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________________ Indische Kultur im Kontext Rituale, Texte und Ideen aus Indien und der Welt Festschrift fur Klaus Mylius Herausgegeben von Lars Gohler 2005 Harrassowitz Verlag * Wiesbaden
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________________ Les reliques dans les religions de l'Inde* Johannes Bronkhorst Les deux grandes religions autochtones de l'Inde offrent au sujet du culte des reliques corporelles deux points de vue differents. Alors que le bouddhisme integre leur culte a ses pratiques, l'hindouisme en est depourvu. Cette opposition est au coeur des reflexions de cet article. J'y aborderai en particulier deux questions: 1. Comment doit-on expliquer la presence de reliques corporelles dans le bouddhisme tandis qu'elles sont absentes de l'hindouisme? 2. Comment le bouddhisme a-t-il reagi aux resistances hindoues a l'encontre du culte des reliques corporelles? La question n'a pas recu beaucoup d'attention dans la litterature secondaire moderne. Les encyclopedies nous offrent principalement trois reponses, dont nous allons etudier la teneur en detail. Premiere reponse: Contrairement a l'hindouisme, le bouddhisme a un fondateur historique Le bouddhisme a un fondateur historique. Tout ce qui reste de ce fondateur historique - il s'agit en premier lieu d'os et de dents, mais aussi de cheveux et de rognures d'ongles-est objet de veneration pour ceux qui acceptent l'enseignement du Bouddha comme representant la verite absolue. L'hindouisme par contre ne possede pas de fondateur historique, et par consequent pas de reliques d'un fondateur susceptibles de devenir objets de veneration. Nous adoptons ici comme carac terisation de l'hindouisme l'acceptation, au moins en theorie, de l'autorite du Veda. Cette caracterisation s'applique a une grande partie des mouvements religieux que l'on connait sur la base des textes qu'ils nous ont laisses, et s'averera donc utile a notre discussion. Le Veda est un corpus textuel de grande taille, qui n'est * Mes remerciements & John S. Strong pour m'avoir envoye deux de ses publications sur les reliques bouddhiques avant meme leur parution, et a Karel R. van Kool pour la generosite avec laquelle il a partage ses idees. Des remerciements egalement a Pascale Hugon pour ses critiques et suggestions d'amelioration. 1 P. ex., New Encyclopaedia Britannica, 15th edition, vol. 9 p. 1015 (reponses 1 et 2). ERE vol. 10 p. 661 (reponse ). ER vol. 12 p. 276 (reponses 2 et 3).
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde 51 fournit ainsi un exemple d'une forme de veneration qui est completement parallele avec ce qu'on trouve dans le bouddhisme: l'arbre sous lequel le Bouddha a atteint l'eveil reste un objet de veneration pour les bouddhistes. Mes ces memes pelerins ne venerent pas les restes corporels de Ramakrishna Deuxieme reponse: Le monde est illusoire dans l'hindouisme pas concu comme la parole de quelqu'un, mais plutot comme un texte eternel, c'est-a-dire comme un texte sans debut. La valeur du Veda ne derire donc pas de la saintete d'un auteur presume, bien au contraire, certaines personnes, premierement les brahmanes, doivent leur saintete a leur proximite du Veda. Les adeptes de l'hindouisme ne peuvent par consequent pas venerer les reliques d'un fondateur, pour la bonne raison que leur religion n'admet pas de fondateur. Cette explication neglige le fait que le bouddhisme, du point de vue du bouddhisme lui-meme, n'a pas de fondateur non plus.. Le Bouddha historique est concu comme le dernier d'une longue liste de Bouddhas qui tous prechent la meme verite eternelle. La recherche modeme ne donne pas raison a ce point de vue et maintient que le Bouddha historique, le Bouddha Sakyamuni comme l'appellent les bouddhistes, fut le premier a precher le message dorenavant connu sous le nom de bouddhisme. Ces partis pris de la recherche moderne ne nous aident pourtant pas a comprendre la vision du monde d'un bouddhiste indien. Pour ce dernier, le Bouddha Sakyamuni etait un sage qui ne faisait que repeter une verite que d'autres avaient deja enoncee avant lui. Autrement dit, cette pretendue difference entre le bouddhisme et l'hindouisme n'est pas fondee. il y a plus. L'hindouisme, lui aussi, connait toute une serie de personnages qui correspondent plus ou moins a ce qu'on appelle dans le christianisme des saints, et autour desquels une litterature hagiographique s'est developpee. Certains de ces personnages sont legendaires, d'autres historiques. Prenons l'exemple du philosophe Sankara. Bien qu'il soit difficile de lui assigner une date avec precision, on peut estimer qu'il vivait aux alentours de l'an 700 de notre ere. Sankara est le plus important representant de la philosophie dite advaita-vedanta, une pensee qui est devenu extremement populaire au deuxieme millenaire, et qui l'est reste jusqu'a nos jours. La vie de Sankara est glorifiee dans de nombreuses biographies legendaires, et les monasteres qu'il est cense avoir fondes sont impregnes du respect qu'on montre a leur fondateur. Et pourtant, il n'existe pas de culte des os ou des dents de Sankara. Un exemple beaucoup plus recent est celui du mystique Ramakrishna (1836-86), qui avait pour habitude de mediater sous un grand arbre dans un certain temple au Bengale. Cet arbre attire des pelerins aujourd'hui encore, et Une autre explication est la suivante. L'hindouisme a tendance a regarder le monde physique comme une illusion. Les reliques d'une personne sainte n'ont donc pas une grande valeur spirituelle. Cette explication n'est pas satisfaisante non plus. Il est vrai que certains mouvements dans l'hindouisme ont tendance a considerer le monde physique comme etant illusoire; d'autres par contre ne partagent pas cette conception. L'idee d'un monde physique illusoire n'a, en outre, jamais empeche les devots de venerer leurs maitres, leurs gourous, sans la moindre limitation: certains vont meme, jusqu'a considerer que le gourou represente la realite supreme. Ce n'est pas la speculation philosophique sur la vraie nature du monde physique, qui determine le comportement religieux de la majorite des gens. Beaucoup d'hindous ont accepte de venerer leur gourou, ou un autre etre humain, sans pour autant consentir a venerer ses reliques corporelles apres sa mort. Pourquoi? Troisieme reponse: Le cadavre est une source de pollution dans l'hindouisme Une autre dimension de l'hindouisme semble a meme d'expliquer ce qui empeche les hindous de venerer les reliques de leurs saints: l'accent omnipresent sur la purete rituelle et sur son oppose, la pollution rituelle. Louis Dumont a fait valoir la grande importance de ces concepts, et dans quelle mesure ils font partie d'une ideologie coherente qui permet de comprendre plusieurs aspects de la societe hindoue, presente et passee. Pour citer Robert Deliege (1993: 55-56): Comment expliquer qu'un homme urine accroupi, mange de la main droite en jetant sa nourriture dans la bouche, ferme la porte de la chambre du dieu lorsqu'il y a un mort dans la maison ou encore qu'il se rende chez certaines personnes avant de prendre son bain? C'est la pollution rituelle qui permet d'expliquer tous ces 2 3 4 5 Cp. Snellgrove, 1978: 13 sq. Voir, par exemple, les articles reunis dans le tome Constructions hagiographiques dans le monde indien: Entre mythe et histoire, sous la responsabilite de Francoise Mallison (2001). Cf. Hulin, 2001: 18 sq. Cette absence de culte pour les restes physiques de sages s'etend aux lieux avec lesquels ils ont ete en contact. Voir Michaels, 2003: 367-368: _ heilige Orte im hochtraditionellen Hinduismus (verbinden sich) nur selten mit historischen Ereignissen. ... Die hinduistischen Pilgerkarten fuhTen selten zu Station von Heiligen. Orte, an denen sich Kabir, Tulsidas oder Samkara aufgehalten haben sollen, werden nicht in die Prozessionslisten aufgenommen Bharati, 1963: 150. 7 8 Cp. Steinmann, 1986: passim, 1988 Eugene Burnouf disait deja en 1844: J'ai... quelque peine a comprendre comment les Brahmanes auraient permis que l'on venerat des restes aussi miserables a leurs yeux que les os d'un cadavre consume sur le bucher. On sait l'horreur invincible qu'ils eprouvent pour tout ce qui a eu vie, et les soins qu'ils prennent de se purifier, quand ils rencontrent un de ces objets dont la Vue seule est pour eux une souillure. (Bumouf, 1876: 314 315) 6
