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Journal of the European Ayurvedic Society 2 (1992)
B. Dans le Kumārapalapratibodha, un prince trop séduisant est, à la demande de la population inquiète pour ses filles, reclus par son père, jusqu'au jour où il décide de s'échapper. En plus condensée, la suite des péripéties rappelle les aventures de Sulocana; de même le décor et le vocabulaire. On note, là encore, la formule padau Vasuhārā, qui vaut au jeune homme d'être bien accueilli (sāgayam!). Son charisme (pabhāva) assure la réussite immédiate de l'expérience. Sa magnanimité trahit son origine royale; les malheureux métallurgistes prennent conscience de l'inanité de leurs efforts passés.20
C. Quant à Sripāla, il lui tient à coeur de prouver ce dont il est capable pour une autre raison: il se désole de n'avoir été idientifié que par relation à son beau-père - ce qui passe pour peu glorieux - et de n'être pas connu pour ses propres qualités.21 Le voyage permet alors l'apprentissage de la nouveauté. La première rencontre est celle d'un jeune homme. Il est, en pleine forêt, occupé à la méditation d'un mantra qui, dit-il, ne saurait être efficace sans l'assistance d'un acolyte (uttara-sahaga, v.366). Sripāla sort vainqueur de cette épreuve et se voit remettre deux plantes:
'La première permet de traverser l'eau, la seconde arrête les traits ennemis. Ces plantes, il convient que tu les portes, enchassées dans les trois métaux.22
La suite montrera qu'il s'agit probablement d'amulettes porte-bonheur, que le prince s'attachera au bras (v.377). En attendant, ses pouvoirs ont convaincu son compagnon qui l'entraîne vers une chaîne de montagnes auprès de métallurgistes (dhāuvāiya-purisa, v.371):
'Sire, nous nous efforçons de réaliser (l'or) conformément à la procédure (kappa
pamāneņa, v.372) que tu nous as indiquée, et pourtant, pour quelque raison, nous · n'arrivons pas au rasa (amhāņa na hoi rasa-siddhi).'
Le rasa n'est habituellement que l'auxiliaire de la transmutation des métaux, non son but. Il est donc vraisemblable que le composé rasa-siddhi est à comprendre comme l'abréviation de kallana-rasa-siddhi, présent au vers suivant, soit: 'nous n'arrivons pas à obtenir le rasa, qui permet de produire l'or.' Sk. kalyāna est une désignation métaphorique du métal suprême, attestée notamment dans les lexiques spécialisés.23
Sans grande nouveauté, la suite n'appelle pas de commentaire.
4. Il est probable que l'alchimie n'aurait pas connu pareille vogue dans les milieux jaina si elle n'avait pas eu la caution d'une certaine orthodoxie monastique. Les textes canoniques la réprouvaient, au même titre que d'autres pratiques. Certains écrivains continuent à suivre cette tendance ($ 2). D'autres font une place à la pratique alchimique en la
20 Texte dans JEĀS, 1, note 12.
Naham niaya-gunehim... iha vikkhão jāo, ahayar susurassa nāmenam.
tam puna aham'ahamatta(ssa) kāraṇam vajjiam supurisehim. Sirisirivālakaha (publiée à Ahmedabad, sans date: Yasenduprakāśan 11) v.344-345ab.
Jala-tāriņi a ega para-sattha-nivāriņi taha biya cyao (lire bref) osahlo ti-dhāu-madhiyão (lire - bref) dhärjja.
(v.370) Sur le sens de madhiya, voir PSM s.v. (avec cette référence) et CDIAL n° 9729. D'après la chāyā moderne de l'édition, les trois métaux seraient l'or, l'argent et le cuivre.
2 Ex. Rājanighantu XIII.8: cf. R. GARBE, Die indischen Mineralien, ihre Namen und die ihnen zugeschriebenen Kräfte, Leipzig 1882.