Book Title: Le Mahabhasya Adhyay 01 Ahnika 08
Author(s): Yutaka Ojihara
Publisher: Yutaka Ojihara
Catalog link: https://jainqq.org/explore/269358/1

JAIN EDUCATION INTERNATIONAL FOR PRIVATE AND PERSONAL USE ONLY
Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ LE MAHABHASYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 A Un essai de traduction par YUTAKA OJIHARA Avant-propos A moins qu'on ne vive personnellement au dedans de la haute tradition d'etudes grammaticales que maintient toujours l'erudition indienne, la pretention de traduire in extenso une oeuvre telle que le Mahabhasya sera plus ou moins temeraire, ne fut-ce qu'a titre d'essai, et sur une portion minime du texte. J'en ai conscience plus que personne; et dans mon cas la temerite se multiplie a outrance, puisqu'il s'agit de rendre un texte aussi ardu dans une langue qui n'est pas la langue maternelle du traducteur, et dont celui-ci ne possede qu'une connaissance fort mediocre. Si je m'y hasarde neanmoins, c'est en bonne partie parce que je puis beneficier - abuser sans doute de son point de vue de la presence temporaire de M. Jacques May dans notre cercle de Kyoto. Qu'il me soit permis, des maintenant, d'exprimer a M. May ma plus vive reconnaissance pour toute l'amelioration que le present essai doit, en matiere de redaction francaise, a sa gentillesse vraiment extraordinaire. Je n'ignore point que, par ses "Lectures on Patanjali", dont cinq tomes ont paru depuis 1944, M. P. S. Subrahmanya Sastri, professeur a l'Univ. d'Annamalai, nous offre deja la premiere moitie du Bhasya en traduction anglaise. On entend dire aussi que M. K. V. Abhyankar, du BORI, en prepare de son cote une version anglaise, sur la base des sept volumes en marathi (BORI 1938-54) -seule traduction integrale existante a l'heure actuelle qui temoignent pour toujours de la rare erudition de son pere, le feu Mahamahopadhyaya V. S. Abhyankar. Vait-on voir ainsi paraitre une traduction complete en langue occidentale de cette summa grammaticae indicae, qui comblerait une lacune deploree de longue date par l'indianisme international? Ma reponse personnelle, toutefois, ne pourrait etre que quelque peu reservee; car, pour nous permettre de suivre pas a pas le fil des raisonnements, en bonne partie implicites, qui Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 1 A * I commandent sans treve tout le deroulement d'un debat vyakaranique, une traduction litterale devrait etre amplifiee par bien plus d'eclaircissements complementaires qu'on n'en trouve, au moins, dans l'ouvrage de M. Subrahmanya Sastri. C'est surtout le cas lorsqu'il s'agit de preciser - concretiser, serais-je tente de dire - notre comprehension a tout moment, de nous former une idee exacte de la portee operatoire que chaque observation figurant dans le texte ne manque pas d'avoir sur un stade defini de la formation -- ou de l'analyse, si l'on regarde en sens inverse - des mots cites a l'appui de cette observation. Telle est l'impression qui me domine depuis que j'ai appris, en quelque sorte, a lutter contre le Bhasya, grace a M. L. Renou qui m'a invite, a mon grand honneur, a collaborer avec lui sur le chapitre initial de la Kasika. Le premier fascicule de cette "Kasika-Vrtti traduite et commentee" (abregee ci-dessous par Kas.) a paru naguere dans les Publications de l'EFEO, vol. XLVIII. L'impression du fascicule suivant est prevue d'ici quelques mois. En substance donc, le present essai de traduction ne differera guere de ce qu'on trouvera, sous forme de Res[ume] du Bh [asya), dans la suite de Kas. Mais on a pris soin, deliberement, de mettre entre parentheses toutes les amplifications jugees necessaires; en negligeant ces elements, on retrouvera pour ainsi dire une traduction litterale du texte sanskrit, tel que le donne l'edition monumentale de F. Kielhorn. Chaque debat est numerote d'un chiffre romain et suivi d'une reference en chiffres arabes, qui renvoie aux pages et lignes de l'edition Kielhorn, vol. I (BSS XVIII-XX). Quant a distinguer les participants a chaque debat, je ne tiens pas neces. sairement a une rigueur absolue : je me contente d'y voir, en principe, la confrontation de deux seuls polemistes de force egale - que je nomme A et B sans les qualifier de purvapaksin/utta rapaksin -, tout en reservant