Book Title: William James Et Son Darwinisme Religieux
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst

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Page 2
________________ Johannes BRONKHORST DARWINISME RELIGIEUX manifestés après la parution de ses Principles. D'autres, plus compétents que moi, ont étudié et documenté ces changements, et il serait hardi de ma part de vouloir ajouter quoi que ce soit aux études approfondies qui existent sur ce sujet. J'ai pourtant l'impression qu'il est possible de tracer ces changements, et peut-être de mieux les comprendre, si on prend en considération les positions que James prenait par rapport au darwinisme, mouvement alors nouveau. Je dis, les positions, au pluriel, parce qu'il existait déjà à son époque, plusieurs formes de darwinisme. Rétrospectivement, on peut en distinguer au moins deux, à savoir, le darwinisme scientifique et le darwinisme social. Nous savons que les deux, quoique souvent confondus dans la pratique, se doivent d'être séparés rigoureusement. Le premier point sur lequel j'aimerais attirer l'attention est le fait que William James a ajouté à ces deux darwinismes un troisième, que je propose d'appeler darwinisme religieux. Le darwinisme original - c'est-à-dire, la théorie qui trouve son expression classique dans The Origin of Species de Charles Darwin - était une théorie scientifique, ce que j'appelle le darwinisme scientifique. On sait que la publication de l'Origin en 1859 a eu un effet explosif et immédiat sur la pensée de l'époque. Personne, William James pas plus que les autres, ne pouvait rester indifférent face à cette révolution. James connaissait bien les idées de Darwin. En fait, il était étudiant à Harvard durant les années 1860, juste après la parution de l'Origin. Or, la réception des idées de Darwin occupait les esprits des professeurs de James. Parmi eux, il y avait le célèbre Louis Agassiz, d'origine suisse, devenu l'opposant le plus important des idées de Darwin aux Etats-Unis. Un autre professeur pendant ces années formatrices de James était Jeffries Wyman, qui se laissait convaincre par ces idées', non sans difficultés il est vrai. La sympathie de James était carrément du côté de Wyman, et donc des idées de Darwin (Allen, 1967, pp. 95-96). Pour ce qui concerne Agassiz, que James accompagnait comme assistant lors d'une expédition au Brésil en 1865-66, James développa à son égard un mépris qui lui fit écrire à son frère, quelques années plus tard, qu'Agassiz «ne mérite même pas que Darwin s'essuie les pieds sur lui. La familiarité de James avec les idées de Darwin est indéniable. En effet, les toutes premières publications de sa main, datant de l'an 1865, étaient deux comptes rendus d'ouvrages traitant de ces idées: de Thomas H. Huxley et d'Alfred R. Wallace respectivement.' En 1868 il écrivit deux comptes rendus d'un livre de Darwin luimême. Cette familiarité se manifeste également ailleurs dans les écrits de James, comme par exemple dans une conférence prononcée en 1880, où il parle de l'originalité triomphante de Darwin." Elle n'implique pas qu'il fût toujours d'accord avec Darwin. Bien au contraire, il exprime à plusieurs occasions certaines réserves au sujet de points relativement mineurs, sans pour autant rejeter le noyau du darwinisme scientifique. L'expression dartinisme social (social Darwiniser) est utilisée plus souvent par ses opposants que par ses partisans. Elle renvoie à une application du darwinisme scientifique à la société, y compris certains concepts tels que survival of the fittest « la survie des plus adaptés et struggle for life, tout en y introduisant un accent prescriptif plutôt que descriptif; c'est dans ce sens que je l'utiliserai dans ce qui suit. Le darwinisme social se caractérise typiquement par des positions politiques en faveur d'un laisser-faire économique et contre toute mesure d'aide aux plus démunis. Cette position, qu'on associe souvent avec le nom de Herbert Spencer (l'inventeur de l'expression survival of the fittest), n'est pas une conséquence logique du darwinisme scientifique, comme beaucoup de ses représentants l'ont cru à tort. On peut très bien critiquer le dar. winisme social (une position politique) tout en acceptant le darwinisme scientifique. Il est pourtant vrai que, vers la fin du XIX et au début du XXe siècle, . • Voir, par exemple Taylor, 1983, p. 2. La difficulté de James de prendre des décisions fait l'objet du chapitre «The man of two minds de Louis Menand (2001, pp. 73-95). Une recherche sur Google me mène à croire que l'expression darwinisme religieux est peu fréquente en français (je l'ai trouvée sur un seul site, dans un sens différent de celui qui est vist ici). Son parallèle anglais e religious darwinism, d'autre part, est plus souvent utilisé (2310 sites trouvés), mais quasi exclusivement, il me semble, dans des contextes qui dépei gnent le darwinisme comme une religion, voire l'accusent d'en être une; cela ne correspond pas au sens visé dans cet article. Cf. Feinstein, 1984, pp. 146-153 (« Evolution at Harvard). Encore en 1909, juste un an avant sa mort, James écrivait: «Not long after Darwin's Origin of Species appeared I was studying with that excellent anatomist and man, Jeffries Wyman, at Harvard. He was a convert, yet so far a half-hesitating one, to Darwin's views; but I heard him make the following remark... When he said, a theory ants propounded over and over again, coming up afresh after each time orthodox criticism has buried it, and each time seeming solider and harder to abolish, you may be sure that there is truth in it. Oken and Lamarck and Cham. bers had been triumphantly dispatched and buried, but here was Darwin making the very same heresy seem only more plausible. (Murphy & Ballou, 1960, pp. 311-312) .That soundrel Agassizis unworthy either intellectually or morally for (Darwin) to wipe his shoes on, & I find a certain pleasure in yielding to the feeling (Allen, 1967, p. 146). Taylor, 1990, p. 11; 1996, p. 11. Bjork, 1988, p. 290 n. 2; Taylor, 1990, p. &. Il s'agit de Great men and their environment conférence tenue devant la Harvard Natu ral History Society, et publiée pour la première fois dans Atlantic Monthly, October 1880. Le passage concerné à la forme suivante (James, 1897/1956, pp. 221-222): if we look at an animal or a human being distinguished from the rest of his kind by the possession of some extraordinary peculiarity, good or bad, we shall be able to discriminate between the causes which originally produced the peculiarity in him and the causes that maintain it after it is produced and we shall see if the peculiarity be one that he was born with, that these two sets of causes belong to two... irrelevant cycles. It was the triumphant originality of Darwin to see this, and to act accordingly. Separating the causes of production under the title of ten dencies to spontaneous variation, and relegating them to a physiological cycle which he forthwith agreed to ignore altogether, he confined his attention to the causes of preservation, and under the names of natural selection and sexual selection studied them exclusively as functions of the cycle of the environment Voir Myers, 1986, pp. 591 199, note 68, pour quelques exemples. A noter que, d'apred. Richards (1982), la théorie darwinienne est à la base de beaucoup d'idées de James. Murphy & But here was naad Lamare de mine solider

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