachen, Strassburg 1900, $ 287. 57 E. LEUMANN, Das Aupapatika Sätra, Leipzig 1883, glossaire s.v. ghāsa; ghāsai 'manger' en apabhramsa (NARESH KUMAR, Apabhrama-Hindi Kosa, Ghaziabad 1987, s.v.); ghisa, même sens (PSM s.v.). short me sens CPSM S.P.) 58 Le texte imprimé porte khāramutteņa qui détruit la régularité métrique. Muttakkhāreņa, que je propose de lire, figure déjà au v.4. 59 Je retiens la leçon vatthe donnée comme variante. L'édition porte vattham. 60 Upparao: à rapprocher de upparim = uvari? 61 Seeņa = sk. svedena, instr. sg., mais comment le rendre comme tel? 62 P.C. RAY, History of Chemistry, 189 avec illustration; JOSHI, 249; Rasendracüdāmaņi 5.4; ROY, note à p.7; ubi alia. 63 PISCHEL $ 218; CDIAL 6582 et 6585. 64 9.96ss.: SATYAPRAKASH, 443; cf. samputam vāsasavestya dolāyām svedayet tatah. Page #14 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 'Une veille (= trois heures) suffit pour l'assimilation. (La bouchée) offrira à nouveau une essence compacte. La bouchée (de substances minérales) peut être assimilée au seizième, au huitième ou au quart. Avec cette combinaison en proportion égale, l'assimilation (par le mercure) sera reconnue comme complète."66 F. La dernière strophe est une allusion à la théorie des bija, déjà attestée dans la Km. (JEAS, 1, § 7B) et connue du rasaśāstra. L'addition d'une 'semence' d'or (ou d'argent) au mercure passe pour augmenter sa force dévorante, et donc sa capacité de transmutation qui croît en proportion de la quantité incorporée. (7cd) hemena samam suyam saena tambam varam kunai. du-gunena sahassa-guno, cau-gguno lakkha-vehio hol cha-ggunio siya-varo kodi-veha-kkhamo" hoi. 68 (8) 'Avec de l'or, le mercure produit un cuivre excellent pour cent (fois son propre poids). Avec deux fois plus (d'or), l'excellent mercure (transmute) mille fois (son propre poids); avec quatre fois plus (d'or), il transmute cent mille fois (son propre poids); avec six fois plus (d'or), il est capable de transmuter dix millions de fois (son propre poids).' L'expression tambam varam kunai est curieuse. Le produit de la transmutation doit normalement être l'or (ou l'argent): "cuivre excellent" signifie donc probablement un cuivre qui n'est plus considéré comme ayant sa nature de métal vil, qui équivaut au métal noble. 147 9. Pour avoir la certitude que les strophes ci-dessus proviennent bien du Jp., il faudrait que le texte soit disponible. Or l'espoir qu'avait fait naître l'unique manuscrit intitulé Yoniprabhṛta a été partiellement déçu. On cherche en vain la trace de ces strophes dans les quarante feuillets qui le constituent." L'alchimie a pourtant une petite place dans ce manuscrit composite où ont été regroupés plusieurs textes prakrits de tailles diverses, en vers ou en prose, qui tous concernent l'ayurveda (au sens large) ou la magie. L'actuel Yoniprabhṛta a-t-il done remplacé l'ancien Jp. tombé en désuétude? Le manuscrit est tout à fait lisible, mais les bords sont le plus souvent très endommagés: les lacunes sont donc importantes, et rares sont les feuillets qui portent une 65 Le Rasendracuḍāmaṇi 4.37 définit ainsi le t.tech. sattva: 'Un minéral associé avec des soudes de cendres, des liquides acides et des solvants est chauffé au soufflet dans un fourneau. L'extrait que l'on en obtient est appelé essence.' 66 Traduction tout à fait hasardeuse. La syntaxe m'échappe. 67 Rasāmṇava 8.17ss.: SATYAPRAKASH, 385; Rasaratnasamuccaya 8.67: SATYAPRAKASH, 492. 68 Le texte imprimé porte cauggunena ya qui détruit la régularité métrique. Caugguno, que je propose de lire, est une variante attestée par deux manuscrits. La syntaxe de ce membre de phrase est alors comparable à celle des troisième et quatrième pāda. 69 Le texte imprimé porte kodivehukkhamo (?). 