Book Title: Linde Classique Et Le Dialogue Des Religions Author(s): Johannes Bronkhorst Publisher: Johannes Bronkhorst View full book textPage 2
________________ 780 JOHANNES BRONKHORST L'INDE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS 781 Les représentants des différentes religions - ce sont, pour l'époque con-auteur d'un commentaire (Vårttika) sur le Nyaya Bhasya, lui-meme come cernée, principalement le bouddhisme, le brahmanisme, et le jaïnisme - se mentaire du Nyaya Sutra, le texte de base du système de philosophie sont écoutés, ou plutôt se sont lus, et ont essayé de répondre aux critiques brahmanique dit Nyaya. Son Nyaya Värttika critique l'une des posicions dirigées contre eux. Nous n'avons pas de données sur le nombre des fondamentales des bouddhistes avec lesquels il argumentait, a Savoir la eventuelles conversions auxquelles cette interaction active aurait abouti. doctrine voulant qu'il n'existe pas d'âme. Les etres vivants etaient conçus Mais nous savons qu'elle a profondément touché toutes ces religions. Sur par ces bouddhistes comme étant des accumulations d'elements divers, le plan intellectuel, en particulier, elles se sont constamment corrigées mais sans âme. Les penseurs brahmaniques, parmi eux Udayotakata, par voie d'emprunt, ou de modification interne - à la lumière des réfle- n'étaient pas d'accord avec ce rejet de l'âme, d'autant moins que pour eux xions de leurs opposants. la réalisation de celle-ci constitue une étape essentielle sur la voie du salut, Soulignons d'emblée que les religions de l'Inde ancienne et classique la libération définitive du cycle des renaissances. appartiennent toutes à une seule aire culturelle. C'est sans doute pour cela Uddyotakara utilise plusieurs arguments contre la position des boudque leur interaction fut intense et productive. Les trois religions principales dhistes. J'en présenterai deux qui servent le mieux à illustrer mes propos. n'ont pas que des différences; elles ont des idées, des conceptions, voire D'abord le suivant:6 des préjugés communs. Notez d'emblée que leurs représentants ne se rendent pas compte des points communs qui les réunissent. Ils se concentrent Celui qui dit que l'ame n'existe pas, va à l'encontre de la position de son école. inévitablement sur leurs différences intrinsèques, et ce sont les chercheurs Comment? Dans les passages de l'écriture bouddhique qui disent) "je ne suis atière. 0 vénérable, ni la sensation. ni la perception, ni les compositions modernes, souvent non-indiens, qui sont frappés par les convictions parta- mentales, ni la conscience" et "toi, ô moine, tu n'est ni cette matière, ni la sengées, les approches parallèles. Parfois celles-ci ne sont pas formulées ex- sation, (ni la perception), ni les compositions mentales, ni la conscience" les plicitement, peut-être parce qu'elles étaient, pour les indiens de l'époque, groupes matière etc. sont niés comme étant l'objet du mot "je. Mais il d'une évidence patente. Mais ce qui était évident pour un indien du pre s'agit d'une négation de spécificités, et non pas d'une négation de la généralité, mier millénaire, ne l'est pas forcément pour un chercheur moderne. Dans tandis que celui qui n'accepte pas [l'existence de l'ame doit nier la généralité, [comme suit:) "je ne suis pas" [ou] "tu n'es pas". de tels cas la découverte des convictions cachées peut s'avérer difficile. Elle est pourtant essentielle si l'on cherche à comprendre les positions et les échanges de vue que les textes ont préservés. En guise d'illustration des précédentes remarques je présenterai quelques passages d'un penseur qui appartient au sixième ou septième siècle de notre ère, passages sur lesquels le professeur Masaaki Hattori de 16 NV (introduisant 3.1.1) p. 702 1. 8 - 11: nasty átmeti caivam bruvanah siddhan tam l'université de Kyoto a attiré mon attention. Ce penseur est Uddyotakara, brīdhatel katham iti? rūpam bhadanta näham vedana sarrid saskaro vijnanam bhadanta näham iti evam etad bhikso rūpam na tvam vedana (samrid) samskaro vijana wa na tvam iti ta ete skandha rūpadayo 'hamvisayarvena prari şiddhah/ višesaprarisedhas câyam na samanyapratişedhah, armånam cànabhyupaof more meaty allegory in order to make it intelligible for its educationally less gacchará samanyam eva pratişeddhavyam, näham naiva rvam asitil. Le mot privileged recipients". samja a été ajouté une première fois sur la base de quelques mss qui le con tiennent, et la deuxième fois simplement parce que la citation sans samiria ne peut 3 Peter Schreiner (1996:168) distingue entre plusieurs types d'étrangers, parmi eux: être correcte. Les textes bouddhiques parlent toujours de ces cinq groupes l'étranger religieux, l'étranger social, l'étranger politique (der religiós Fremde, der (skandha), et Uddyotakara lui-même utilise le terme nipidiskandhaparicaka quel sozial Fremde, der politisch Fremde). Les partenaires des débats qui nous intér- ques lignes plus bas. essent sont au plus des étrangers religieux l'un vis-à-vis de l'autre. La sequence de deux mots commençant par sam pourrait expliquer comment un 4 Cp. Potter, 1977:303. copiste non-bouddhiste a pu omettre le mot samjia par un saut du même au même. 5 Voir également Kher. 1992:66 sq. L'édition de Dube (1897:341) est essentiellement identique à NV en ce qui concerne ce passage.Page Navigation
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