Book Title: William James Et Son Darwinisme Religieux
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst

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Page 7
________________ DARWINISME RELIGIEUX Johannes BRONKHORST gion qui va survivre, aux dépens d'autres qui n'ont pas cette qualité. Ce type de réflexion nous éloigne pourtant de la pensée de William James, raison pour laquelle je m'arrête ici. Religion... makes easy and felicitous what in any case is necessary, and if it be the only agency that can accomplish this result, its vital importance as a human faculty stands vindicated beyond dispute. It becomes an essential organ of our life, per forming a function which no other portion of our nature can so successfully fulfill. From the merely biological point of view, so to call it, this is a conclusion to which, as far as I can now see, we shall inevitably be led (James, 1902/1979, p. 68; c'est James qui souligne. Cp. Levinson, 1981, p. 76.) Il n'est pas nécessaire de vous rappeler que le darwinisme, même le darwinisme scientifique, n'a plus la cote parmi une grande partie des chercheurs qui étudient la ou les religions. L'explication de cette indifférence se trouve sans doute dans le fait que des erreurs majeures ont été faites par ceux qui ont voulu combiner les deux: étude des religions et pensée évolutionniste. Il suffit de mentionner le nom de James Frazer pour donner le frisson à beaucoup de scientifiques dans ce domaine. On comprend et apprécie la détermination de vouloir ne plus jamais tomber dans ce type de discours, qui était accompagné de la conviction de la supériorité de l'homme blanc européen et présentait d'autres défauts. Pourtant, je crois que ces scientifiques ont jeté le bébé avec l'eau du bain. Le darwinisme scientifique (contrairement aux théories de Frazer) est sorti renforcé d'un siècle et demi de tests sévères et poussés. Les sciences humaines, y compris la science des religions, ne peuvent pas se permettre d'ignorer cette théorie qui n'a pas de compétitrice crédible pour expliquer le développement des hommes tels qu'ils sont Admettre l'importance du darwinisme scientifique pour l'étude de l'homme n'équivaut pas à savoir comment l'utiliser. Certains chercheurs font des efforts, avec des résultats pas toujours convaincants. Une des questions qu'ils posent aujourd'hui, plus d'un siècle après la parution des Varieties, est précisément celle de la valeur de survie de la religion pour l'homme. Quelques-uns soulignent que l'évolution de la culture a comme produit annexe et inévitable des mésadaptions (« maladaptations»), parmi lesquelles on pourrait compter un nombre de comportements et idées religieuses. D'autres croient que certaines religions contribuent au fitness de ceux qui y adherent; ces chercheurs se concentrent dans leurs études sur les aspects des religions qui peuvent avoir un tel effet (voir par exemple Wilson, 2002). J'ai moi-même fait un modeste pour montrer que certains aspects maladaptifs de nombre de religions - je me suis concentré sur l'ascese - ne sont pas pour autant dus au hasard (Bronkhorst, 2001a). Voilà un champ de recherche qui n'était pas celui de William James. Il y a bien entendu, quelques points de contact. Si une certaine religion contribue à la survie de ses adhérents, c'est également cette reli RÉSUMÉ La familiarité de William James avec le darwinisme est bien documentée. Ses toutes premières publications (1865) étaient des reunes de livres ayant affaire au darwinisme. Plus tard (1868) il rédigea deux articles sur un livre écrit par Charles Darwin lui-même L Origine des espèces de Darwin venait juste de sortir quand il est devenu étudiant à Harvard, il s'est immédiatement impliqué dans la bataille autour des idées de Darwin qui opposaient plusieurs de ses professeurs. James a résolument opté pour le darwinisme. Malgré tout, James devint à l'évi dence de plus en plus déçu de la vision scientifique sur le monde Pire, le darti nisme scientifique a été employé (sous la forme de ce qui sera appelé le darwinisme social») pour justifier des politiques sociales pour lesquelles James n'avait aucune sympathie. Malgré son dégout, il n'avait aucune alternative crédible face aux croyances dans le progrès et dans l'évolution de la société qui caractérisait son temps. I cherche refuge dans la religions, mais il ne put pas simplement adopter une des religions existantes. Chose intéressante, dans sa volonté de croire (1896) il fait appel à un mécanisme darwinier, la survie du plus fort (fit) qui laisse la meilleure religion gagner. James se rendait compte des côtés faibles de ce que nous pourrions appeler son darwinisme religieux. Dans la compétition entre les expé. riences personnelles qui pour James constituent la religion, quel mécanisme précis pourrait opérer la sélection? Une réponse est proposée dans les Varieties of religious Experience (1902): la science des religions doit faire la sélection. On pourrait dire que dans le darwinisme religieux de James, la science des religions joue le role qu'a la sélection naturelle dans le darwinisme scientifique. Cette réponse ne laissait pas James sans appréhension, comme il le dit dans les Varieties, car les conclusions de la science des religions sont tout aussi capables d'être opposées que favorable à la prétention que l'essence de la religion est vraie. Cet article observe en conclsion qu'il y a de meilleures utilisations de la théorie darwinienne dans l'étude des religions que celle proposée par James. SUMMARY William James's familiarity with Darwinism is well documented. His very first publications (1865) were reviews of books dealing with Darwinism. Later on (1868) he wrote two reviews of a book written by Charles Darwin himself. Dar win's Origin of Species had just come out when he became a student at Harvard where he immediately became involved in the battle around Darwin's ideas that opposed several of his teachers; James resolutely opted in favour of Darwinism. In spite of all this, it is clear that James became increasingly disenchanted with the scientific world view. Worse, scientific Darwinism was used in the form of what came to be known as social Darwinism) to justify social policies for which James A noter que la critique de Frazer est parfois exagérée; voir Bronkhorst, 2001a. * James, quant à lui, était confortable avec une conception hiérarchique des races humaines, au moins en 1868; Menand, 2001, p. 144. Pour une discussion de la notion de maladaption, of Boyd & Richerson, 2005, pp. 9 sqq. Une prise de conscience des dangers que posent les religions traditionnelles commence à s'exprimer dans des publications récentes, par exemple Dennett, 2006; Harris, 2005,

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