Book Title: Les Reliques Dans Les Religions De Inde Author(s): Johannes Bronkhorst Publisher: Johannes Bronkhorst View full book textPage 4
________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde comportements et de multiples autres aspects de la vie quotidienne. Sans s'y référer, il serait impossible de donner un sens à la vie sociale des hindous. Or, la source la plus forte de pollution est la mort. Toute personne qui entre en contact avec un cadavre est pollué, et les traités de loi du brahmanisme classique foisonnent de regles concernant les façons de se libérer de cette pollution, et la durée d'une telle procédure. La présence d'un cadavre dans un village pollue tout le village, et ceux qui le touchent restent impurs pour un certain temps. Dans la tradition brahmanique, pour citer Charles Malamoud (1982:441), les cérémonies funéraires ... paraissent n'avoir d'autre raison d'être que de donner une réponse, abondante, minutieuse, acharnée, à cette question que la collectivité se pose quand elle est en présence d'un cadavre: comment s'en débarrasser? Cette horreur vis-à-vis de tout ce qui touche à la mort a des origines anciennes. Les cérémonies funéraires prescrites dans les textes védiques et para-védiques en témoignent. Résumant les recherches de ses prédécesseurs, André Barcau (1975: 164-165) en donne la description suivante: »Une seule cérémonie est accomplie auprès du tombeau après son érection, et tous ses détails, précis et nombreux, ont clairement pour seul but de séparer le mort des vivants en l'empêchant de sortir du tumulus, de retrouver le chemin de sa maison pour revenir importuner ses parents et amis et les souiller de sa présence impure et redoutable. Après cela, les proches quittent cet endroit inquiétant pour n'y plus revenir et procédent, rentrés chez eux, à des rites de purification. Toutes les cérémonies funèbres, désignées sous le nom collectif de draddha, qui seront accomplies ensuite pendant des années, le seront en des lieux divers mais toujours différents de celui du smaśāna (ie, tumulus, JB] et loin de ce dernier, qu'on laissera tomber peu à peu en ruine sans l'entretenir et même sans le visiters. Ailleurs dans ce même article, Bareau contraste l'attitude des brahmanes védiques avec celle des bouddhistes, déjà pour la période ancienne (p. 164): »Si les brahmanistes visent à bien séparer le śmaśäna, demeure du mort, du monde des vivants en l'éloignant, en le cachant, les bouddhistes veulent au contraire que le stupa soit installé au milieu des vivants, qu'il puisse être vu chaque jour par un grand nombre de ceux-ci, afin que les gens pensent alors au personnage dont il contient les ossements«. L'opposition entre l'hindouisme et le bouddhisme quant à leur attitude envers les morts semble remonter à une date encore plus ancienne, antérieure au boud dhisme. Un' texte védique, le Satapatha Brahmana (13.8), contraste les tumulus quadrangulaires, qui sont les tumulus corrects, aux tumulus circulaires des gens démoniaques (ou wdémonophiles) de l'est. Les spécialistes s'accordent à croire que ce passage ferait mention du stūpa bouddhique, ou plutôt de son prédécesseur pré-bouddhique." Les textes bouddhiques, quant à eux, ne cachent pas que le stupa n'est pas une invention du bouddhisme. Bien au contraire, ils déclarent que les funérailles du Bouddha suivent l'exemple de celles d'un roi puissant. Les funérailles du Bouddha appartiennent de cette façon à une tradition plus ancienne que le bouddhisme et différent du vedisme. Cela ne surprend pas si l'on prend en considération que le bouddhisme - tout comme le jainisme, l'äjivikisme et d'autres courants religieux dont nous ne connaissons souvent pas les noms - est issu d'un mouvement général qu'on appelle fréquemment mouvement des śramanas. Cette appellation peut donner lieu à des confusions: un śramana est un ascète, tandis que tous ceux qui appartenaient au mouvement des sramana n'étaient pas des ascètes. L'expression est pourtant utile pour designer les milieux d'où sont issus certains types d'ascétes, parmi eux les bouddhistes, les jainas et d'autres encore. Le mouvement des Bramaņa se distingue des milieux védiques de plusieurs manières. Nous nous bomerons à mentionner ici leur croyance en l'efficacité des actes: tout ce qu'on fait porte un fruit, bon ou mauvais, dans cette vie ou dans une prochaine. Le cycle de la rétribution des actes ne se termine qu'au moment où l'on atteint la libération absolue. L'idéologie de ce mouvement n'a pas manqué d'influencer la pensée védique, comme en témoignent les upanişad. Le bouddhisme, ainsi que la pratique de construction de stúpa, sont donc intégrés à une tradition d'origine ancienne, qui comprend également d'autres courants religieux tels que le jainisme. La vénération de stūpa est effectivement un trait qui caractérise le jainisme aussi, même si ce trait ne s'y est pas imposé sur la même échelle que dans le bouddhisme." On peut en conclure que le mouvement des 11 Cf. Kottkamp, 1992: 10; Witzel, 1997: 310, 2003:46. D'après Witzel (2003: 56) ces tumulus cir culaires ferinner) an die zentralasiatischen Kurganeu. 11 ajoute: Wahrscheinlich haben wir es hier mit einem spltvedischen iranischen Einfluss zu tun. Hypothese contestée par Fussman (2003: 803 n. 53): On ne peut pas dire que le kourgane survive dans le stúpa bouddhique, mo nument d'origine funéraire certes, mais qui apparaît fort tard en Inde (pas avant le Ve siècle avant notre ère) et ne peut donc dériver des kourganes du ll millénaire avant notre érew 12 Smith, 1901, Shah, 1955: 43 sq. esp. pp. 59 sq. Dundas (2002: 291 n. 4) fait remarquer que des stupa furent régulierement érigés durant la période médiévale tardive pour honorer des moins jalna eminents décédés. Dundas (à paraitre) attire l'attention sur la position problématique du stopa et du culte de reliques au sein du jainisme, et pose la question s'il s'agit d'un emprunt au bouddhisme, cette question ne se pose pas si on a affaire, comme nous le croyons, à un trait que le jalnisme a hérité de la tradition à laquelle il appartient. Irwin (1979: 799) rappelle l'histoire d'après laquelle le roi bouddhiste Kaniska vénéra, par erreur, un stipa jaina. Schopen (1996: 568 f.) réfere à un texte dans le canon bouddhique en påli (Digha et Majjhima Nikaya) qui parle d'un thtipa (ser, stūpa) en connexion avec Nigantha Nataputta, le fondateur du jainisme. Les textes bouddhiques parlent également du stūpa de Purana, l'un des hérétiques du bouddhisme souvent 9 Kane, HistDh IV p. 282, 289. Ce même auteur énumére un certains nombre de traités qui s'oc cupent de l'impureté, el conclut avec les mots (p. 273): These exhaustive treatises on sauca (impureté, JB) show one thing unmistakably that brålunanas of the medieval ages attached an extremely exaggerated importance to ceremonial purity of the body on birth and death 10 Strong (2004), citant d'autres auteurs, présente le point de vue selon lequel les reliques nere présentent pas exclusivement la mort, et que leur enchassement cherche à mettre fin aux aspects polluants de la mort en soulignant les thèmes de pureté, de régénération et de permanence. Aucun exemple de vient cependant soutenir cette thèse pour l'hindouisme.Page Navigation
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