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N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie
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ques.“ Pour faire de l'or, au bénéfice de la Communauté, les dhātuvādika recourent au
Jp. 2
7. Cette référence semble bien établie puisque le Jp. est également la source authentique de l'enseignement alchimique pour Uddyotanasūri (JEĀS, 1, $ 6) et pour Jineśvarasūri (supra, 8 5). Dans ces conditions, on peut se demander quelle est l'origine de la dizaine de strophes didactiques qui figurent dans chacune de leurs cuvres respectives:43 sont-elles des créations originales, ou des citations? Les styles sont en tout cas comparables. La formulation elliptique et abrupte, la prédominance du style nominal ou la banalité des verbes employés ne sont pas sans rappeler les premières exégèses jaina (les niryukti). Comme elles, ces strophes alchimiques donnent l'impression d'être la notation à usage mnémotechnique d'un enseignement où l'oralité est première, en temps mais surtout en importance. Etant donné le contenu, l'oralité, la concision et l'obscurité peuvent avoir ici été volontaires: la tradition ne devait être accessible qu'aux initiés. Inversement, la citer, même partiellement, était une manière d'éviter qu'elle ne s'éteigne pour toujours. Cest ce qu'ont peut-être voulu faire Uddyotanasūri et Jineśvarasüri.
8.A. Par la bouche de Sundaridatta, Jineśvarasūri présente en huit āryā quelques opérations caractéristiques de l'alchimie mercurielle qu'il commence par glorifier: (1) dhāu-vvão ego; bio puna hoi tāya rasa-vão.
niyaya-phalo kira padhamo; rasa-vão kena uvamejja? 'Les manipulations métalliques sont une chose; mais, père, le savoir mercuriel en est une autre. Le résultat des premières est bien établi". Mais à quoi peut
on comparer le savoir mercuriel? Le jeune homme oppose ici très clairement dhātuvāda et rasavāda, ce qui n'est pas si banal: dans le rasaśāstra comme dans les narrations jaina, dh. est bien souvent le seul terme qui désigne les opérations alchimiques. Néanmoins l'opposition n'est pas unique. Elle évoque celle que faisait une strophe de la Km. entre les dhātuvādin, extracteurs et traiteurs de minerai, et les narendra, maîtres alchimistes qui s'occupent de la
em eva cau-vigappo hoi uvão vi, tattha 1. davvammi
dhāu-vvão padhamo.... E. LEUMANN, Daśavaikālika-sūtra und -niryukti', Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, 46, 1892, v.61 (p.646).
42 jahā dhāuväiyā uvāena suvannadi karenti tahā sanghadi-kajje Jonipāhudadīhim.... Dasavaikālika-cummi 22.27-28 (Ahmedabad 1973: Prakrit Text Series 17); anye tu Yoniprābhyta-prayogatah kāficana-pātanôckarşalaksanam eva sanghāta-prayojanadau dravyopāyar vyācaksate: Haribhadra, Dafavaikālika-fikā ad niryukti v.61. On voit que les deux textes ne sont pas identiques. La transmission est incertaine.
43 JEĀS, 1, $$ 7A-C pour la Km.
* Pk. niyaya = sk. niyata (ou peut-être nijaka): "les manipulations métalliques ont leur résultat propre".
45 Les milieux brahmaniques distinguent occasionnellement entre dhātuvāda, alchimie proprement dite, travail sur les métaux et rasāyana, science des élixirs de vie. Voir, par exemple, le Candakaufika de Ksemišvara, pièce de la même époque que le Kathākośaprakarana, acte IV (éd. Jivanandavidyasagara, Calcutta 1884) et la note de la traduction italienne de F. CIMINO, Città di Castello 1923, 206.