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde comportements et de multiples autres aspects de la vie quotidienne. Sans s'y referer, il serait impossible de donner un sens a la vie sociale des hindous. Or, la source la plus forte de pollution est la mort. Toute personne qui entre en contact avec un cadavre est pollue, et les traites de loi du brahmanisme classique foisonnent de regles concernant les facons de se liberer de cette pollution, et la duree d'une telle procedure. La presence d'un cadavre dans un village pollue tout le village, et ceux qui le touchent restent impurs pour un certain temps. Dans la tradition brahmanique, pour citer Charles Malamoud (1982:441), les ceremonies funeraires ... paraissent n'avoir d'autre raison d'etre que de donner une reponse, abondante, minutieuse, acharnee, a cette question que la collectivite se pose quand elle est en presence d'un cadavre: comment s'en debarrasser? Cette horreur vis-a-vis de tout ce qui touche a la mort a des origines anciennes. Les ceremonies funeraires prescrites dans les textes vediques et para-vediques en temoignent. Resumant les recherches de ses predecesseurs, Andre Barcau (1975: 164-165) en donne la description suivante: >>Une seule ceremonie est accomplie aupres du tombeau apres son erection, et tous ses details, precis et nombreux, ont clairement pour seul but de separer le mort des vivants en l'empechant de sortir du tumulus, de retrouver le chemin de sa maison pour revenir importuner ses parents et amis et les souiller de sa presence impure et redoutable. Apres cela, les proches quittent cet endroit inquietant pour n'y plus revenir et procedent, rentres chez eux, a des rites de purification. Toutes les ceremonies funebres, designees sous le nom collectif de draddha, qui seront accomplies ensuite pendant des annees, le seront en des lieux divers mais toujours differents de celui du smasana (ie, tumulus, JB] et loin de ce dernier, qu'on laissera tomber peu a peu en ruine sans l'entretenir et meme sans le visiters. Ailleurs dans ce meme article, Bareau contraste l'attitude des brahmanes vediques avec celle des bouddhistes, deja pour la periode ancienne (p. 164): >>Si les brahmanistes visent a bien separer le smasana, demeure du mort, du monde des vivants en l'eloignant, en le cachant, les bouddhistes veulent au contraire que le stupa soit installe au milieu des vivants, qu'il puisse etre vu chaque jour par un grand nombre de ceux-ci, afin que les gens pensent alors au personnage dont il contient les ossements<<. L'opposition entre l'hindouisme et le bouddhisme quant a leur attitude envers les morts semble remonter a une date encore plus ancienne, anterieure au boud dhisme. Un' texte vedique, le Satapatha Brahmana (13.8), contraste les tumulus quadrangulaires, qui sont les tumulus corrects, aux tumulus circulaires des gens demoniaques (ou wdemonophiles) de l'est. Les specialistes s'accordent a croire que ce passage ferait mention du stupa bouddhique, ou plutot de son predecesseur pre-bouddhique." Les textes bouddhiques, quant a eux, ne cachent pas que le stupa n'est pas une invention du bouddhisme. Bien au contraire, ils declarent que les funerailles du Bouddha suivent l'exemple de celles d'un roi puissant. Les funerailles du Bouddha appartiennent de cette facon a une tradition plus ancienne que le bouddhisme et different du vedisme. Cela ne surprend pas si l'on prend en consideration que le bouddhisme - tout comme le jainisme, l'ajivikisme et d'autres courants religieux dont nous ne connaissons souvent pas les noms - est issu d'un mouvement general qu'on appelle frequemment mouvement des sramanas. Cette appellation peut donner lieu a des confusions: un sramana est un ascete, tandis que tous ceux qui appartenaient au mouvement des sramana n'etaient pas des ascetes. L'expression est pourtant utile pour designer les milieux d'ou sont issus certains types d'ascetes, parmi eux les bouddhistes, les jainas et d'autres encore. Le mouvement des Bramana se distingue des milieux vediques de plusieurs manieres. Nous nous bomerons a mentionner ici leur croyance en l'efficacite des actes: tout ce qu'on fait porte un fruit, bon ou mauvais, dans cette vie ou dans une prochaine. Le cycle de la retribution des actes ne se termine qu'au moment ou l'on atteint la liberation absolue. L'ideologie de ce mouvement n'a pas manque d'influencer la pensee vedique, comme en temoignent les upanisad. Le bouddhisme, ainsi que la pratique de construction de stupa, sont donc integres a une tradition d'origine ancienne, qui comprend egalement d'autres courants religieux tels que le jainisme. La veneration de stupa est effectivement un trait qui caracterise le jainisme aussi, meme si ce trait ne s'y est pas impose sur la meme echelle que dans le bouddhisme." On peut en conclure que le mouvement des 11 Cf. Kottkamp, 1992: 10; Witzel, 1997: 310, 2003:46. D'apres Witzel (2003: 56) ces tumulus cir culaires ferinner) an die zentralasiatischen Kurganeu. 11 ajoute: Wahrscheinlich haben wir es hier mit einem spltvedischen iranischen Einfluss zu tun. Hypothese contestee par Fussman (2003: 803 n. 53): On ne peut pas dire que le kourgane survive dans le stupa bouddhique, mo nument d'origine funeraire certes, mais qui apparait fort tard en Inde (pas avant le Ve siecle avant notre ere) et ne peut donc deriver des kourganes du ll millenaire avant notre erew 12 Smith, 1901, Shah, 1955: 43 sq. esp. pp. 59 sq. Dundas (2002: 291 n. 4) fait remarquer que des stupa furent regulierement eriges durant la periode medievale tardive pour honorer des moins jalna eminents decedes. Dundas (a paraitre) attire l'attention sur la position problematique du stopa et du culte de reliques au sein du jainisme, et pose la question s'il s'agit d'un emprunt au bouddhisme, cette question ne se pose pas si on a affaire, comme nous le croyons, a un trait que le jalnisme a herite de la tradition a laquelle il appartient. Irwin (1979: 799) rappelle l'histoire d'apres laquelle le roi bouddhiste Kaniska venera, par erreur, un stipa jaina. Schopen (1996: 568 f.) refere a un texte dans le canon bouddhique en pali (Digha et Majjhima Nikaya) qui parle d'un thtipa (ser, stupa) en connexion avec Nigantha Nataputta, le fondateur du jainisme. Les textes bouddhiques parlent egalement du stupa de Purana, l'un des heretiques du bouddhisme souvent 9 Kane, HistDh IV p. 282, 289. Ce meme auteur enumere un certains nombre de traites qui s'oc cupent de l'impurete, el conclut avec les mots (p. 273): These exhaustive treatises on sauca (impurete, JB) show one thing unmistakably that bralunanas of the medieval ages attached an extremely exaggerated importance to ceremonial purity of the body on birth and death 10 Strong (2004), citant d'autres auteurs, presente le point de vue selon lequel les reliques nere presentent pas exclusivement la mort, et que leur enchassement cherche a mettre fin aux aspects polluants de la mort en soulignant les themes de purete, de regeneration et de permanence. Aucun exemple de vient cependant soutenir cette these pour l'hindouisme.
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde Sramana se distingue du vedisme et s'y oppose encore a d'autres egards. La distinction qui nous interesse en ce moment, l'attitude tout a fait differente envers les reliques du cote de l'hindouisme d'une part et du bouddhisme de l'autre, s'explique donc largement par les origines distinctes de ces deux religions. Soit dit en passant, l'ideologie de la purete rituelle est a la base du systeme des castes, et nous avons vu que cette ideologie a des origines anciennes. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre les arguments des bouddhistes a l'encontre du statut special que s'arrogent les brahmanes dans la societe. Il s'agit la non pas, ou pas exclusivement, d'un conflit d'idees concernant l'organisation ideale de la societe, mais du rejet par les bouddhistes de la conception d'une purete rituelle dont les brahmanes pretendaient etre les detenteurs privilegies. Un sermon ancien qui decrit la rencontre entre le Bouddha et un brahmane du nom Ambasta (pali Am. bartha) le montre clairement." Pour commencer, le brahmane refuse de s'asseoir a cote du Bouddha en raison du statut presume inferieur de ce dernier, accusant le clan du Bouddha d'etre inferieur. Le Bouddha, a son tour, explique que le brahmane Ambasta est en realite le descendant d'une esclave et de son propre enfant noir impur. La discussion toume autour de la superiorite, liee a la purete, des brahmanes; le Bouddha n'accepte ni l'une ni l'autre. Un autre sermon - l'Aggatha Sutta - traite egalement du fosse qui separe les brahmanes de toutes les autres couches de la societe. Les brahmanes, y lit-on, sont purs, tandis que les autres ne le sont pas. Une fois de plus, le Bouddha ne partage pas cette opinion." Il faut cependant rester circonspect. L'histoire des religions indiennes est complexe. Elle se laisse pourtant comprendre, du moins partiellement, comme le resultat d'une interaction constante entre les deux grandes traditions que nous venons de mentionner: la tradition vedique et le mouvement des sramana. La tradition ve. dique apparait comme le grand gagnant de cette rencontre. C'est elle qui s'est imposee jusqu'au point ou pratiquement toutes les expressions religieuses indigenes de l'Inde d'aujourd'hui se reclament, au moins en theorie, du Veda. N'oublions pas que le bouddhisme a quasiment quitte le sous-continent il y a presque un millenaire. Le jainisme, quant a lui, constitue une petite minorite fort hindouisee. Il semble que le jainisme a en effet completement adopte les exigences de pu rete propres au vedisme, au point de concurrencer les brahmanes eux-memes sur ce terrain. Ce processus a sans doute ete facilite par le fait que le jainisme, lui aussi, se caracterise depuis une periode fort ancienne par l'importance pretee a la purification, meme si la purification jaina etait a l'origine d'une tout autre nature que celle des brahmanes. Cette victoire apparente du vedisme est pourtant trompeuse. Beaucoup de traits qu'on considere comme inseparables de l'hindouisme-comme la croyance en la reincarnation et en la retribution des actes, ainsi que l'accent sur la liberation definitive de ce monde - proviennent directement du mouvement des sramana, et n'ont pas de predecesseurs dans la religion vedique. D'autre part, certains traits qu'on trouve deja dans les textes vediques et para-vediques - comme l'accent sur la purete rituelle - se sont maintenus dans toutes les expressions religieuses qui se reclament du Veda. C'est ainsi que la veneration des reliques dans le bouddhisme continue un trait du mouvement des sramana." Ce trait trouve egalement son expression dans le