Book Title: Collected Articles Of LA Schwarzschild On Indo Aryan 1953 1979
Author(s): Royce Wiles
Publisher: Australian National University

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Page 87
________________ 672 L. A. SCHWARZSCHILD changements de phonétique, de grammaire et de vocabulaire. Mais dans les textes plus populaires qui ont subi l'influence de la langue parlée, dans quelques inscriptions, et surtout dans les œuvres en prose, on peut distinguer deux courants nouveaux : d'une part il y a une tendance à la parataxe, d'autre part on peut constater des méthodes nouvelles de la subordination. Ce sont toujours les propositions corrélatives qui jouent un rôle important. Dans les inscriptions kharosthies trouvées au Turkestan il y a même des distinctions modales dans les propositions subordonnées. T. Burrow a remarqué1 que l'optatif y signale une proposition relative à valeur générale: gesa vivada siyadi rayadvarammi visajidavya ceux qui se disputeraient doivent être envoyés à la cour du roi . Le futur sert à exprimer quelque chose de plus défini et de plus réel: go mamnusa... abomala karisyati... se isa visajidavo l'homme qui sera désobéissant, on doit l'envoyer ici ». Le moyen indo-aryen se rattache ainsi à l'usage de la prose védique où l'optatif confère la nuance indéfinie. Dans les phrases conditionnelles la langue des inscriptions de Niya se sert ou de l'optatif ou du futur, selon que la condition est plus ou moins probable. On ne se sert jamais de l'indicatif du présent dans la phrase conditionnelle. Après jena <yena le futur et l'optatif expriment un sens final. Cet usage aussi se rattache au védique. Mais ce sont là des développements exceptionnels de la langue des inscriptions de Niya. En moyen indo-aryen en général, l'usage des modes dans les phrases subordonnées, loin d'être plus nuancé, est beaucoup plus vague qu'en sanskrit: l'emploi de l'indicatif ou de l'optatif dans les phrases relatives n'y semble rien changer au sens. Ainsi dans la Bhagavati Aradhana texte jaina šaurasent assez populaire malgré sa forme versifiée-on se sert de l'indicatif ou de l'optatif e.g. havejja jo sudillho (p. 181), mais c'est l'indicatif qui prédomine. Dans les phrases conditionnelles, l'optatif retient sa valeur primitive dans la langue du canon jaina, et sert à indiquer une proposition irréelle, mais dans les textes plus tardifs et plus populaires cette distinction a disparu. Dans la Bhagavalt Aradhand on trouve sur la même page les expressions jadi na kahei et jadi na kahejja s'il ne le dit pas. Mais ce qui est encore plus frappant à la lecture de ce texte, c'est l'usage étendu de la particule subordonnante jam <skt. yad 'que', jam s'emploie souvent pour lier deux phrases sans 1. T. Bunnow, The Language of the Kharoglhi Documents from Chinese Turkestan, Cambridge 1937, p. 64. 2. Les textes moyen indo-aryens cités ici sont tirés des éditions critiques bien connues, surtout celles de la Singh Jain Series, et de la Prakril Text Society. Le seul texte de la Bhagavatt Arddhand qui nous fat accessible est celui de la Sri-AnandakirtiJaina Granthamalá, Bombay 1932. -154 CONJONCTIONS DU MOYEN INDO-ARYEN 673 se référer à un antécédent précis usage qu'on trouve aussi en sanskrit bouddhique et dans la langue du canon jaina. Mais jam s'emploie aussi au sens consécutif: vadadi nihino hu aham jam na samallho anasanassa il dit: je suis si faible que je ne saurais pas jeûner (Bhag. Ar. p. 258). Dans les textes en prose jaina mähäräștri cet usage est devenu. beaucoup plus fréquent, mais seulement dans les textes populaires et tardifs: il n'y en a pas de trace dans la Vasudevahindi. Souvent le sens consécutif est explicite: kim nivveyakaranam, jam puna iva bhaniyam asi jahd.. Quelle est la cause de ton dégoût, pour que tu dises de nouveau que...? (Samaraiceakaha 53), käranena hoyarvam jam esa na neddam pavajjae il doit y avoir une raison pour laquelle elle ne dort pas (Dharmopadeśamala, 49, 20). L'optatif dans cette construction est assez rare et ne change rien au sens. Parfois le sens consécutif n'est pas très développé, et jam n'est devenu qu'une conjonction subordonnante que: kim mantasalli dhammasalli va, jam sala sihasanam jayam est-ce par le pouvoir d'un charme magique, ou est-ce par le pouvoir de la Loi que le poteau de supplice s'est transformé en trône ?» (Kalhakosaprakaranam). Parfois, même dans ces textes populaires et tardifs, on pourrait entrevoir une continuation de l'usage sanskrit, où yad peut introduire des propositions complétives: sohaṇam jam aham parancio imie dullhasilãe e il n'y a pas de doute que cette mauvaise femme m'a trompé (Jambucariya, p. 106). Mais c'est la nuance explicative et causale qui est beaucoup plus frappante : na lajjasi lumam imanam niyapandarakesäṇam jam lie... neuram pariginhasi « tu n'as donc pas honte de tes cheveux blancs, que tu aies pris son ornement de pied? (Jambucariya, p. 106). jam peut alors changer de place avec jena 'pour que', et on lit dans le même passage du Jambucariya: na lajjasi tumam... jena evam bhanasi? tu n'as done pas honte... que tu parles ainsi ?> L'extension de la conjonction subordonnante jam a enrichi la phrase moyen indo-aryenne d'une souplesse toute nouvelle. Les causes de cette extension sont multiples. La structure corrélative, si importante en sanskrit classique, s'est affaiblie dans la langue populaire, et les liens entre les démonstratifs et le relatif ont été relâchés. L. Renou1 a relevé dans la prose védique des phrases qui témoignent de la simplification du démonstratif, senti comme élément abstrait, et on trouve done yatha repris par laval, yasmat repris par tena, etc. En prakrit, même dans les textes anciens, cette tendance a prévalu, et les phrases corrélatives irrégulières abondent: jam est souvent suivi de la, ou de taha; jatha et ladhima 1. L. RENOU, Grammaire sanscrite, Paris 1961, p. 530. - 155

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