la presence possible d'un troisieme interlocuteur, siddhantin ou ekadesin, dans la mesure ou cet eclectisme ne risque pas de faire perdre le fil conducteur. Une ligne verticale en marge gauche signale la conclusion definitive du debat (siddhanta) et, le cas echeant, les observations anterieures d'importance speciale que la conclusion tend a legitimer. J'espere ainsi atteindre, tout au moins, le niveau de V. Trapp dans sa traduction partielle du Bhasya ("Die ersten funf Ahnikas", Leipzig 1933). Mon attitude eclectique se revelera peut-etre de consequence plus facheuse, en ce qui concerne les limites dans lesquelles j'ai l'habitude d'interpreter les arguments patanjaliens : - suivre le Pradipa de Kaiyata sans critique, pour autant qu'a mon sens il fournisse une idee suffisamment claire du passage en Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ LE MAHABHASYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 (Y. OJIHARA) 11 question ; etudier Nagesa, non pas a fond (ce qui, je l'avoue, depasse ma competence), mais dans la faible mesure ou son Uddyota facilite ma comprehension de Kaiyata. A mon profond regret, et malgre le desir que j'en ai, je suis loin d' etre capable de prendre modele sur M. P. Thieme, notamment sur son article classique paru (dans NGGW) des 1935, et traitant en 46 pages du Bhasya sur un seul vt. - vt. 5 ad 1. 1.9 - d'une maniere prodigieusement penetrante et exhaustive. Ma seule excuse sera qu'un tel degre d'approfondissement n'est guere accessible a des etudiants ordinaires : dans les limites du present essai, il m'a fallu plusieurs mois de lutte acharnee pour saisir les grandes lignes de l'unique ahnika que je me propose maintenant de traduire; satisfaire le desideratum, qu'est la traduction complete du Mahabhasya, d'une facon convenable pour les indianistes non-indiens - cela ne sera jamais possible, j'en suis convaincu, que grace a une collaboration a l'echelle mondiale, organisee et dirigee par les specialistes qui font autorite dans ce domaine, a commencer par MM. L. Renou et P. Thieme. Puisse le present essai leur donner l'occasion d'envisager une telle entreprise ! STHANIVAD ADESO 'NALVIDHAU || 1.1.56 // "Un substitut est (traite) comme l' (element) original (qu'il remplace), sauf la ou il s'agit d' (appliquer) une operation relative a un phoneme." 1) vidhi au sens de karya, dans le pres. su. ainsi que dans le su. suiv.: cf. Kas. 56 n. 3, 57 n. 6 fin., 58 n. 1. . . [133, 2-5. Cf. Kas. 56: n. 9; Res. F. ] Aj Pourquoi (a-t-on) la position de 'vat?"(traite) comme" ? B, S'il n'etait (ici) mentionne rien de plus que *rsthany adeso 'nalvidhau', (on entendrait par la une definition de n[om] t[echnique] d'autant plus que) | le pres[ent] chapitre concerne (avant tout) des nn. tt. (; autrement dit), l'"original" "sthanin' serait alors le n. t. s'appliquant a son "substitut" ladesal. A. Quel inconvenient (y a-t-il) alors (a redouter)? Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 12 1 ) * I B. (A propos du su. 1.3.28, par exemple, enseignant que) la voix moyenne vaut pour a-yam- et a; han-, (l'enonce Than' passerait pour indiquer le n. t. s'appliquant a vadh-, substitut optionnel de han- selon 2.4.44; or, il est bien acquis qu'une operation que l'on enseigne en enoncant un n. t. ne prend effet que sur ce qui recoit ce n. t., jamais sur le n. t. lui-meme ; c'est dire que) cet enseignement-la ne vaudrait que pour (a-vadh-, avec ledit substitut) vadh-, jamais pour (a-han-, avec l'original) han- (, d'ou cet inconvenient qu'on manquerait a tort a obtenir des formes telles que ahata, 3e sg. aor. moy. de a-han-). | (En realite,) par contre, etant donne la position de 'vat? (telle qu'on la voit), il n'y a pas d'inconvenient (de ladite espece): (c'est qu') une operation relative a un original (-ainsi, la voix moyenne pour a-han- selon 1.3.28-) se transfere sur son substitut (-en l'occurrence, a-vadh- selon 2.4.44--, outre qu'elle s'effectue, bien entendu, la ou ledit original se presente sous sa forme propre); ainsi (, dans l'usage courant, lorsqu') il est dit que le fils du maitre soit (traite) comme le maitre (lui-meme) > (, on etend jusqu'au fils tout traitement d'honneur reserve au maitre, sans qu'on l'abolisse pour autant a l'egard de ce dernier). [133, 5-8. Cf. Kas. 56 : n. 10; Res. G.] A