jalnisme ancien. La plupart des autres descendants du mouvement des sramana n'ont, a l'evidence, pas pu resister a la vedicisation, ou brahmanisation, croissante, s'etant soumis, au moins en theorie, a l'autorite supreme du Voda L'attitude propre au mouvement des sramana a l'encontre des cadavres de personnes jugees saintes semble cependant avoir laisse des traces dans l'hindouisme, comme le devoile la coutume suivante: lors des funerailles de certains ascetes hindous, le cadavre, contrairement a l'usage general, n'est pas incinere, mais enterre. Ce traitement est reserve aux ascetes appeles samnyasin, renoncants qui se trouvent, au moins en theorie, dans la quatrieme et derniere etape de vie selon la schematisation classique du brahmanisme ; certaines sources le limitent aux seuls cadavres des sanyasin adorateurs du dieu Siva. Cette coutume a survecu jusqu'a nos jours. Le Pere jesuite Coeurdoux la decrit dans ses Moeurs et coutumes des indiens, composees en 1777. Cet ouvrage sera a la base du texte publie plus tard par l'abbe Dubois, sans que ce dernier en revele la source. On y trouve les extraits suivants (Murr, 1987: 1: 131 sq.): associe a l'ajvikisme (Bronkhorst, 2003). et sans doute un representant du mouvement des Sramana (Schopen, 1996: 571 sq.). Les plaques ou pierres commemoratives tiennent une place importante au sein du jainisme, voir Upadhye, 1982Settar & Korisettar, 1982. Il est possible que l'erection de piliers ou de pierres commemoratifs trouve elle-meme son origine dans une pratique bouddhique, voir Patil, 1982. 13 Walshe, 1987: 111 sq. Cp. Meisig, 1993, 14 Meisig, 1988: 80 81 15 Le statut des castes ainsi que l'in'efficacite des ablutions conme moyen d'eliminer le demerite restent des themes privilegies dans la critique du brahmanisme par le bouddhisme, voir Eltschin ger. 2000:2003:50, Enomoto, 2002 16 CI Dumont, 1966: 82 n. 25h: sous le rapport des durees d'impurete les Jains apparaissent au Gujerat el concurrence avec les Brahmanes Nagar ... 17 Trainor (1997: 114-115) observe: ...despite the concern for purity and impurity in the Indian milieu in which the Buddhist tradition has its roots, the Buddha's corporeal relics do not appear to carry the connotations of impurity (which one would) expect. The reasons for this must remain, at best, very speculative. Trainor ne prend pas en consideration que les racines de la tradition bouddhique ne se trouvent justement pas dans le milieu indien od purete et impurete jouent un role central. 18 On trouve une breve mention de cette coutume dans un traite francais qui date d'environ 1700 Caland, 1923: 153): ... quelques jougui... ils les enterrent dans un tronc rond, ou ils les mettent accroupis, les genoux ployez, les couvrant de terren
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde 57 Le mort est place les jambes croisees et assis dans une large corbeille que quatre Bralmes portent Suspendue avec des cordes, au moven d'un long et gros baton jusqu'a la fosse qu'on a prepare proche d'une riviere, s'il y en a dans le voisinage. Cette fosse est creusee en puits de la hauteur d'un homme. On commence par le remplir a moitie de sel sur lequel on place le Saniassis dans la meme posture qu'on l'avait apporte, c'est-a-dire, assis les jambes croisees. On jette de nouveau jusqu'au cou du cadavre une grande quantite de sel qu'on presse bien tout autour: Ce qui est suivi d'une ceremonie bien bizarre. On casse sur la tete du mort une grande quantite de cocos, jusqu'a ce qu'elle soit elle-meme totalement fracassee, apres quoi on jette encore du sel dans la fosse, en sorte que la tete en soit totalement couverte. On eleve au-dessus d'elle avec de la terre une sorte d'estrade haute de cinq palmes, et sur cette estrade on form un lingam haut de trois palmes. Il est consacre par les mantram des Brahmes pres ents, et on lui offre des lampes, des fruits, de l'encens et surtout du paramannam. C'est un excellent met au gout des Brahmes compose de riz-cuit, de cocos et de sucre. Ces offrandes sont ac compagnees des louanges de Vichnou que les Brahmes font retentir. La ceremonie se termine ainsi: Celui qui a ete le president et le conducteur fait trois fois le tour du nouveau lingam, apres quoi il lui fait une inclination, ayant les mains jointes. Il fait des souhaits en faveur du mort, afin que par le sacrifice fait au lingam, il soit parfaitement assasie, qu'il soit agreable a Chiva et que Brahma le recevant dans son monde, il ne soit plus oblige de renaitre en celui-ci. Apres quoi il repand a terre un peu de riz et d'eau. Certains tombeaux de ces Brahmes-Saniassis sont assez fameux pour qu'on y fasse des voeux et des offrandes. Il paroit qu'on les regarde comme des especes de divinites. Le traitement reserve aux cadavres de ces samunyasin doit retenir notre attention, parce qu'il est en opposition totale a ce que nous savons de l'attitude brahmanique a l'egard de la mort. Il est pourtant clair qu'il s'agit d'une coutume ancienne, parce certains textes vediques auxiliaires en parlent deja utilisant parfois le terme parivrajaka plutot que sarnyasin). Cependant, le nombre de textes vediques auxiliaires qui mentionnent ce phenomene n'est pas tres eleve. Et, fait revelateur, la grande History of Dharmasastra de l'erudit indien Pandurang Vaman Kane-ouvrage gigantesque qui couvre en plus de 6500 pages tout ce qui concerne les lois et les coutumes du brahmanisme - ne reserve au destin du cadavre du samtydsin que deux pages et demi. Cette coutume est decrite dans deux textes anciens: le Baudhayana-pitsmedha-sutra et le Vaikhanasa-grhya-sutra, ainsi que quelques textes plus recents, parmi lesquels Kane mentionne en particulier le Smrtyarthasara. Les prescriptions contenues dans ces textes ne devient pas trop du recit du Pere Coeurdoux. Le Vaikhanasa-grhya-sutra 10.8, que Kane ne mentionne pas dans ce contexte, stipule que ce rite d'inhumation ne comporte pas d'impurete. Il est suivi sur cette question par le Smrtyarthasara, texte des alentours de l'an 1200.20 Comment expliquer cette serie de traits surprenants? Il est ici necessaire de rappeler que la base historique de l'institution des quatre etapes de vie du brahmanisme classique est la rencontre des deux traditions initialement independantes que nous connaissons, a savoir la tradition vedique et le mouvement des sramana. La quatrieme etape en particulier est le resultat d'une synthese de deux ideaux ascetiques a l'origine tres differents: d'un cote le vicillard vedique qui renonce a tout ce qu'il possede pour terminer ses jours comme quelqu'un qui socialement parlant est deja mort de l'autre cote le mendiant errant qui cherche a decouvrir vraie nature de son ame. Le deuxieme type d'ascete appartient au mouvement des sramana, le premier a la tradition vedique. Le cadavre du renoncant vedique ne merite aucune consideration speciale : celui du mendiant errant qui a decouvert la vraie nature de son ame le contraire. Il semble justifie de croire que la pratique d'inhumer des ascetes du type samnyasin continue une vieille coutume dont l'origine se trouve dans le mouvement des sramana, une tradition dans laquelle on ne trouve pas l'impurete liee au cadavre qui caracterise le brahmanisme, et dans laquelle la veneration du tombeau d'un saint etait coutumiere. Considere ainsi, le traitement reserve aux sanyasin jusque dans l'Inde moderne est une expression de la meme tradition que la veneration de stupa qu'on trouve dans le bouddhisme et dans le jainisme ancien. Il est peut-etre surprenant que le cadavre du samnyasin ne soit pas incinere, et il est vrai qu'une explication de cette divergence serait la bienvenue. Il n'en reste pas moins que la pratique de venerer des cadavres est un point commun a la tradition des sarunasin et au bouddhisme, qui nous permet de postuler une origine commune. Le Vaikhanasa-grhya-sutra 10.8 confirme les remarques faites ci-dessus au sujet de la double origine des sarunyasin. Ce texte distingue deux types de sainya sin, celui qui a et celui qui n'a pas etabli le feu sacre. Pour en revenir au bouddhisme, je terminerai cette section sur quelques remarques au sujet des propositions faites par d'autres chercheurs dans le but de prouver que le culte du stupa continue certains traits de la religion vedique plutot que des traits appartenant a une autre tradition. Paul Mus, dans les annees trente, a essaye de mettre en evidence l'analogie qui existerait entre le culte du stupa et le sacrifice brahmanique de l'agnicayana ; l'agni brahmanique, nous dit-il, parait etre l'antecedent le plus direct de la conception qui s'exprime dans le stupa (Mus, 1935: 79 sq.). John Irwin, presque cinquante ans plus tard (1979, 1980, 1984), developpe et modifie les idees de Mus et voit, lui aussi, une continuite entre la religion vedique et le symbolisme du stupa. Les defauts dans les idees d'Irwin ont ete demontres par Gerard Fussman (1986); il n'est pas necessaire d'y revenir. Ce qu'il faut souligner est que la recherche meme d'une continuite avec la religion vedique se base sur la conviction prealable que le bouddhisme est, au fond, un developpement de la religion vedique. Le fait que, bien au contraire, il appartient a 19 Caland, 1927: 139, 1929: 220. 20 Kane, HistDh IV p. 229 sq. Voir egalement Eliade, 1954: 409 410 (L'enterrement des ascetes) 21 Bronkhorst, 1998: Part 1 22 L'explication officielle pour l'absence d'incineration du cadavre du som sin est, bien entendu, que le sannsin s'est deja incinere symboliquement au moment de sa renonciation.cp. Bronkhorst, 1998 ch. 2, Parry, 1982: 82, 96 sq.
