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N. Balbir, La fascination jaina pour l'alchimie
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pleine d'un mercure capable de transmuer cent mille fois son propre poids de métal vil (samappiūņa saya-sahassa-vehi-rasa-padahatham' tumbayam, 183.19):
Tu as un vif désir de richesses. Prends donc ce puissant mercure dont les pouvoirs sont avérés. Car
En contact avec une particule de ce mercure), étain, argent, cuivre et fer noir aussitôt deviennent or, sans qu'on ait à se donner le moindre mal. Si, pour une raison ou une autre, le hasard veut que tu ne rencontres pas de caravane, garde pourtant pleine confiance: avec ce (mercure), tu obtiendras richesse et prospérité, très facile
ment." Les péripéties qui suivent n'ont pas de pertinence ici. Seule importe la conception, clairement affirmée, de l'aurifaction comme moyen de s'enrichir, à peu de frais. Moyen tantôt tenu pour peu recommandable, tantôt, au contraire, valorisé. En effet, la technique alchimique inquiète les uns, attire les autres. Les textes qui vont être passés en revue confirment que l'ambivalence est irréductible.
2. L'alchimie est considérée comme un vice par l'auteur du Lilāvatisāra (JEĀS, 1, $S 10 et 15), ou par les auteurs des différentes versions du Dhūrtākhyāna. Haribhadra, auteur de la version prakrite (8ème s.) voit dans le dhātuvāda 'un démon qui tourne la tête' d'Elasādha, un jeune homme avide d'argent. Parcourant le monde pour assouvir sa passion du gain, il découvre un trou plein de mercure (rasabila, 12.12*), s'empare du liquide puissant, capable de transmuter mille fois son propre poids de métal vil (sahassavehi raso, 12.11*), se procure, grâce à lui, tous les luxes possibles. Cette richesse, utilisée à bon escient pour le don aux pauvres (12.21*),10 il est vrai, mais acquise trop vite, lui est ravie par des voleurs et lui vaut d'avoir la tête tranchée. Moins radicaux que Haribhadra, ses successeurs voient dans l'alchimie un vice (vyasana). Par ailleurs, la recherche du rasa telle que la décrivent les textes littéraires comporte des risques: le scénario décrit dans le JEĀS, 1 (89) est encore attesté, en prakrit, dans le Rayanacüdarāya
6 Sur ce qu'il convient d'entendre par rasa voir JEĀS, 1, $ 8.
Éd. padahaccham. J'adopte l'orthographe padahattham (doublet plus fréquent: padihattha), suivant en cela le PSM s.v. (mot desi).
8 Attha-lalaso tumam, tā ginhāhi eyam diffha-paccayar mahā-rasam. avi ya: 167. tau-tāra-tamba-kālāyasāņa chikkanam cya-lesena
jāyai kancana-bhāvo sahasa tti kilesa-virahena. 168. jai kaha vi divva-jogā na milai sattho tahā vi su-visattho
eena dhana-samiddhim suhena sampāunejjāsi. (183.19-22)
... ahayarn tarunattane davina-buddhi I dhāuvvāya-pisāena bhāmio ..., 12.6*-7* dans Dhūtākhyāna of Haribhadra Sūri (Haribhadra's original Prākrit text. Sanghatilaka's Sanskrit Version and an Old-Gujarati prose rendering etc.) with an elaborate, critical essay on the Dhurtākhyāna by Dr. A.N. UPADHYE. Ed. by Sri Jina Vijaya Muni. Bombay 1944 (Singhi Jain Series 19), chapter III.
10 Sur le don et l'alchimie voir JEĀS, 1, $ 15 et infra, $ 5. 11 Naţito dhātuvādadyair Vyasanair niragām ghāt, 38.17*;55.29 (guj.).