Pourquoi alors (a-t-on) la mention ladesal "substitut" ? B, S'il n'etait (ici) mentionne rien de plus que *sthanivad analvidhau', quel serait maintenant l'element traite comme l'original ? A: (C'est naturellement) celui qui est a la place (de ce dernier). B Quel element est donc a la place (de l'original) ? Az (C'est, par definition,) un "substitut". (De la sorte, la formulation suggeree ci-dessus B1, puisqu'on peut la completer par *radesa' si facilement, donnerait le sens meme du pres. su.; autant dire que la mention radesal dans le pres. su. est bien superflue.) B; Or, (si Panini s'est donne la peine de poser 'adesa' bien que cette mention paraisse superflue comme on vient de le demontrer, c'etait dans l'intention d'accorder ici une valeur particuliere audit terme.) Voici la motivation : c'est afin qu'un "substitut en general" soit (traite) comme l'original (, cad., sans tenir compte s'il s'agit d'un "substitut manifeste"l) - ainsi, -ya dont la substitution a -tva est expressement enseignee par 7.1.37 - ou bien, Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ LE MAHABH SAYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 (Y. OJIHARA) 13 d'un "substitut infere"l) - ainsi, -tu que l'on n'obtient a la place de - ti que par la substitution d'un u a un i, celle-ci seule etant expressement enseignee par 3.4. 86. C'est dire que, grace a la mention 'adesa', l'element -tu dans pacatu et analogues sera bien compris comme , "desinence personnelle" 3. 4. 78, au meme titre que -ti , tandis qu'en supprimant ladite mention conformement a l'avis Az, ou l'on n'entendait sans doute par adesa qu'un substitut du premier type, on serait hors d'etat de traiter -tu comme -ti, cad. en tant que desinence personnelle, en sorte que le n. t. pada "mot-plein" selon 1. 4. 14 manquerait a tort a s'appliquer a des formes pacatu et analogues). (C'est sans doute en reference a un substitut du second type qu') on preconisera (ci-dessous vt. 9) la mention subsidiaire *Tekadesavikrtal "ce qui a subi le changement partiel" (a cote de l'enonce ladesal "substitut"); mais une telle remarque (additionnelle) devient superflue (pour peu qu'on reconnaisse audit enonce une motivation telle que proposee tout a l'heure). 1) pratyaksa et anumanika respectivement, termes qui ne figurent, d'ailleurs, ni l'un ni l'autre dans le texte du Bh. : cf. Kas. loc. cit. I [133, 8-16. Cf. Kas. 56 : nn. 4-6; Res. C.] Aj Pourquoi alors (a-t-on) la mention "vidhi? "operation"? B C'est afin qu'on entende (par 'al-vidhi) un compose (tatpurusa) qui a (pour membre anterieur) une forme (terminee par une desinence) casuelle quelconque; (en sorte que) [al-vidhil signifie (, selon que le membre anterieur represente Ab., Gen., Loc. ou Inst.,) - (a) operation ayant lieu (a la place de ce qui vient) a la suite d'un phoneme; (b) operation ayant lieu a la place d'un phoneme; .(c) operation ayant lieu en presence d'un phoneme; (d) operation ayant lieu par (l'intervalle d') un phoneme. 1) 1) Pour des exx. de ces quatre types, v. Kas. 56: Res. C, PM. A. Cela ne constitue pas la motivation (de la mention en question). (Afin d' assurer le susdit effet, c'est un enonce consistant en "theme-cru" (, a savoir *fall, qui suffira tout simplement); (en effet,) les enonces consistant en "theme. cru" sont (susceptibles d'interpretations) conformes au sens requis ; ils n'en appellent a priori a aucune desinence casuelle determinee, si bien que, la ou le Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 1 > # I sens propre a un "theme-cru" est mis en evidence (au moyen d'un enonce consistant en ce dernier), il (n') y aura (qu') a faire appel a la desinence casuelle a laquelle il nous viendra l'idee de recourir selon le cas. (La formulation requise n'est donc rien de plus que *'an-all au lieu de fan-al-vidhau', les sens (a)-(d) ci-dessus pouvant se deduire de l'enonce *'al' tout seul, pour peu qu'on le complete par l'element vidhi a l'aide d'une explication interpretatoire.) B. (L'argument A. ne tiendra que dans la mesure ou l'on analyse 'al-vidhi' en al + vidhi, y reconnaissant un compose --tatpurusa bimembre- conforme entre autres au su. 2.1.4. Rappelons que, dans cette analyse, le sens du compose fal-vidhi' est "operation ou un phoneme est en jeu en tant qu'element preponderant".) Or, voici la motivation (de la mention "vidhi): c'est afin qu'on entende (par 'al-vidhi') un compose du type uttarapadalopa "a (sous-) membre ulterieur amui" (selon 2. 