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________________ Johannes Bronkhorst un tout autre courant religieux est une bonne raison de refuser telle ou telle >>explication<< de cette continuite putative." 58 2. Comment le bouddhisme a-t-il reagi aux resistances hindoues contre le culte des reliques corporelles? 2.1 L'explication historique que nous venons de proposer pour la presence de reliques dans le bouddhisme et leur absence de l'hindouisme souleve quelques questions. L'appartenance originale du bouddhisme a une tradition differente du vedisme tradition que nous appelons le mouvement des sramana - explique le fait que le bouddhisme ne rejette pas comme impures les restes du cadavre du Bouddha. Dans la confrontation des deux traditions c'est la tradition vedique qui a pris le dessus, du moins pour ce qui est de l'importance attribuee a la purete rituelle. Il reste une question incontournable: Le bouddhisme n'a-t-il pas ressenti la pression croissante de cette ideologie qui met tout l'accent sur la purete rituelle? Les bouddhistes ont-ils pu continuer a pratiquer la veneration d'os, de dents, de cheveux et d'autres parties de cadavres dans un contexte ideologique qui prescrit l'absence de contact avec ce genre d'objets? La presence d'une telle pression est confirmee par un passage appartenant a un texte portant sur la discipline monastique (le Mulasarvastivada-vinaya). Dans ce passage certains bouddhistes sont accuses de ne pas se purifier apres avoir touche un cadavre. Cette accusation donne lieu a la formulation d'une regle d'apres laquelle les moines qui ont touche un cadavre doivent se laver eux-memes aussi bien que leurs vetements. Une recente etude de ce passage arrive a la conclusion qu'il constitue une sorte de reponse bouddhique a la preoccupation brahmanique quant a la purete rituelle. Ailleurs le meme texte prescrit l'exclusion de la vie communale monastique pour les moines qui habitent un cimetiere; ici aussi, la peur de pollution liee a la proximite des cadavres empruntee au brahmanisme est manifeste.25 Notre souci est de determiner dans quelle mesure l'attitude face aux reliques en Inde, elle aussi, peut etre comprise comme une reaction a cette meme preoccupation brahmanique. 2.2 Si la section precedante s'est concentree sur le contraste qui existe entre le culte des reliques au sein du bouddhisme et son absence dans l'hindouisme, une reponse aux questions que nous venons de formuler peut profiter du contraste qui 23 Les idees de Mus continuent a inspirer les chercheurs; voir, p. ex., Reynolds, 1981; White, 1986; Urubshurow, 1988; Strong, 1992. 24 Schopen, 1992: 215 sq. 25 Schopen, 1995: 474; a paraitre. Les reliques dans les religions de l'Inde existe entre le culte des reliques dans le bouddhisme indien et celui dans le bouddhisme dans d'autres pays; plus precisement: entre le culte des reliques dans les domaines domines par le brahmanisme et ailleurs. En particulier, il est frappant et sans doute significatif que la veneration des reliques dans les regions de pratique du bouddhisme dominees par le brahmanisme ne se presente pas sous certaines formes que l'on rencontre pourtant dans d'autres regions. On trouve hors du souscontinent indien et dans les regions qui n'etaient pas sous l'emprise du brahmanisme un acces aux reliques qui semble absent des regions de l'Inde ou le bouddhisme cohabitait avec le brahmanisme. Par exemple, la dent du Bouddha qu'on preserve a Ceylan, dans la ville de Kandy, est l'objet d'un culte durant lequel elle constitue l'element central de rites qui representent le Bouddha lave, habille, et nourri. La dent, dans son reliquaire, sort de son palais a certaines occasions." Elle est, ou etait, montree aux devots lors d'occasions speciales." Cet acces a la relique pourrait continuer une tradition locale, si l'on en croit le temoignage d'un texte ceylanais ancien, le Mahavamsa. Celui-ci rapporte que le roi Dutthagamani avait place une relique du Bouddha dans une lance de ceremonie afin qu'elle le protege lors de ses campagnes militaires.29 Si l'on prend ce texte a la lettre, il parle d'une proximite face aux reliques qui le distingue de ce que nous connaissons dans l'Inde classique. Un chercheur moderne rapporte qu'on lui a effectivement montre, a Ceylan, les reliques dans un village rural.30 Il semble aussi que, toujours a Ceylan, la possession de reliques devienne de nos jours un phenomene repandu parmi les laics." 26 Seneviratne, 1978: 41 sq.; cp. ER 12, p. 280. A noter que la relique elle-meme n'est pas touchee (>>the Dalada is so sacred that it is not possible for anyone to touch it<<, Sneviratne, 1978: 59). D'apres Trainor (1997: 96), la dent se trouvant a Kandy represente un cas special, la plupart des reliques se trouvant dans des stupa. Pour une analyse plus approfondie du traitement des reliques a Ceylan, il faudrait prendre en consideration qu'il existe egalement un systeme de castes a Ceylan qu'on considere souvent comme une variation du systeme indien et au sein duquel les degres de purete et d'impurete jouent un role; voir Seneviratne, 1978: 9 sq.; Ryan, 1953 (p. 8: >>The most significant factor for an understanding of Sinhalese caste structure is not, as is commonly supposed, that the Sinhalese preserved Buddhism, but that the Sinhalese did not preserve the Brahmin<<; p. 17: >>There is... some doubt as to whether the Sinhalese have ever known the plethora of cultural differences, injunctions, tabus, and discriminations which have been the most sensational parts of the Hindu social organization<<); Gombrich, 1971/1991: 345 sq. (p. 345-46: The Sinhalese caste system is historically and conceptually related to the Indian but there are fewer castes, and there is less scope for ritual pollution through the violation of caste tabus than in India<<.) 59 27 Tambiah, 1984: 74, Seneviratne, 1963. Cette dent a beaucoup voyage, egalement en periode historique; voir Strong, 2004: ch. 7. 28 Hocart, 1931: 1. 29 Greenwald, 1978; Trainor, 1997: 110 sq. Cp. Bretfeld, 2001: 109 sq., 126. 30 Gombrich, 1971/1991: 126 31 Trainor, 1997: 196.
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________________ Johannes Bronkhorst En Chine egalement les sources confirment que l'acces aux reliques n'etait pas inhabituel. A Ch'ang-an, par exemple, quatre dents etaient montrees chaque annee au public. Le pelerin Ennin rapporte en avoir vue une et meme l'avoir touchee en 841. L'exposition d'un os du Bouddha, moins frequemment montre, fut l'occasion de scenes d'extase." Ennin rapporte egalement avoir vu, lors de ses voyages en Chine, le crane d'un saint bouddhiste (Byakushi Buddha, 'sanscrit pratyekabuddha), des os du Bouddha dans une bouteille de lapis-lazuli (p. 235), une dent d'un saint bouddhiste, des reliques du corps du Bouddha (p. 252-53), et avoir venere des os du Bouddha qu'un autre moine avait apportes dans ce but (p. 288-89). L'exhumation, exposition publique et transport vers le palais imperial d'une relique du Bouddha (l'os d'un doigt) furent repetes a cinq reprises sous les Tang a partir du septieme siecle; la reaction du public fut parfois passionnee." En Chine, au Tibet et au Japon on trouve en outre des momies de moines qui font l'objet de veneration." En Asie du sud-est il etait et est toujours coutumier de pouvoir contempler des reliques directement." 2.3 Les temoignages de pelerins chinois bouddhistes en inde confirment en general le contraste qui distingue les parties du sous-continent teintees par le brahmanisme d'autres regions bouddhiques. Faxian entre le sous-continent par le nord-ouest vers l'an 400 et y passe ensuite une quinzaine d'annee en voyageant, pour enfin visiter Ceylan. Il rapporte la manipulation de reliques physiques du Bouddha comme ayant lieu dans le nord-ouest extreme (Nagarahara, l'actuel Jalalabad," Afghanistan) et a Ceylan, mais non pas dans les parties centrales du sous-continent.38 L'autre grand voyageur dans l'Inde bouddhique, Xuanzang, mentionne toute une serie de reliques du Bouddha, la plupart d'entre elles cachees a l'interieur de stupa. Par contre, la plupart des reliques qu'il a pu voir, ou que, d'apres lui, on avait l'habitude de montrer au public, se trouvent dans le pays de Baktra (Bactriane), et dans un monastere au sud-est de Bamiyana (Afghanistan)." L'absence du brahmanisme 32 Reischauer, 1955: 301. Cp. Strong & Strong, 1995. 33 Ch'en, 1964: 279 sq.; 1973: 267 sq.; Dubs, 1946; cp. ER 12, p. 281. 34 Chen, 2002: 43 sq., 98 sq. 35 Demieville, 1965; Sharf, 1992; Faure, 1991: 148 sq 36 Barthes, 1952; Strong, a paraitre. 37 Cunningham, 1871: 37 sq. 38 Li, 2002: 171 sq.; 206 sq.; Legge, 1886: 36 sq.; 105 sq.; Demieville, 1937: 204. Cp. Wang, 1984: 243. 39 Li, 1996: 33, 38 sq. A noter que l'inscription de Senavarma, qui date du milieu du premier siecle de notre ere et appartient a la region frontaliere situee entre le Pakistan et l'Afghanistan, semble dire que ce roi avait fait distribuer une relique du Bouddha (Hinuber, 2003: 21: >>Senavarma... hat... die (Reliquie?) weithin verteilen... lassene (vivula vestario... karita/vipula vaistarika.... karita)). L. Behrendt (2004:30-31) attire l'attention sur l'existence de direct-access relic shrines et direct-access main stupas dans la region de Gandhara. Les reliques dans les religions de l'Inde dans la Bactriane de l'epoque est bien connue," et sa faiblesse dans les regions avoisinantes, particulierement au Gandhara, semble probable." Pour le milieu du troisieme siecle avant notre ere, Emile Benveniste (1958: 44) conclut - sur la base de son analyse de deux inscriptions arameennes - que le mazdeisme prevalait dans la region entre Qandahar et Taxila. La faiblesse du brahmanisme vedique dans ces regions est par ailleurs confirmee par les textes brahmaniques eux-memes. Plusieurs d'entre eux (Mahabhasya de Patanjali sous P. 2.4.10, vol. I p. 475; sous P. 6.3.109, vol. III p. 174, cp. Deshpande, 1993: 96 sq.; Baudhayana Dharmasutra 1.2.9-17; Vasistha Dharmasutra 1.8-16) delimitent ce qu'ils appellent le domaine 61 40 Voir, p. ex., Staviskij, 1986: 195 sq. 41 Pour une carte du Gandhara, voir HBI carte 4. Il est peut-etre significatif dans ce contexte qu'un passage de l'Assalayana Sutta du Majjhima Nikaya (MN II p. 149) maintient que le systeme des quatre varna n'existe pas parmi les Yona et les Kamboja. (Les Kamboja - d'apres Benveniste, 1958: 45-48 etaient des iraniens de religion mazdeenne, a qui s'adressait l'inscription arameenne d'Asoka a Qandahar. Au sujet de leur nom Witzel, a paraitre, propose la speculation suivante: >>This name may have been the title of the Persian crown prince, from where we perhaps get the name of Cambyses (Old Pers. Kambaujiya). Cette speculation avait deja ete lancee par Charpentier et critiquee par La Vallee Poussin; voir Karttunen, 1989: 145.) La Manusmrti (10.43-44) mentionne les Yavana et les Kamboja ou Kamboja - avec les Dravida, les Saka, les chinois et d'autres comme etant des ksatriya graduellement dechus au rang de sudra faute d'observer la Loi brahmanique (Filliozat, 1981: 116 n. 40). Une inscription d'Asoka constate que les deux classes des brahmanes et des sramana n'existent pas parmi les Yona; Hultzsch, 1925: Rock Edict XIII, Kalsi version, pp. 44-47 (tr. Hultzsch: >>There is no country where these (two) classes, (viz.) the Brahmanas and the Sramanas, do not exist, except among the Yonas<<); Parasher, 1991: 238. La nature de la crainte des brahmanes pour les Grecs s'exprime dans le Yuga Purana (HBI p. 411; strophes 47, 49-50, 55 dans l'edition de Mitchiner, 1986/2002: xvii-xix): >>Ayant conquis Saketa [Ayodhya], les Pancala [Doab] et Mathura, les Yavana mechants et vaillants atteindront Kusumadhvaja [Pataliputra).... A la fin du yuga, il y aura des Anaryens depourvus de religion; Brahmana, Ksatriya, Vaisya et Sudra seront des hommes inferieurs, empruntant les memes vetements et les memes pratiques.... Des Sudra interpelleront les brahmanes par >>Bho!<<<, et les brahmanes les salueront du mot >>Arya<<.<< Cp. Mitchiner, 1990. Il est surprenant que Xuanzang semble inclure Nagarahara et Gandhara dans ce qu'il appelle Indu ou encore le pays des brahmanes en donnant pour raison que les brahmanes - ceux qui etudient les quatre Vedas, etc. - y sont les plus nobles; cf. Li, 1996: 49 sq. Watters (1904-05: 180) fait a ce propos l'observation suivante: Our pilgrim has now reached the territory which he, like others before and after him, calls India. But it is important to remember that the countries which be describes from Lan-p'o to Rajpur both inclusive (ie., Lampa, Nagarahara, Gandhara, Udyana, Balura, Taksasila, Simhapura, Urasa, Kasmira, Parnotsa, Rajapura; JB] were not regarded by the people of India proper as forming part of their territory. It was only by foreigners that these districts were included under the general name India. To the inhabitants of India proper the countries in question were 'border lands" inhabited by barbarians. This was a fact known to Yuan-chuang. Vincent Eltschinger attire mon attention sur un passage du Rajatarangini de Kalhana (I. 307) qui caracterise les brahmanes du Gandhara (gandharabrahmanah) comme etant les plus bas des deux fois nes (dvijadhamah); cp. Mohan, 1981: 213; Witzel, 1985: 54; 1994: 252, 259. Song Yun dit au sujet du Gandhara (comme cite par Witzel, 1994: 251): wall the inhabitants are Brahmans who respect Buddhist teaching and enjoy reading sutras<<; Witzel estime que cette affirmation pourrait trahir le parti pris de Song Yun en faveur du bouddhisme.