70 Je remercie vivement M. SHIV KUMAR SHARMA (CASS Poona) et Mme SAROJA BHATE (Univ. de Poona) qui ont fait les démarches nécessaires pour me faire parvenir une photocopie de ce manuscrit. Ellemême a été faite à partir de la photocopie que possède le Bhandarkar Oriental Research Institute. Page #15 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 148 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) numérotation. Leur classement même est problématique. Trois demi-feuillets (ici appelés A-B-C) traitent du dhātuvāda (feuillet A v.1 dhāuvvāya [sic] pavakkhāmi). L'état du manuscrit exclut d'en présenter une édition même provisoire ou une analyse cohérente. Voici seulement un échantillon du vocabulaire technique employé. Le premier feuillet (A) comporte les douze premières strophes à peu près complètes. La treizième n'est qu'entamée et apparemment les strophes suivantes manquent. Noter: dhāuvvāya, v.1, 3, 4; rasavāya, v.2; jārana-mārana, v.2; suvvam rasenam golam kāūņa, 'après avoir fait une boule du cuivre et du mercure', v.8; uvarasa, v.9; rasa-gandhayasuvvam gahiūna ranjae tāram, 'après avoir pris le mercure, le soufre et le cuivre, on colore l'argent' (v.10): l'expression ranjae tāram revient plusieurs fois dans tout ce passage (B v.37, 42, 43;tāram..sanjati, B 41; ranjae rayayam B v.44 et 45); păraya, 'mercure', v.12 et passim. Le deuxième feuillet (B) comporte les strophes énumérées 36-45, puis des strophes numérotées 41-46. Dans l'intervalle, quelques lignes en prose en sanskrit et prakrit mêlés énumèrent des plantes utilisées dans les opérations alchimiques (ex. dagdharuhā, īśvari etc.). Noter: hoi dalam suddha-tārassa, 'on obtient une feuille d'argent pur', v.45; vālukā-agniyantra, variété d'appareil (ROY, note a p.7; JOSHI, 259), v.41; rasa-golam bandhiūna, 'après avoir fixé la boule de mercure', v.43; jacca-kanayam ca jāyai, 'on obtient de l'or de qualité supérieure', v.46. Le troisième feuillet (C) comporte les strophes 47 et suivantes jusqu'à 60, qui semble être la dernière de cette portion alchimique. Noter: suwam melaviyam andha-mūsāe, 'le cuivre est mélangé dans un creuset aveugle', v.55; thambhae vangam, 'solidifie l'étain' (v.57), expression que l'on retrouve dans le Vividhatirthakalpa (n° 4, Raivatakalpa, v.24) et qui n'est pas étrangère au rasaśāstra (ROY v.364, 463, 558 et 722; Nityanātha, Rasaratnākara, section 3, chap.8: vanga-stambhanādi-dala-karana); noms de métaux: vanga, 'étain', suvva, 'cuivre', tāra et rayaya, 'argent' (passim), nāya plomb', v.56, āra, 'laiton', v.39, 57-58; de mahārasa: hema-makkhiya, 'pyrites d'or', v.53; darada, 'cinnabre', v.51; d'uparaša: gandhaya, 'soufre' (passim), kunađi, 'orpiment', v.47, 51; et encore : tankaņa, 'borax', v.60. En somme, qu'elles soient techniques ou édifiantes, les littératures jaina témoignent de la connaissance que la communauté a des techniques de la métallurgie et de ses corollaires, les recherches des alchimistes. Vis-à-vis de l'alchimie, l'attitude des maîtres paraît avoir été ambiguë. Si le canon est critique, les docteurs peuvent néanmoins faire valoir que, pour défendre utilement la 71 Description par H.R. KAPADIA, Descriptive Catalogue of the Government Collections of Manuscripts deposited at the Bhandarkar Oriental Research Institute. Vol.XVII: Jaina Literature and Philosophy. Part I: (a) Āgamika Literature. Poona 1935, p.383 n° 427 (cote: 266/A. 1882-83): date (de copie ou de rédaction?) samvat 1582 = 1525; H.D. VELANKAR, Jinaratnakośa, Bombay 1944, 325. 