1. 69 vt. 8, compose karmadharaya) analysable en al-asraya + vidhi, (le membre anterieur) al-asraya (dont s'amuit le membre ulterieur asraya) etant (lui-meme un compose tatpurusa) au sens de "qui depend d'un phoneme". (Ainsi compris, fal-vidhi' voudra dire "operation ou un phoneme est en jeu d'une facon quelconque"; et cette interpretation est d'autant plus necessaire qu'autrement,) la prohibition (du traitement conforme a l'original, posee par Canalvidhau',) ne vaudrait que la ou un phoneme est en jeu en tant qu'element preponderant, non la ou un phoneme est en jeu en tant qu'element (d'importance secondaire tel que) qualifiant. Az Quelle est donc la motivation (ultime de la presence de "vidhi?; autrement dit, quel est le cas concret ou le resultat evoque en dernier lieu se fera sentir comme un inconvenient decisif) ? B; C'est afin d'eviter qu'en voie de former (l'absolutif de pra-div., pra-siv- : a savoir) pradi vya, prasi vya, il ne s'effectue l'accretion en -i- (selon 7.2. 35). (Voici comment : - Un phoneme du type val> est certes en jeu dans l'accretion 7.2.35, mais en tant que simple qualifiant, vu qu'elle est enseignee pour un affixe ardhadhatuka a val> initial. Ce ne serait donc pas un al-vidhi si l'on adoptait l'analyse du compose en al + vidhi ; en ce cas, lorsqu'il s'agit d'operer ladite accretion, la prohibition 'analvidhau' ne pourrait plus y intervenir, si bien que l'element *ya serait traite comme ardhadhatuka a initial, au meme titre que l'affixe original -tva auquel il s'est Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ LE MAHABHASYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 (Y. OJIHARA) 15 substitue selon 7.1.37; finalement, on aurait a tort l'accrement -j- en tete du -ya par application de 7.2. 35. Si l'on analyse 'al-vidhil en al-asraya +vidhi, on ne manquera pas d'entendre l'accretion 7.2.35 exactement en tant que alvidhi ; cette derniere operation faisant donc l'objet de la prohibition 'analvidhau', -ya ne sera pas traite comme l'original -tva, affixe ardhadhatuka a initial; ce qui ecartera, comme il faut, que l'accrement -i- ne vienne a la tete du -ya par application de 7.2.35.) IV Cf. Kas. 56 : n. 2; Res. A.] [133, 17 - 134, 9. 1 (vt. 1) "En raison de la difference (de forme) entre original et substitut, (on elabore ici,) a l'egard d'un substitut, la regle d'assimilation" a l'original, comme on dit que le fils du maitre soit (traite) comme le maitre (luimeme) >>." -L'original est une chose, le substitut en est une autre ; "en raison de la difference entre original et substitut" - pour ladite raison, une operation portant sur l'original manquerait a s'effectuer sur le substitut. 1) anudesa, pratiquement synonyme de atidesa "transfert". Bi Quel inconvenient (y a-t-il) alors (a redouter) ? A. (En voici un :) la voix moyenne, dont il est enseigne (par le su. 1.3. 28) qu'elle vaut pour a-yam- et a-han-, ne vaudrait que pour (a-han-, avec l'original) han-, mais non pour (a-vadh-, avec) vadh- (- substitut de han -selon 2.4.44 -, d'ou cet inconvenient qu'on manquerait a tort a obtenir des formes telles que avadhista, 3e sg. aor. moy. de a-vadh-). Or, d'une part, il est souhaitable (, compte tenu du bon usage linguistique, ) qu'elle (=la voix moyenne) vaille aussi bien pour (a-) vadh- ; (mais) d'autre part, cela ne se realise pas sans effort (d'elaboration theorique) ; d'ou "la (pres.) regle d'assimilation (d'un substitut) a l'original" - c'est dans ce but qu'est formule le pres. su. "Comme on dit que le fils du maitre soit (traite) comme le maitre (lui-meme) >>" -voici comment : lorsqu'il est dit >, tout traitement (d'honneur : karya) reserve au maitre se transfere sur le fils du maitre; de meme, au pres. cas (de Grammaire) aussi, une operation (grammaticale : karya) portant sur Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 16 l'original se transfere sur son substitut. B. Cela ne constitue pas la motivation (du pres. su.). Le (transfert) en question se realise par l'usage courant. Voici comment : dans l'usage courant, celui qui se trouve en lieu et place de quelqu'un d'autre recoit (tout naturellement) les traitements