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde 63 temps de Patanjali et peut-etre deja avant lui se soit principalement repandu vers l'est et le sud a partir d'une region qui coincide largement avec le dit domaine des Arya," Cette impression est confirmee par des recherches recentes concernant les ecoles vediques. Ces ecoles ont migre vers l'est et le sud, voire le nord (Cachemire," Nepal), mais ne sont jamais semble-t-il retoumees vers le nordouest." Plusieurs textes tardifs du Veda connaissent le Gandhara comme region limitrophe ou eloignee, mais aucune des ecoles vediques ne s'y situe. Les regions du cote ouest du domaine des brahmanes vediques sont peuplees par les meprises Bahika," lit, les gens de dehors. Ce terme bahika est par ailleurs souvent confondu avec bahlika ou balhika," qui designe les habitants de la Bactriane. Les habitants des Arya (aryavarta), La limite occidentale y est indiquee par une expression obscure, qu'on traduit souvent par l'endroit ou disparait la Sarasvati," endroit qui se situe dans le desert (1 har) qui separe l'Inde et le Pakistan actuels. Patanjali, l'auteur du grand commentaire de grammaire (Mahabhasya) qui, lui aussi, donne cette delimitation du domaine des Arya, ajoute une remarque qui nous permet de situer sa limite occidentale de maniere plus comprehensible. Composant son texte au milieu du deuxieme siecle avant notre ere ou peu apres, il specifie - au sein d'une discussion grammaticale technique qui ne peut pas nous retenir - que les Saka et les Yavana habitent a l'exterieur de ce domaine. Comme les Yavana de Patanjali sont les Indo-Grecs, le fait qu'on les mentionne confirme que la limite occidentale du brahmanisme a l'epoque de cet auteur se situait peut-etre quelque part a proximite de la frontiere actuelle entre l'Inde et le Pakistan, excluant le Gandhara et, bien entendu, la Bactriane du domaine vise par Patanjali.** Cette conclusion est renforcee par d'autres textes. Deja le Satapatha Brahmana (9.3.1.24) s'exprime de facon tres negative au sujet des habitants du domaine des sept fleuves qui coulent vers l'ouest, c'est-a-dire le Pafljab." Le Baudhayana Srautasutra enumere les noms de plusieurs tribus qu'un bon brahmane ne doit pas visiter, parmi eux les Aratta et les Gandhara dans le nord-ouest." L'habitation exacte des Aratta reste inconnue, celle des Gandhara par contre est evidemment le Gandhara, region qui se trouve donc hors du domaine des brahmanes orthodoxes a cette epoque." Il semble effectivement que le brahmanisme vedique depuis le 42 P. ex., Olivelie, 20000: 199 (traduction de Baudhayana Dharmasutra 1.2.9). Pour une discussion de l'obscure lecture prag adarsat, voir Olivelle, 2000: 571, note 2.9. 43 La Vallee Poussin (1930: 202) wvoit mal que les Sakas, en 170 ou en 150 avant notre ere, aient pris une importance assez grande pour que cet exemple soit possible, pour qu'ils soient des lors intimement associes, dans l'estime des brahmanes, aux Yavanas. Frauwallner (1960: 108-111 (300-303)) reprend l'argument de La Vallee Poussin et ajoute que Patanjali n'avait aucune raison de mentionner, a cote de peuples eloignes mais indiens, un peuple non-indien, a savoir les Saka Il semble pourtant peu probable que la seule mention de ce peuple nous permette d'avancer la date de Patanjali; cp. Cardona, 1976: 265 sq. Witzel (2003: 95) parle en outre d'une invasion des Saka dans le sud de l'Afghanistan en 140 avant l'ere. En ce qui concerne l'argument de Frauwallner, il ne va pas de soi que pour un habitant du domaine des Aryax a l'epoque l'opposition 'indi en' 7'non-indien' ait eu le moindre sens. 44 En ce qui concerne la limite orientale du bralumanisine, il est interessant de signaler qu'une strophe ajoutee a deux versions du Mahaparinirvana Satra - peut-Etre avant le debut de notre ere - mentionne la presence d'une dent du Bouddha au Gandhara, et d'une autre a Kalinga, vers l'est extreme de l'Inde; voir Bareau, 1971: 331 sq. 45 Cp. Witzel, 1997: 302. 46 BaudhsS 18.13; cp. Witzel, 1987: 202. Le Kevaddha Sutta du canon bouddhique en pali (DN IP. 213) parle d'une science dite de Gandhara (gandhari nama vija; ep. la gandhari nama vida de Abhidh-k-bh(P) p. 424 L 18, sous strophe 7.47), permettant a son detenteur de se multiplier et autres choses 47 Brucker (1980: 147) observe: mit Gandhara [begegnet uns ein Land, das sicher schon sehr froh Kontakt mit den in Nordindien eindringenden inden hatte. Um so erstaunlicher ist es, dass dieses Gebiet, das am Oberlauf von Sindhu und Vitasta zu lokalisieren ist, selbst in der Satrazeit noch nicht in die arische Siedlungsgemeinschaft inkorporiert war. Le noch nicht de Brucker suggere que cet auteur est de l'avis que le Gandhara a ensuite ete incorpore dans le domaine de colonisation aryen; il n'en donne cependant aucune preuve. Witzel (1989: 235) attire l'attention sur un passage du Baudhayana Srautastra (18.44) qui confirme le statut separe du Gandhara et du pays des A/Aratta: il traduit ce passage de la maniere suivante: Ayu went eastward. His (people) are the Kuna-Pacala and the Kasi-Videha. This is the Ayava migration. (His other people) stayed at home in the West. His people are the Gandhari, Parsu and Aratta. This is the Amavasava (group). Cardona et Jain (2003: 33 sq.) n'acceptent pas cette traduction et proposent: Ayu went eastward. Of him there are these: the Kuru-Pacalas, the Kasi-Videhas. This is the going forth of Ayu. Amavasu (went) westward. Of him there are these: the Gandharis, the Sparsa, and the Arattas. This is the (going forth) of Amavas. 48 Bodewitz (2002:222) parle du Veda Belto. 49 Voir, p. ex., Witzel, 1981 &1982, 1985, 1987. Witzel (1990: 31) resume ainsi le resultat de ses etudes anterieures au sujet des dialectes vediques anciens: These post-Rgvedic dialects can first he noticed in Kuruksetra and its surroundings and later on in all of Northern India, from the Beas in E. Panjab to the borders of Bengal. Cp. Witzel, 1985: 45. Fur eine Beurteilung der Verbreitung des Einflusses von vedischen Brahmanen im Mittelalter ist zunachst von Bedeutung, dass sich hier eine ursprunglich auf das zentrale (und dann auch Ostliche und sidwestliche) Nordindien begrenzte Tradition zu einem unbekannten Zeitpunkt (jedenfalls vor der Mitte des 1 Jud.n.Chr.) nach Osten und vor allem uber den Vindhya hinweg nach Sudindien ausgebreitet hat. Egalement Witzel, 1989: 103 n. 12. 50 Sur l'immigration de brahmanes au Cachemire, au debut a partir du centre de l'Aryadesa de Manu, voir Witzel, 1994: spec. p. 259 sq. 51 Witzel (1981: 116 n. 25) se demande s'il y a eu des missionnaires des protagonistes vediques qui ont fait le deplacement vers le nord-ouest pour y repandre des idees sur le rituel, cette supposition reste pourtant sans preuve. 52 Le Yajurveda-Vrksa mentionne plusieurs ecoles qui se trouveraient yavanadese. Witzel (1982 192), qui fournit cette information, rappelle que les dates de composition des versions de ce texte restent inconnues. Il suggere qu'il pourrait s'agir du Panjab grec, ou des regions du Sind, plus tard egalement du Panjab, occupees de bonne heure par les musulmans. 53 Witzel. 1987: 202 n 100 considere Bahika comme une sorte de sobriquet, les vrais noms etant Aralja et Madra. Voir egalement Witzel, 1989: 128, avec notes 66 et 67 54 MW p. 730 s.v. bahika.