72 Les feuillets 9a-19a forment un tout cohérent proposant des recettes médicales (v.187-616), et les feuillets 196-27b contiennent les 333 strophes qui constituent le Yoniprābhyta de Harişeņa (recettes médicales). Pour le reste, seuls sont isolables des fragments qui ne peuvent être rattachés à l'ensemble. Certains feuillets décrivent des yantra, d'autres donnent des mantra (dont deux sont publiés par JHAVERY, MantraŠāstra, Appendix A). Page #16 -------------------------------------------------------------------------- ________________ N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie 149 Doctrine, il leur faut tout connaitre, les sciences profanes comme les enseignements de la religion; que les unes et les autres sont inséparables; que, en outre, pour guider leurs ouailles, il est nécessaire de sacrifier à leurs goûts: tous arguments utilisés en d'autres occasions. Peut-être gagnaient-ils ainsi eux-mêmes en prestige - et la communauté en fidèles généreux. . . . Abréviations et éditions CDIAL = R.L. TURNER, A Comparative Dictionary of the Indo-Aryan Languages, London 1966 JEĀS = Journal of the European Ayurvedic Society JOSHI = DAMODAR JOSHI, Rasaśāstra, Trivandrum 1986 Jp. = Jonīpāhuda: 88 6ss. Km. = Kuvalayamala d'Uddyotanasūri: voir JEĀS, 1, 1990. PSM = Paia-Sadda-Mahannavo Rasaratnasamuccaya = éd. Bombay, samvat 1983 Rasārņava = ed. by Dr. INDRADEO TRIPATHI, Varanasi 1978 (2ème éd.), Chowkhamba Sanskrit Series Office (Haridas Sanskrit Series 88) ROY = M. ROY - B.V. SUPPARAYAPPA, Rasämavakalpa. New Delhi 1976 Rasendracūdāmaņi = réf. à la traduction et aux glossaires techniques (inédits) que M. A. Roşu a aimablement mis à ma disposition. SATYAPRAKASH = Dr. SATYAPRAKASH, Prācin bhārat mem rasāyan ka vikas, Varanasi 1960 (Hindisamiti Granthamālā 43) t.tech. = terme technique de métallurgie ou d'alchimie. Summary: In a paper published in the first issue of this Journal, it has been shown how the Jainas were quite well acquainted with the metallurgists' technique and with its corollary, alchemy. As a matter of fact, alchemic episodes are inserted in Jaina novels, following the example set by the Kuvalayamālā (8th cent.). Three more examples are discussed here (8$ 1-3). Further, there are reasons to believe that some Jaina schools or gacchas had a leaning and special interest towards such practices ($ 4). This is the case of Jineśvarasuri (11th cent.), a member of the Candrakula of the Kharataragaccha who discusses the topic in his Kathakośaprakarana and insists on the advantages of dhātuvāda as a technique which enables one to fulfil religious and social duties ($$ 5ff.). In this connection he refers to a text called Jonīpāhuda as his source. The references to this lost work found here and there in Jaina literature ($$ 6-8) seem to be to a sort of imaginary archetype. The only known manuscript of a work bearing this title has apparently nothing to do with these quotations, but also includes a small section on dhātuvāda which is briefly analysed ($ 9). Page #17 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 150 Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992) Index des termes techniques (Renvois aux paragraphes on aux notes) ara 9 uvarasa 8D;9 osahi n.18;8D; mahosahi 8C (liste) kanaya n.19 kancana 0.8;n.42 kappa 3C kala (64 ou 72 arts) 5 kallana 3C kalayasa n.8 kunadi 9 (k)khara 8D gandhaya 9 ghasa 8D;8E Vjar 8E; jarana-marana 9 Jonipahuda 5;6ss. tankana 9 dola 8D tau n.8 tamba n.8 tara n.8;9 tumbaya 1 darada 9 dhamei n.18; dhamana-khetta 0.17 dhau 3A; tio n.22; dhaum Udham 3A; dhauvaya (dhatuvada) n.11;8A,9, bbasa 3A; dhauvaiya (dbatuvadika) 3A;3C;n.42 naja n.18;9 pakka 8D padai, palai n.15;n.19 paraya 8A;8C;9 puda 8D bandha 8C: kakkao8C; khottao 8C; davanao 8C; | bhuio 8C; mutta 8D; okkhara 8D musa, musa n.18; andbao 9; ranjae (taram) 9 rayaya 9 rasa: mabadeg 0.8; bila 2; ovaa 8A;9; 'gola 9; degsiddhi 3C;4; cf. vehi lona 8D vanga n.18;9; thambhae vangam 9 Vasubara (padau) 3A;n.15;3B valuka(-yantra) 9 vehi(a): kodi(ya)' 8B;8F; dhumao 8B; lakkhao 8B;8F; sayao 8B; saya sahassao 1; sahassao 2;8B satta 8E siddhi 3A; cf. rasao sumba: 3A;n.18; suva 9 suvanna n.19;n.42 suya(ya) 8A;8F; ovara 8F sea(pa) 8D hema 6; omakkhiya 9