reserves a ce dernier; ainsi, un eleve d'un precepteur, lorsqu'il a visite (au nom de son maitre) les familles des sacrifiants, recoit le siege de front et autres (honneurs reserves a un precepteur). Az Meme si tel est bien le cas dans l'usage courant, tout cela (n") est (au fond qu') une comparaison, tandis qu'une convention technique (litt. "entreprise humaine": purusarambha) est de nature a faire cesser (la validite d') une * comparaison quelconque. B3 Y a-t-il, en l'occurrence, quelque convention technique (en jeu) ? Ag (Oui,) il y en a (une), assure-t-on. B4 Laquelle ? As (C'est) evidemment la regle (de la) "forme propre" (d'un enonce, a savoir la regle 1.1.68). (Selon ladite regle, il est convenu qu'un element enonce en Grammaire ne denote rien d'autre que sa forme propre : ainsi, par l'enonce 'han dans le su. 1.3.28, on ne peut entendre, en principe, que la forme radicale han-, non une autre forme telle que vadh-; en sorte que) la voix moyenne enseignee (par ledit su.) pour "han' ne vaudrait que pour han-, jamais pour (son substitut) vadh- (selon 2.4.44). (On se retrouve ainsi expose a l'inconvenient deja signale ci-dessus A9, notamment parce que, en tant qu'il se fonde sur une comparaison a l'usage courant, l'argument B. est invalide par la convention technique 1.1.68 ; afin d'y remedier, il faut que le fait tel qu'on l'a deduit en B. de l'usage courant soit erige lui aussi en convention technique, en sorte que celle-ci puisse entraver la convention technique 1.1.68 elle-meme; or, c'est justement ce qu'a pour effet le pres. su., et dans cette mesure, la raison d'etre en est incontestable.) B5 S'il en est ainsi, (constatons que) le procede (meme) qu'adopte (ailleurs) le Maitre (Panini) laisse entendre (, par voie de revelation,) qu'un substitut est (traite) comme l'original (qu'il remplace) : c'est que, dans le su. 7. 2. 86, il (=Panini) enseigne la prohibition portant sur un substitut (tout en enoncant expressement 'an-adesel "(en presence d'une desinence casuelle, mais) non d'un Page #9 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Le MAHABHASYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 (Y. OJIHARA) substitut (de cette derniere)"). All En quoi (cet enonce est-il) indice revelateur ? Be Quelle possibilite (y aurait-il) que l'operation (enjointe par ledit su., a savoir la substitution d'un a a la finale de base, et qui y est) dite (avoir lieu) pour yusmad- et asmad- en presence d'une desinence casuelle, puisse (jamais) s'appliquer en presence d'un substitut (d'une desinence casuelle) ? (Aucune, semblerait-il.) Mais (alors) le Maitre (Panini) enseigne (neanmoins expressement) ladite prohibition; c'est qu'il estime ( bel et bien, que l'operation en question peut s'appliquer meme en presence d'un substitut d'une desinence casuelle; et cela, parce qu'un substitut est (traite en principe) comme l'original (qu'il remplace). (Bref, le traitement d'un substitut conformement a l'original s'obtient purement et simplement par voie de revelation, d'ou s'ensuit la nonnecessite du pres. su.) A; (Admettons) alors (que) la motivation (du pres. su.) consiste en ce qu'on va mentionner (dans la seconde partie du su.) la prohibition 'analvidhau' "(mais) non quand il s'agit d' (appliquer) une operation relative a un phoneme" (; cette prohibition, en effet, n'aura de sens que si elle est precedee d'une prescription, en l'occurrence, 'sthanivad adesah "un substitutest (traite) comme l'original (qu'il remplace)"). (La necessite de cette prohibition est, d'ailleurs, incontestable : c'est elle qui empeche) que (le traitemer:t d'un substitut conformement a l'original) ne soit applique a (la formation de) ces (Nom. sg. :) (a) dyauh (de div-), (b) panthah (de pathin-), (c) sah (de tad-) (: - l'amuissement de la desinence du Nom. sg. selon 6.1.68 est un al-vidhi "operation relative a un phoneme", en tant qu'il est enseigne apres une base nominale terminee par une consonne ; ladite prohibition entre en vigueur quand il s'agit d'appliquer cette operation, de telle maniere que l'element substitue a la finale de base - element vocalique, a savoir (a) au selon 7.1.84, (b) a selon 7.1.85, (c) a selon 7. 2. 