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde 65 du Gandhara sont decrits dans le Mahabharata comme etant en dehors du systeme des vama, comme des pecheurs. Il est egalement significatif que les recits occidentaux distinguent nettement entre les regions s'etendant vers l'est de l'Indus et celles s'etendant vers l'ouest. C'est ainsi que L'Inde de Arrien contient la remarque suivante: Le territoire qui s'etend vers l'est a partir de l'Indus, je l'appellerai l'Inde, et ses habitants, les Indiens. Quant aux peuples qui habitent les regions a partir de l'autre rive de ce fleuve, ce texte dit: >>Le territoire qui s'etend vers l'ouest depuis le fleuve Indus jusqu'au fleuve Kophen est habite par les Astakenes et les Assakenes, deux ethnies indiennes. Mais ces hommes ne sont pas d'aussi grande taille que les Indiens qui demeurent en deca de l'Indus, et ils n'ont pas le coeur aussi vaillant ni le teint aussi noir que la majorite des Indiens... Les descriptions qu'Arrien nous donne des classes indiennes, parmi elles la classe des sages, dont la seule obligation est d'offrir des sacrifices aux dieux au nom de la communaute (Charvet, 2002:49), ne concernent donc que les regions qui s'etendent vers l'est de l'Indus, et non pas le Gandhara, et certainement pas la Bactriane." En ce qui concerne l'histoire de l'art du Gandhara, Mario Bussagli (1984/1996: 457) dit, apres une analyse de plusieurs objets d'art: >>Tout ceci nous parle d'une pensee religieuse en ebullition qui se developpe en termes plus iraniens qu'indiens et qui ... confere des notations, que je definirais comme irano-centrasiatiques, a la religion integree par le langage gandharien, qu'elle soit bouddhique, sivalte ou autrex La faiblesse, voire l'absence de la tradition vedique dans l'extreme nord-ouest du sous-continent, en combinaison avec la forte presence du bouddhisme, est sans doute un facteur qui nous permet de comprendre la presence et l'accessibilite de reliques bouddhiques dans ces regions. Dans le reste de l'Inde cette accessibilite etait beaucoup plus reduite, et la veneration des reliques eut tendance a laisser la place a d'autres cultes. Il reste cependant des traces de ce culte des reliques dans les recits, inscriptions et representations anciennes (van Kooij, 1990). Xuanzang, au septieme siecle de notre ere, nous rapporte quelques cas ou l'on montrait au public des reliques du Bouddha dans les parties centrales de l'Inde. C'est ainsi que, dans la ville de Kanyakubja, capitale du roi Harsavardhana, on exhibait une dent du Bouddha. Et dans le monastere Mahabodhi, construit par un ancien roi du Ceylan, non loin de l'arbre sous lequel le Bouddha avait atteint l'illumination, on montrait des reliques ayant la forme d'os et de chair. Il est seduisant de penser que le lien d'un cote avec le puissant roi bouddhiste Harsavardhana et de l'autre avec l'influence ceylanaise explique le culte ouvert des reliques dans une ambiance qui semble avoir de plus en plus de reserve par rapport a cette pratique. 2.4 Il est important de ne pas exagerer l'acces public aux reliques dans les pays bouddhiques autres que l'Inde. John Strong (a paraitre) souligne a juste titre que leur acces y est moins ouvert que dans le christianisme occidental. Cela ne change pourtant rien au fait qu'un contraste remarquable existe a cet egard entre le bouddhisme indien dans les regions de forte presence brahmanique) et le bouddhisme ailleurs. Les reliques bouddhiques en Inde, a ce qu'il semble, restent le plus souvent couvertes et cachees. On peut ajouter a cela la tendance indeniable du bouddhisme indien a eclipser l'attention portee aux restes du cadavre du Bouddha (ou d'autres saints), ou meme a son corps vivant, au profit de symboles qui les representent. Nous en regarderons quelques exemples dans un instant Les historiens de l'art savent depuis bien longtemps que l'on ne trouve pas d'images du Bouddha dans l'art bouddhique ancien, quoique celui-ci contienne beaucoup d'images d'autres figures humaines et divines. C'est ce qu'on appelle a tort 55 P.ex., Mhbh 12.65.13 ff: 200.40-41. 56 Charvet, 2002: 31, 33, cp. Wirth & Hinuber, 1985: 614 sq 57 Cf. Thapliyal, 1979: 4: during the greater part of the centuries immediately preceding the Chris tian era the Indus appears to be the substantial western boundary of India. La raison de cette faible presence du brahmanisme dans la region meme ou avaient ete composes ses textes les plus sacres reste obscure. Un lien avec son appartenance politique a l'empire achemenide durant plu. sieurs siecles, suivie d'une domination grecque el ensuite 'barbare jusqu'au quatrieme siecle de notre ere ne peut etre exciu. (Cp. Fussman, 2003: 811: son sait que les hymnes du Rig Veda furent fixes au Panjab, depuis longtemps lerre impure pour les hindous car peuplee de siecle en siecle par de nouvelles vagues de migrants non hindous venus du norde.) Sur la politique religieuses de Darius ler, voir Pirart, 2002. La menace que ces etrangers posaient pour le systeme des vama trouve son expression dans plusieurs passages purdiques, voir Parasher, 1991: 240 ff., ainsi que le passage du Yuga Purana cite plus haut, note 41. Gonzalez-Reimann (2002: 99) attire l'attention sur le fait que certains passages du Mahabharata assimilent les souverains etrangers a la fin du monde. Il semble bien que la periode kali depeinte dans les Purana - periode qui se caracterise premierement par son manque de respect pour les brahmanes - correspond a cette meme epoque, voire la meme region de l'Inde; cp. Hazra, 1940: 208 sq. Il est egalement interessant que l'archeologue Jonathan Mark Kenoyer - dans une communica tion (New perspectives on the Mauryan and Kushana periods) qui etait prevue pour le congres Between the Empires& tenu a Austin (Texas) en avril 2003 - plaide en faveur d'une presence d'elements indigenes dans la vallee de l'Indus independants des Achemenides de l'ouest et du bassin gangetique de l'est, jusqu'une epoque posterieure aux Mauryas. 58 Dans l'opinion de Schopen (1985: 26 sq.) un passage du Molasarvastivada Vinaya preserve le souvenir d'un temps ou les reliques etaient objets de veneration directe, sans l'intermediaire de stupa. Strong (2004) plaide pour une interpretation plus mitigee de ce passage: a la fin de l'histoire concernee c'est un stupa qui est cree. 59 Li, 1996: 150, 258 60 Strong (2004:10 sq) attire egalement l'attention sur le fait que dans plusieurs pays bouddhiques ce ne sont pas les veritables os qui constituent les reliques, mais plutot des perles, de taille et cou. leur variees, qu'on trouve dans les cendres du feu crematoire ou ailleurs, Strong evoque la possibilite que ces perles puissent etre une reponse aux craintes de pollution dans les civilisations qui considerent tout contact avec un cadavre comme etant impur, il ne donne pourtant aucun exemple du culte de ces perles de l'Inde continentale, ce qui suggere que cette reponse n'y a pas ete adoptee.
