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Johannes Bronkhorst
Les reliques dans les religions de l'Inde
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temps de Patanjali et peut-être déjà avant lui se soit principalement répandu vers l'est et le sud à partir d'une région qui coïncide largement avec le dit domaine des Arya," Cette impression est confirmée par des recherches récentes concernant les écoles védiques. Ces écoles ont migré vers l'est et le sud, voire le nord (Cachemire," Népal), mais ne sont jamais semble-t-il retoumées vers le nordouest." Plusieurs textes tardifs du Veda connaissent le Gandhăra comme région limitrophe ou éloignée, mais aucune des écoles védiques ne s'y situe. Les régions du côté ouest du domaine des brahmanes védiques sont peuplées par les méprisés Bähika," lit, les gens de dehors. Ce terme bähika est par ailleurs souvent confondu avec bählika ou bälhika," qui désigne les habitants de la Bactriane. Les habitants
des Arya (āryāvarta), La limite occidentale y est indiquée par une expression obscure, qu'on traduit souvent par l'endroit où disparait la Sarasvati," endroit qui se situe dans le désert (1 har) qui separe l'Inde et le Pakistan actuels. Patanjali, l'auteur du grand commentaire de grammaire (Mahābhāsya) qui, lui aussi, donne cette délimitation du domaine des Arya, ajoute une remarque qui nous permet de situer sa limite occidentale de manière plus compréhensible. Composant son texte au milieu du deuxième siècle avant notre ère ou peu après, il specifie - au sein d'une discussion grammaticale technique qui ne peut pas nous retenir - que les Saka et les Yavana habitent à l'extérieur de ce domaine. Comme les Yavana de Patanjali sont les Indo-Grecs, le fait qu'on les mentionne confirme que la limite occidentale du brahmanisme à l'époque de cet auteur se situait peut-être quelque part à proximité de la frontière actuelle entre l'Inde et le Pakistan, excluant le Gandhāra et, bien entendu, la Bactriane du domaine visé par Patanjali.**
Cette conclusion est renforcée par d'autres textes. Déjà le Satapatha Brähmana (9.3.1.24) s'exprime de façon très négative au sujet des habitants du domaine des sept fleuves qui coulent vers l'ouest, c'est-à-dire le Pafljäb." Le Baudhāyana Srautasutra énumère les noms de plusieurs tribus qu'un bon brahmane ne doit pas visiter, parmi eux les Aratta et les Gāndhāra dans le nord-ouest." L'habitation exacte des Aratta reste inconnue, celle des Gāndhāra par contre est évidemment le Gandhära, région qui se trouve donc hors du domaine des brahmanes orthodoxes à cette époque." Il semble effectivement que le brahmanisme védique depuis le
42 P. ex., Olivelie, 20000: 199 (traduction de Baudhayana Dharmasútra 1.2.9). Pour une discussion
de l'obscure lecture präg adarsāt, voir Olivelle, 2000: 571, note 2.9. 43 La Vallée Poussin (1930: 202) wvoit mal que les Sakas, en 170 ou en 150 avant notre ére, aient
pris une importance assez grande pour que cet exemple soit possible, pour qu'ils soient dès lors intimement associés, dans l'estime des brāhmanes, aux Yavanas. Frauwallner (1960: 108-111 (300-303)) reprend l'argument de La Vallée Poussin et ajoute que Patañjali n'avait aucune raison de mentionner, à côté de peuples éloignés mais indiens, un peuple non-indien, à savoir les Saka Il semble pourtant peu probable que la seule mention de ce peuple nous permette d'avancer la date de Patanjali; cp. Cardona, 1976: 265 sq. Witzel (2003: 95) parle en outre d'une invasion des Saka dans le sud de l'Afghanistan en 140 avant l'ére. En ce qui concerne l'argument de Frauwallner, il ne va pas de soi que pour un habitant du domaine des Aryax à l'époque l'opposition 'indi
en' 7'non-indien' ait eu le moindre sens. 44 En ce qui concerne la limite orientale du bralumanisine, il est intéressant de signaler qu'une
strophe ajoutée à deux versions du Mahaparinirvana Sätra - peut-Etre avant le début de notre ère - mentionne la présence d'une dent du Bouddha au Gandhära, et d'une autre à Kalinga, vers l'est
extreme de l'Inde; voir Bareau, 1971: 331 sq. 45 Cp. Witzel, 1997: 302. 46 BaudhśS 18.13; cp. Witzel, 1987: 202. Le Kevaddha Sutta du canon bouddhique en pāli (DN IP.