102 - ne puisse etre traite comme la finale de base originale - element consonantique, a savoir (a) v, (b) n, (c) d; que, par suite, ledit amuissement 6.1.68 ne puisse s'appliquer, et que la desinence du Nom. sg. -s se maintienne intacte dans les formes precitees). B7 Cela ne constitue pas davantage la motivation (du pres. su.). Car le procede (meme) qu'adopte (ailleurs) le Maitre (Panini) laisse entendre (, par voie de revelation, la substance meme de la prohibition en question, a savoir) que Page #10 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 1 * # I | le traitement (d'un substitut) conformement a l'original ne vaut pas a l'egard d'une operation relative a un phoneme : c'est que, dans le su. 2. 4. 36 (ou il s'agit d'une "operation relative a un phoneme" en tant que la condition "a t initial" est en jeu dans la substitution y enseignee), il (=Panini) fait mention de "yap-7 (a cote de P-ti kiti? : "en presence de l'element -ya, ainsi que d'un affixe primaire a exposant k et a t initial"), alors que seul suffirait l'enonce *Tti kiti (sans 'lyap', si le *ya --substitut du tva selon 7.1.37etait traite comme l'original, donc comme un affixe primaire a exposant k et a t initial, quand il s'agit de substituer jag ihi- a ad- selon ledit su. 2.4. 36). | B. De la sorte, il n'y a pas d'interet a (entreprendre) la pres. regle. [134, 10 - 135, 8. Cf. Kas. 56: n. 11; Res. I. ] Ai (En admettant) meme (que soit) entreprise la pres. regle (a juste titre, 1> la prohibition "analvidhau? n'en serait pas moins superflue ; voici pourquoi :) - (vt. 2) "Comme la prohibition (du transfert) est (maintenant posee) a l'egard d'une operation relative a un phoneme, (ceci d'ailleurs) a l'exception du cas ou (le phoneme dont) il s'agit (est en jeu dans ladite operation en capacite) d'element (d'importance secondaire tel que) qualifiant, (redoutera-t-on que, en voie de former pradivya et analogues, le substitut suffixal -ya ne fasse l'objet de l'accretion en -i- selon 7.2.35, cette derniere operation paraissant echapper a ladite prohibition ? Non; parce qu'il n'y a la meme) pas de possibilite d'application (pour l'operation 7.2.35), vu que (dans l'element -ya,) ne se trouve pas ce (phoneme >) qui est en question (dans ladite operation)." (De notre point de vue, ce vt. est a interpreter comme suit : -) Meme s'il n'y avait pas prohibition (du transfert, posee) a l'egard d'une operation relative a un phoneme, (il n'y aurait aucun inconvenient) la ou (un phoneme) est en jeu (, dans une operation donnee, en tant qu') element qualifiant (; en effet), il n'y a meme pas possibilite d'application pour l'operation (dont il s'agit), vu que ledit (phoneme en tant qu') element qualifiant ne se trouve pas (dans ce substitut dont on se demande s'il est ou non traite comme l'original qu'il remplace); ainsi, (sans avoir a recourir a la prohibition Tanalvidhau', on peut former) pradivya, prasivya (purement et simplement parce qu'il n'y a meme pas possibilite d'application de l'accretion en -;- selon 7.2.35 au substitut suffixal Page #11 -------------------------------------------------------------------------- ________________ LE MAHABHASYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 (Y. OJIHARA) 19 -ya). 1) Bh. evoque-t-il ici, comme le pense Kaiyata, une necessite du pres. su. telle que la reconnaissent generalement les auteurs tardifs: necessite en vue de su. ulterieurs (utta rartha)? Cf. Kas. 56: Res. A, PM. B Pourquoi (n'y a-t-il pas possibilite d'application dans ce dernier cas)? A "vu qu'il ne se trouve pas ce qui est en question" (en l'occurrence,) il est mentionne (dans le su. 7.2.35 un etat phonetique) valadi1 (en tant que qualifiant 'ardhadhatukal: "affixe ardhadhatuka (qui est) a initiale consonantique autre que y"), tandis qu'ici (dans le -ya, substitue au -tva selon 7.1.37,) nous ne trouvons pas ledit (etat phonetique) 'valadi1 "a initiale consonantique autre que y". -- B. Mais le pres. effort (d'elaboration theorique consistant a poser le principe du transfert en formulant un su.) n'est-il pas fait (, des l'origine,) a cette fin meme qu'une operation dite valable pour un certain element vaille aussi bien pour un certain autre? (Etant donne que le principe du transfert est pose tout expres par la prescription positive 'sthanivad adesah1 du pres. su., n'est-il pas naturel de prevoir que l'accretion en -i- selon 7.2.35, operation applicable a l'affixe