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________________ Les reliques dans les religions de l'Inde Johannes Bronkhorst avait le soutien de tous, laics aussi bien que monacaux. Les regles qui prescrivent la construction du premier stupa partent, bien entendu, d'une situation sans stupa, mais il pourrait s'agir d'une situation imaginaire sans correspondance dans la realite. En depit des remarques precedentes, la question de l'existence d'une periode 'pre-stupa' durant laquelle les fideles bouddhistes auraient venere des reliques qui n'etaient pas encore enchassees dans un stupa reste donc hypothetique ou a raison, l'aniconisme de l'art ancien bouddhique. Les bas-reliefs de plusieurs stupa anciens (Bharhul, Sanci, Amaravati) depeignent des scenes de la vie du Bouddha (avant et apres son eveil), parmi lesquelles sa naissance, son eveil, sa premiere predication et sa mort occupent des positions centrales. Dans toutes ces scenes, qui sont riches en personnages varies et multiples, le Bouddha est absent. On y trouve, d'autre part, des objets qui permettent d'identifier les scenes: l'arbre sous lequel l'eveil a eu lieu pour les scenes qui depeignent cet evenement; la roue pour les scenes qui representent la mise en branle de la roue de l'enseignement, c'est-a-dire, la premiere predication ; le stupa pour les scenes qui concernent la disparition du Bouddha. D'autres signes, notamment les empreintes des pieds du Bouddha ainsi que son chemin de promenade' (cankrama), sont presents dans d'autres scenes. L'explication correcte de ce soi-disant aniconisme reste un sujet debattu parmi les historiens de l'art, sujet qu'on ne pourra aborder ici." Il est pourtant indeniable que les artistes bouddhiques ont prefere, jusqu'a quelques quatre siecles apres son depart, ne pas attirer l'attention sur le corps du Bouddha, meme la ou la representation de scenes de sa vie les invitait a le faire. 2.5 La meme tendance se manifeste aussi autrement. Alfred Foucher (1905: 5262) - mentionnant dans ce contexte les noms de Bumouf et de Guillaume de Humboldt, qui avaient exprime des idees semblables avant lui-a signale que la veneration religieuse des bouddhistes, d'abord centree sur les reliques, s'est transferee sur le stupa. La destination originale du stupa, censee avoir ete purement fonctionnelle, fut lentement oubliee par les bouddhistes ordinaires, pour ceder la place a une evaluation religieuse de la construction elle-meme. Andre Bareau l'exprime de la facon suivante (1962: 269): la participation du stupa au caractere sacre des reliques et de la personne du Bouddha ou du saint tend a personnaliser le monument... Des avant notre ere, donc, le stupa est plus que le symbole du Bouddha, c'est le Buddha lui-meme ...Une fois de plus, l'explication de Foucher gagne en interet, et en plausibilite, si l'on prend en consideration le rejet ambiant et croissant de tout objet connecte avec la mort et avec des cadavres. Ce rejet touchait tous les bouddhistes indiens, y compris les moines et les nonnes. Vu ainsi, le transfert de la veneration des reliques vers le stupa n'etait pas une simple erreur, un oubli du vrai role du stupa, mais un processus conscient ou inconscient qui 2.6 Il est tout a fait possible qu'une grande partie des bouddhistes laics se soient contentes de la veneration des stupa, sans se poser trop de questions sur sa justification ou sur son lien avec l'enseignement du Bouddha. La veneration des stupa n'etait pourtant pas le domaine exclusif des lacs. Les donnees archeologiques montrent que, des une date ancienne, peut-etre meme des le debut du culte des stupa, les moines et les nonnes y participaient activement. On fondait des monasteres a cote de stupa (ou peut-etre des stupa a cote de monasteres)." ce qui indique que les monacaux n'etaient pas indifferents a ce culte. Il n'est donc pas etonnant que le besoin de justifications theoriques du transfert de veneration se soit fait sentir parmi ces derniers. Pour arriver a de telles justifications, la tradition bouddhique elle-meme fournit plusieurs elements utiles. Le Bouddha, d'apres cette tradition, a a plusieurs reprises souligne l'importance de son message plutot que de sa personne. Juste avant de mourir il a dit que, apres sa disparition, son enseignement servirait de maitre a ses fideles. Cet enseignement est, ou comprend, ce qu'on appelle le dharma en sanscrit, dhamma en pali, et qu'on traduit parfois par 'l'enseignement, pour le distinguer de l'autre volet principal de l'enseignement du Bouddha, a savoir les regles de la discipline monastique (vinaya). Le Bouddha s'identifie meme avec son enseignement dans des remarques du type: >>Celui qui voit l'enseignement me voit ; et qui me voit voit l'enseignementa (en pali: yo dhammani passati so man passati, yo man passati so dhammare passati). Il n'est pas surprenant qu'on trouve deja dans les textes canoniques en pali l'adjectif dhammakaya (sanscrit dharmakaya) qui signific: celui dont le corps est le dharmas, c'est-a-dire, celui dont le corps est l'enseignement ; l'adjectif y qualifie 61 Cr van Kooij, 1999. Sur les les empreintes des pieds en particulier, voir Brown, 1990, Bakker, 1991: 25 sq 62 L'hypothese de John C. Huntington (1985) et Susan L Huntington (1985: 70 sq.) d'apres laquelle on a commence a produire des images du Bouddha moins d'une generation apres sa mort est contestee par Linrothe (1993) et Krishan (1996 20-22% voir egalement Schopen, 1988-89. 251. Il est peut-etre significatif que peu de temoignages du soi-disant aniconisme bouddhique semblent appartenir au Gandhira, et que cette region ait ete parmi les premieres (peut-etre la premiere) d'ou des images du Bouddha nous soient parvenues. 63 Schopen, 1994: 52 sq. On doit distinguer les reliques du Bouddha ou d'autres saints qui font l'objet de veneration dans leurs stupa), des restes d'autres morts places proche d'un tel stupa, parfois dans des stupa 'votifs' ou 'en miniature, parfois dans des urnes sans stupa, ou encore dans d'autres conteneurs, voir Schopen, 1994a. 64 Certains textes de discipline prescrivent que le stupa doit etre bati avant le monastere: Barcau. 1962: 234 65 Bareau, 1971: 136 54 66 SN III p. 120 (Vakkali Sutta)
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde le Bouddha. L'idee qu'on peut en deduire est que le vrai corps du Bouddha, ou celui qui a une veritable importance, n'est pas son corps physique ou ce qui en reste, a savoir les reliques, mais plutot son enseignement. Cette idee peut s'utiliser pour critiquer le culte des reliques, ou au moins pour en relativiser l'importance, et on trouve effectivement des passages dans les textes anciens qui le font. Cela ne signifie pas forcement qu'on doit abandonner tout culte envers le Bouddha, mais plutot qu'on doit choisir les objets de veneration avec plus de soin. Au lieu des restes physiques du Bouddha, on doit venerer son enseignement. Il va sans dire que cette observation se prete a une multitude d'interpretations. L'enseignement du Bouddha trouve son expression dans les textes canoniques que la communaute bouddhique a preserves a travers les siecles, d'abord sous forme orale, ensuite egalement sous forme ecrite. Les textes oraux se pretent mal a la veneration, mais sous formes ecrites ils constituent des objets autour desquels un culte est possible. Plusieurs sources soulignent effectivement le caractere superieur de ces textes canoniques par rapport aux reliques, et specifient qu'ils constituent des objets dignes de veneration. Ces sources ne precisent pas comment les textes etaient veneres. On peut s'imaginer que des textes ecrits remplacaient les reliques a l'interieur de stupa. La recherche archeologique confirme l'existence de stupa contenant des textes canoniques, partiels ou complets, a la place des reliques ou a leur cote. Ces manuscrits s'appelaient parfois dharmasarira wreliques sous forme de l'enseignement<<, ce qui montre qu'on les considerait comme des reliques plutot que comme des substituts de reliques." stupa ajoutent encore plusieurs groupes a cette liste, et maintiennent que chaque groupe correspond a une partie identifiable du stupa. Le stupa represente ainsi a travers toutes ses parties l'enseignement du Bouddha. Il existe une autre division de l'enseignement, ou plutot de la parole du Bouddha, en 84'000 articles de la Loi (dharmaskandha : voir HBI p. 162 sq.). Cette division est moins repandue que la precedante, mais ce qui attire l'attention est que le nombre 84'000 est aussi le nombre de reliques du Bouddha rassemblees, d'apres la legende, par l'empereur Asoka et enchassees par lui separement, chacune dans un stupa. L'idee qui est a la base de cette action legendaire est clairement l'homologie, voire l'identite, du corps du Bouddha avec la totalite de son enseignement. Cette idee trouve expression dans certains textes anciens." Peut-etre, sous l'influence de l'omnipresente pratique de veneration adressee aux stupa, les bouddhistes resterent-ils hantes par des questions concernant le corps du Bouddha. Comment, par exemple, interpreter la confession de foi traditionnelle d'apres laquelle le fidele prend refuge dans le Bouddha, dans l'enseignement (dharma), et dans la communaute (sangha) ? Le Bouddha s'etant eteint, quelle est la nature exacte du premier refuge ? L'Abhidharmakosa Bhasya, texte du quatrieme ou cinquieme siecle de notre ere, prend soin d'exclure la possibilite qu'il s'agisse du corps physique du Bouddha. Ce corps n'a pas subi de modification par l'acquisition de la qualite de Bouddha. Donc on ne prend pas refuge dans le corps materiel du Buddha qui est en fait, le corps materiel du bodhisattva (c'est-a-dire, du Bouddha avant son eveil, JB. Le texte ajoute que le premier refuge consiste plutot en les elements (dharma) distinctifs qui font un Bouddha. D'autres textes parlent des qualites de concentration, sagesse, liberation, connaissance et vision de la liberation comme ce qui reste a cote des reliques (ou comme vivifiant celles-ci) apres la disparition d'un sage." 2.7 Les manuscrits ne sont pas les seuls objets qu'on peut venerer comme constituant l'enseignement du Bouddha. Strictement parlant, ils ne sont pas l'enseignement du Bouddha, mais ils le representent. Il est vrai qu'ils le representent d'une maniere assez directe, parce qu'ils donnent acces a la parole du Bouddha pour ceux qui savent lire. Mais il est possible de choisir d'autres representations. C'est ce que certains bouddhistes ont effectivement fait. Quelques textes ont survecu qui montrent que certains bouddhistes consideraient les stupa eux-memes comme representant l'enseignement du Bouddha. Les bouddhistes avaient resume ce qui constituait pour eux l'essence des sermons du Bouddha dans une liste de notions, sept groupes qui forment ensemble les trente-sept dharma qui menent a l'eveil' (bodhipaksyah / bodhipaksikah dharmah). Les theoriciens du 2.8 Le terme dharmakaya, que nous avons deja rencontre en tant qu'adjectif, pennet egalement d'une interpretation comme substantif, signifiant soit le corps qui est le dharma', soit le corps du dharma'. Nous avons deja vu que l'adjectif dharmakaya presuppose que l'enseignement constitue le ou un corps du Bouddha, et par consequent qu'il existe un corps du Bouddha qui est son enseignement, un dharmakaya. L'emploi de ce terme comme substantif, en tant que tel, n'implique donc pas forcement l'introduction d'une nouvelle notion. Il peut tout simplement s'agir de l'enseignement (dharma), qui est un corps du Bouddha. Le terme fut 67 DN III p. 84, d'apres Meisig, 1988: 100 sq. les paralleles chinois ne contiennent pas cette expres sion 68 Voir, p.ex., Harrison, 1992: 47-48, Schopen, 1975 69 Voir, p. ex., Salomon, 1999: 59 sq.; Hinliber, 1983: 48; Kottkamp, 1992: 283 sq.; Levi, 1932a: 14 sq. 70 Foucher, 1905: 60. 71 Cp. Gethin, 1992 72 Roth, 1980. Cp. Benisti, 1960: 89 sq, 73 Strong, 2004: 36 sq 74 Abhidh-k(VP) III p. 77, sous Abhidh-k 4.32. Le texte cite est une paraphrase elargie plutot qu'une traduction exacte du sanscrit original 75 Cp. HBI p. 689 54 76 Schopen, 1994: 474