213) parle d'une science dite de Gandhára (gandhari nama vija; ep. la gandhari nama vida de Abhidh-k-bh(P) p. 424 L 18, sous strophe 7.47), permettant à son détenteur de se multiplier et
autres choses 47 Brucker (1980: 147) observe: mit Gandhara [begegnet uns ein Land, das sicher schon sehr froh
Kontakt mit den in Nordindien eindringenden inden hatte. Um so erstaunlicher ist es, dass dieses
Gebiet, das am Oberlauf von Sindhu und Vitasta zu lokalisieren ist, selbst in der Sätrazeit noch nicht in die arische Siedlungsgemeinschaft inkorporiert war. Le noch nicht de Brucker suggére que cet auteur est de l'avis que le Gandhāra a ensuite été incorporé dans le domaine de colonisation aryen; il n'en donne cependant aucune preuve.
Witzel (1989: 235) attire l'attention sur un passage du Baudhayana Srautastra (18.44) qui confirme le statut séparé du Gandhara et du pays des A/Aratta: il traduit ce passage de la manière suivante: Ayu went eastward. His (people) are the Kuna-Pacala and the Kasi-Videha. This is the Ayava migration. (His other people) stayed at home in the West. His people are the Gandhari, Parsu and Aratta. This is the Amavasava (group). Cardona et Jain (2003: 33 sq.) n'acceptent pas cette traduction et proposent: Ayu went eastward. Of him there are these: the Kuru-Pacalas, the Kasi-Videhas. This is the going forth of Ayu. Amavasu (went) westward. Of him there are these:
the Gåndhåris, the Sparsa, and the Arāttas. This is the (going forth) of Amavas. 48 Bodewitz (2002:222) parle du Veda Belto. 49 Voir, p. ex., Witzel, 1981 &1982, 1985, 1987. Witzel (1990: 31) résume ainsi le résultat de ses
études antérieures au sujet des dialectes védiques anciens: These post-Rgvedic dialects can first he noticed in Kuruksetra and its surroundings and later on in all of Northern India, from the Beas in E. Panjab to the borders of Bengal. Cp. Witzel, 1985: 45. Für eine Beurteilung der Verbreitung des Einflusses von vedischen Brahmanen im Mittelalter ist zunachst von Bedeutung, dass sich hier eine ursprünglich auf das zentrale (und dann auch Ostliche und sidwestliche) Nordindien begrenzte Tradition zu einem unbekannten Zeitpunkt (jedenfalls vor der Mitte des 1 Jud.n.Chr.) nach Osten und vor allem über den Vindhya hinweg nach Südindien ausgebreitet hat.
Egalement Witzel, 1989: 103 n. 12. 50 Sur l'immigration de brahmanes au Cachemire, au début à partir du centre de l'Aryadesa de
Manu, voir Witzel, 1994: spéc. p. 259 sq. 51 Witzel (1981: 116 n. 25) se demande s'il y a eu des missionnaires des protagonistes védiques
qui ont fait le déplacement vers le nord-ouest pour y répandre des idées sur le rituel, cette
supposition reste pourtant sans preuve. 52 Le Yajurveda-Vrksa mentionne plusieurs écoles qui se trouveraient yavanadese. Witzel (1982
192), qui fournit cette information, rappelle que les dates de composition des versions de ce texte restent inconnues. Il suggère qu'il pourrait s'agir du Pañjāb grec, ou des régions du Sind, plus
tard également du Pañjāb, occupées de bonne heure par les musulmans. 53 Witzel. 1987: 202 n 100 considere Bähika comme une sorte de sobriquet, les vrais noms etant
Ārálja et Madra. Voir également Witzel, 1989: 128, avec notes 66 et 67 54 MW p. 730 s.v. bahika.