ardhadhatuka a intial qu'est le -tva, puisse se transferer sur le -ya qui s'y substitue selon 7.1.37? S'il en est ainsi, n'estce pas a dire que la prohibition 'analvidhau1 est indispensable pour assurer la formation de pradivya, sans accrement presuffixal -i- ?) As Il est vrai (que la formulation du pres. su. constitue un effort d'elaboration theorique) a ladite fin; mais (dans le cas qui nous interesse, celui de l'accretion 7.2.35 par rapport au substitut -ya, le principe du transfert) ne peut (point) s'appliquer (meme a titre provisoire). B3 Pourquoi ? A4 (vt. 3) "(On reconnait,) en effet, par contraste au transfert d'un (traitement d'ordre) general, le non-transfert d'un (traitement d'ordre) particulier.' - Car, tandis qu'un traitement (d'ordre) general peut se transferer, on ne voit pas que se transfere un traitement (d'ordre) particulier: ainsi, (dans l'usage courant, lorsqu'il est dit qu'on se conduise envers ce guerrier comme (envers) un brahmane, un traitement (prescrit a titre) general pour un brahmane se transfere sur le guerrier, sans que se transfere un traitement (prescrit a titre) particulier pour un (brahmane de la classe) Mathara ou Page #12 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 20 indoXue Shi Lun Ji I Kaundinya. De meme, ici (en Grammaire) : une operation (enjointe, en matiere) d'affixe (par exemple, d'une facon) generale se transfere (sur un substitut), (tandis qu') une operation (de nature) particuliere ne se transfere pas (: telle l'accretion en i selon 7.2.35, celle-ci etant) enjointe (en particulier) pour un "(affixe ardhadhatuka) a initiale consonantique autre que y". B4 S'il en etait ainsi, l'amuissement de l'affixe d'aoriste -s selon 8.2.28 manquerait a s'effectuer dans (a-grah-i-s-i-t, forme provisoire qu'on a avec l'accrement presuffixal -i- 7.2.35, allonge en i selon 7.2.37, ainsi qu'avec l' accrement predesinentiel -i- 7.3.96 en voie de former) agrahit (, aor. de grah-). (Voici comment: comme le su. 7.2.37 enseigne la substitution d'un 'dirgha "long", il faut comprendre, compte tenu du su. 1. 2. 28, que l'original en question est "voyelle (en general)", dont l'enonce Tit-reconduit du su. 7.2.35 n'est qu'un qualifiant: "(voyelle) qui est l'accrement --"; or, en raison de l'enonce Titah, ce meme element est en jeu dans l'amuissement de dont le est le qualifiant dans le su. 7.2.37; 1' operation 8. 2. 28 ne pourrait donc se transferer sur ce substitut "long" dudit qu'est le premier -7- dans la forme provisoire precitee.) Par contre, (tout va bien) maintenant qu'il est mentionne "analvidhau' (dans le pres. su. en effet), la prohibition (du transfert posee par la) entrera en vigueur, d'une part, dans (la formation, discutee ci-dessus notamment A1-B, de) pradivya, prasivya, vu que voici (une operation, a savoir l'accretion en -i7.2.35,) qui porte sur un element particulier "consonne autre que y"lequel est (un n. t. denotant) un phoneme (par definition); d'autre part, ladite prohibition n'entrera pas en vigueur dans (la formation qu'on vient d'etudier de) agrahit, vu que voici (une operation, a savoir l'amuissement de < 8.2.28,) qui porte (, il est vrai,) sur un element particulier "accrement -i-", lequel n'est (, toutefois,) pas (un n. t. denotant essentiellement) un phoneme (pur et simple). A5 Admettons, alors, qu' (en Grammaire tout particulierement,) un (traitement entendez une operation d'ordre) particulier se transfere aussi bien qu'un (traitement d'ordre) general (, ou encore, que la position de la prohibition Tanalvidhau vise, en derniere analyse, a laisser entendre par voie de revelation ledit fait lui-meme, fait qui differe categoriquement de celui que le vt. 3 a constate, ci-dessus A4, dans l'usage courant). En ce cas - - Page #13 -------------------------------------------------------------------------- ________________ LE MAHABHASYA, ADHYAYA I, AHNIKA 8 (Y.OJIHARA) 27 (vt. 4) "Une operation (applicable a un element original) est (transferee comme de) juste (sur un substitut de ce dernier), dans la mesure ou il y a (satisfaction, par le substitut, de) la condition (phonetique) requise (pour cette operation). " - (Ainsi, en voie de former les 3e et 2e du., ainsi que 2e pl., impf. de rud-,) l'accretion (predesinentielle) en -1- (selon 7.2.76, applicable aux affixes