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________________ Johannes Bronkhorst Les reliques dans les religions de l'Inde 71 implique en contrepartie un statut inferieur pour le corps physique du Bouddha, et donc l'inutilite du culte des reliques, pourtant interprete differemment par la suite." Une idee constante dans ces interpretations est que le dharmakayu est plus reel que le corps physique du Bouddha. Par exemple, une histoire racontee dans le Karmavibhangopadesa, texte de date incertaine, contraste le destin de deux moines. Le premier arrive a voir le corps physique (rupakaya) du Bouddha, le deuxieme son dharmakdya. Le Bouddha commente ce fait en disant du premier moine: (11) a vu ce corps qui m'est venu de mes parents, il ne m'a pas vu<<. Certains auteurs apportent des preuves pour montrer que le corps physique d'un Bouddha ne peut etre son corps essentiel. Comment, par exemple, se peut-il que le bodhisattva, comme nous l'enseignent les biographies, ait di apprendre l'ecriture, le calcul, la gravure, les arts et d'autres choses encore, etant donne qu'il avait le souvenir de ses anciennes residences ? Comment est-il possible que ce meme bodhisattva soit alle trouver un enseignement aupres des heretiques, etant donne qu'il connaissait la doctrine bouddhique depuis longtemps ? Pourquoi le bodhisattva s'est-il livre a la mauvaise pratique de l'ascese, etant donne qu'il connaissait la voie droite depuis longtemps ? Le docteur Asanga qui, au quatrieme siecle, enumere dans sa Somme du grand vehicule (Mahayanasangraha) ces paradoxes et bien d'autres encore en conclut que le corps physique du Bouddha n'est pas son corps essentiel." Quoique Asanga ne parle ni de stupa ni de reliques, les lecteurs de son traite comprennent bien que la veneration du corps physique du Bouddha, ou de ce qui en reste, ne peut mener a rien. Certains autres textes du Mahayana, eux aussi, contiennent des arguments qui visent a devaluer les reliques, ou a en nier toute valeur." Il n'est pas utile ici de discuter du sens que certains bouddhistes ont prete au dharmakaya, qui finit par etre identifie a l'absolu. Ces developpements theoriques ne nous interessent pas, parce que leur lien avec le culte de reliques et de stupa n'est plus evident. Toujours est-il que l'importance meme pretee au dharmakaya 2.9 On ne peut discuter de l'histoire du stupa et de sa signification sans mentionner que cet objet de veneration subit, plus ou moins a partir du deuxieme siecle de notre ere, la competition d'un nouveau venu, a savoir l'image du Bouddha." Nous savons que l'art ancien du bouddhisme ne depeint pas le Bouddha. Cela change, et c'est a partir de la date indiquee que les artistes commencent a en produire des images, apparemment dans le but d'un culte. Il semble probable que, des le debut, ces images, pour etre utilisees dans un culte, ont ete consacrees et animees, comme c'est le cas dans l'hindouisme et dans le bouddhisme indien plus recent, tout comme dans le bouddhisme d'autres pays. Les images reussissent meme a remplacer lentement les stupa et les reliques. Certains indices montrent que ces images, au moins au debut, ne representaient pas l'un des corps abstraits qu'on avait commence a attribuer au Bouddha, mais tout simplement son corps wysique, ce qui veut dire que les images du Bouddha prennent la place jusque alors occupee par ses reliques. Les images permettent ainsi de venerer le souvenir du dernier Bouddha, sans se souiller par le culte des reliques. Il est peut-etre mieux de dire que l'image elle-meme est le Bouddha ; les restes d'une image apres sa wmorte sont eux-memes des reliques qu'on depose dans des stupa, comme le confirme l'archeologie. Des temples ont ete batis autour de certaines de ces images, et les specialistes affirment que ces temples ne se distinguent plus guere des temples appartenant a d'autres religions indiennes contemporaines qui, eux aussi, sont destines au culte d'images. Le culte d'images est atteste dans l'hindouisme bien avant son introduction dans le bouddhisme. Ce developpement au sein du bouddhisme 77 Voir Bronkhorst, 2000: 163 sq. 78 Levi, 1932: 160, 174-75; Strong. 1978: 224. Strong (2004:141) raconte une autre histoire de ce genre, originaire cette fois du Mahaprajfaparamita-sastra, voir Lamotte, 1949-80. II: 634-36. 79 Lamotte, 1938/1973: 331 sg., Griffiths et al., 1989: 252 sq. 80 Voir Schopen, 1987: 127, Schopen, 1975: 180: it is apparent from the texts cited above that the Mahiyana of at least these documents is predominantly associated not with the stupa cult, but with the cult of the book. This association with the cult of the book, in turn, is invariably associ ated with an unambiguously negative attitude to the stupa culta, egalement Hirakawa, 1963: 88 n. 170 (pour les autres bouddhistes). Ulrich Pagel, lors d'une presentation au 13e congres de l'Association Internationale des Etudes bouddhiques (Stupas and stupa worship in Mahayana Buddhismu), a attire l'attention sur le fait que beaucoup de textes du Malayna ne sont pas contre la veneration de reliques 81 Notons pourtant que le culte de reliques a contribue a l'elaboration d'une autre theorie boud dhique, celle du fotografagarbha, d'apres Masahiro Shimoda (2002). 82 Voir Schopen, 1988-89. Une image du Bouddha peut aussi contenir une relique, voir Gombrich, 1966: 25, Strong. 2004: 20. 83 Kieffer-Polz, 2000: 351 sq. Cp. Brown, 1990: 98: From the beginning of its appearance, the an thropomorphic Buddha image was not that of a human being but clearly that of a god. Bakker (1991: 28) exprime la conjecture suivante: It seems no coincidence, but a corollary of the evolution of Indian religiosity as a whole, that the cult of Buddha images and the earliest evidence for Visnu's footprints date from about the same period, the first centuries of our craw, malheureuse ment la logique derriere cette supposition me reste obscure. 84 Voir Strickmann, 1996: 175 sq. Swearer, 1995, Bentor, 1996; Gombrich, 1966 (avec Ruelius, 1978 et Gombrich, 1978); Tambiah, 1984: 230 sq.; Bizot, 1994; Davis, 1997: 33 sq.: Stevenson, 1920: 409 sq.; Colas, 1996: 308 sq.: Schober, 1997; Buhnemann, 1988: 52 sq. Le besoin d'une consecration existe meme dans le cas de yantra d'apres certains textes; voir Buhnemann, 2003: 38; Brunner, 2003: 173 85 Lancaster, 1974 86 Schopen, 1990: 276 sq 87 Mitra, 1971:52: Schopen, 1990: 277
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________________ Johannes Bronkhorst pourrait donc bien trahir l'influence de l'hindouisme ambiant." En suivant l'exemple de l'hindouisme, le bouddhisme s'ecarte ainsi toujours plus de ses vieilles coutumes, un fait qui peut s'expliquer au moins partiellement par la prise de conscience de leur aspect polluant. 72 2.10 Quelques annees avant la deuxieme guerre mondiale le savant Jean Przyluski (1936:354) pouvait encore croire que le bouddhisme s'etait separe du brahmanisme pour pouvoir venerer des reliques que ce dernier considerait comme polluantes: >>les cendres du Buddha perdirent ce qu'elles avaient de nefaste et devinrent l'objet d'un culte... Ces changement peuvent s'exprimer en disant qu'on apprit a venerer les reliques<<. Nos reflexions nous amenent a croire le contraire: Plutot que d'apprendre a venerer les reliques, les bouddhistes en Inde ont progressivement oublie de le faire. Le developpement ne prend pas comme point de depart une proximite maximale entre bouddhisme et brahmanisme qui s'amoindrit au fur et a mesure, mais un ecart maximal au debut, suivi d'un rapprochement continu, en tout cas en ce qui concerne les regles de purete rituelle et la veneration des reliques. Bibliographie: Bakker, Hans (1991): >>The footprints of the Lord.<< Devotion divine: Bhakti traditions from the regions of India. Studies in honour of Charlotte Vaudeville. Ed. Diana L. Eck and Francoise Mallison. Groningen: Egbert Forsten; Paris: Ecole Francaise d'Extreme-Orient. Pp. 19-37. Bareau, Andre (1962): >>La construction et le culte des stupa d'apres les Vinayapitaka.<< Bulletin de l'Ecole Francaise d'Extreme-Orient 50(2), 229-274. Bareau, Andre (1971): Recherches sur la biographie du Buddha dans les Sutrapitaka et les Vinayapitaka anciens: II. Les derniers mois, le parinirvana et les funerailles. Tome II. Paris: Ecole Francaise d'Extreme-Orient. 88 Voir Kreisel, 1986: 14 sq; Falk, 1994; Einoo, 1996; egalement Stietencron, 1977. Pour une description detaillee d'une paja contemporaine, voir Tachikawa, Hino et Deodhar, 2001; egalement Buhnemann, 1988. La presence sur les monnaies des Kusana de divinites sivaites (parmi des divinites iraniennes et grecques; voir Zeymal, 1997) n'implique pas que ces souverains attribuaient de l'importance a la tradition vedique, etant donne que plusieurs sources anciennes soulignent plutot l'opposition entre le sivaisme et cette tradition; voir Hazra, 1940: 200 sq. 89 D'apres Cort, 2002: 68, il est probable que le culte d'images chez les jainas precede celui des bouddhistes. 90 Cite Benisti, 1960: 48. Les reliques dans les religions de l'Inde Barcau, Andre (1975): >>Les recits canoniques des funerailles du Buddha et leurs anomalies: nouvel essai d'interpretation.<< Bulletin de l'Ecole Francaise d'Extreme-Orient 62, 151-189. Barthes, Jean (1952): >>Les reliques sacrees a Phnom-Penh (5-11 octobre 1952).<< France-Asie 8, no. 78: 951-956. 73 Behrendt, Kurt (2004): The Buddhist Architecture of Gandhara. Leiden-Boston: Brill (Handbook of Oriental Studies, soction two: India, 17). Benisti, Mireille (1960): >>Etude sur le stupa dans l'Inde ancienne.<< Bulletin de l'Ecole Francaise d'Extreme-Orient 50(1), 37-116+ XXX planches. Bentor, Yael (1996): Consecration of Images and Stupas in Indo-Tibetan Tantric Buddhism. Leiden etc.: E. J. Brill. (Brill's Indological Library, 11.) Benveniste, Emile (1958): >>Les donnees iraniennes.<<< Journal Asiatique 246, 3648. (Cette contribution fait partie d'un article plus long, >>>Une billingue grecoarameenne d'Asoka<<<, qui contient encore des contributions par Daniel Schlumberger, Louis Robert, et Andre Dupont-Sommer, et qui couvre les pages 1-48 du dit tome du Journal Asiatique.) 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