sarvadhatuka a initial que sont les desinences personnelles -tas, -thas et -tha,) doit etre effectuee (par transfert sur leurs substituts respectifs -tam, -tam et -ta selon 3.4.101), etant donne (que ces substituts satisfont la condition requise pour ladite accretion, a savoir) l'etat (phonetique) "a initiale consonantique autre que y", d'ou (s'achevent comme il faut les formes munies de l'accrement predesinentiel -;- :) aruditam, aruditam et arudita. B: Quel (inconvenient subsiste-t-il donc, d'apres vous), maintenant que (, comme vous venez de le constater vous-meme, l'operation en question) doit etre (effectuee), puisque (la condition requise) est (satisfaite)? Ag (vt. 5) "Cependant, la prohibition (du transfert) va s'appliquer a tort, puisqu'il s'agit (bien ici) d'une operation relative a un phoneme." - (Voici l' inconvenient qui surgira aussitot :) "Cependant, la prohibition va s'appliquer (a tort)". Be Pourquoi ? A; "puisqu'il s'agit d'une operation relative a un phoneme": - l'operation (7.2.76) dont il s'agit ici concerne (evidemment) un phoneme (parce qu'il y est en jeu - par reconduction du su. 7. 2.35 - la condition 'valadi? "a initiale consonantique autre que y"); (si bien que) la prohibition Canalvidhau' va s'y appliquer a tort et de maniere a empecher qu'a l'egard de ladite operation, - tam et autres substituts soient traites comme etant "a initial" entre autres, au meme titre que -tas et autres desinences personnelles qu'ils remplacent respectivement; on serait donc hors d'etat d'appliquer 7.2.76 a -tam et autres, et finalement, d'obtenir les formes munies de l'accrement -i-, telles que citees ci-dessus A5 in fine). B; (vt. 6) "Ou plutot, pas (d'inconvenient de ladite sorte), la prohibition ('analvidhau' ne) visant (que le cas ou) l'etat (phonetique qui est en jeu dans une operation donnee est celui meme que le substitut en question possederait) par assimilation (a l'original qu'il remplace); (or, dans le cas actuel,) cet etat (phonetique) est present (dans le substitut) autrement (que par Page #14 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 22 1 # # 1 : assimilation)." - "Ou plutot," l'inconvenient (qu'on vient de signaler conformement au vt. 5) ne se produit "pas". 1) anudesa, cf. ci-dessus 1, A, 1). As Pourquoi ? | Bg "la prohibition visant l'etat par assimilation": - il faut que la prohibition (Canalvidhau) vise (le cas ou) l'etat (phonetique, en l'occurrence, celui d') "a initiale consonantique autre que y" (qui est en jeu dans l'accretion 7.2.76, paraitrait valoir pour le substitut) par assimilation (a l'original que celui-ci remplace). (Par contre,) ici (dans un substitut desinentiel tel que -tam,) l'etat (phonetique) "a initiale consonantique autre que y" qui y est propre sera (toujours) present (sans qu'il y ait rien a voir a ladite prohibition). (De la sorte, quand il s'agit d'appliquer l'accretion 7.2.76 aux substituts -tam et autres,) nous ne discutons pas (, comme on l'a vainement fait ci-dessus A.,) la question de savoir si un tel substitut) " initiale consonantique autre que g" n'est pas (traite comme etant) " initiale consonantique autre que y" (en raison de l'intervention de la prohibition 'analvidhau'). A, Quelle est donc (la portee de cette derniere remarque) ? ; B. Il faut admettre (comme de juste) que (chacun de) ce (s substituts-la) est un affixe sarvadhatuka, puisqu'il est traite comme son original (qui est une desinence personnelle, donc un affixe sarvadhatuka selon 3. 4. 113). (Ainsi, les formes aruditam et analogues s'achevent bien par application de l'accretion en -- selon 7.2.76, les substituts -tam et autres satisfaisant la double condition requise pour ladite operation --- valadil par leur etat propre, et "sarvadhatuka? grace a l'intervention du pres. su. sous son aspect positif.) A10 La prohibition "analvidhau' va s'appliquer la (non moins a tort) (, puisque, comme on l'a vu ci-dessus Aj, l'accretion 7.2.76 qu'il s'agit d'operer concerne bien un phoneme). 1) 1) Replique de pure forme : en realite, A ne sait plus comment se defendre face au siddhanta Bg-9. Ou bien, veut-il dire ici que l'operation soit un alvidhi en ce qu'elle concerne uni- en lequel consiste l'accrement ? Il n'en aura pas moins tort, compte tenu de l'observation anterieure B4 in fine. (a suivre)