Book Title: Pourquoi La Philosophie Existe T Elle En Inde
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst

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Page 10
________________ ÉTUDES DE LETTRES POURQUOI LA PHILOSOPHIE EXISTE-T-ELLE EN INDE? 25 il est justifié de parler de l'Inde comme d'une tradition indépendante, indépendante des philosophies qui se sont développées dans la Grèce antique et dans les parties du monde qui étaient sous l'influence de ces demières. J'en viens maintenant à la question principale de cet article: pourquoi et comment la philosophie - c'est-à-dire la philosophie systématique - s'est-elle produite en Inde? Après avoir noté le lien entre l'apparition soudaine d'une tradition d'investigation rationnelle dans la Grèce antique d'une part, et la situation politique qui allait de pair avec elle d'autre part, on est également tenté de rechercher une situation politique similaire dans l'Inde ancienne. Malheureusement, cette démarche n'est pas prometteuse. Nous ne sommes pas du tout sûrs que quelque chose comme l'état urbain grec ait jamais existé dans l'Inde ancienne Nous nous trouvons ici confrontés au problème de rendre compte de l'apparition d'une tradition d'investigation rationnelle en Inde. Si les traditions d'investigation rationnelle ne sont pas le genre de choses qui apparaissent automatiquement et inévitablement partout où certaines conditions minimales sont satisfaites, alors qu'est-ce qui fut responsable de l'apparition d'une telle tradition en Inde? Il n'est pas facile de répondre à cette question, surtout vu le faible nombre de documents conservés pour la période qui semble la plus importante à cet égard. Nous entrons donc dans le domaine de la spéculation, ou au mieux, de la conjecture plus ou moins bien documentée. Toutefois, l'importance du problème ne nous laisse aucune autre alternative que de poursuivre. Que savons-nous de l'histoire ancienne de la philosophie systématique en Inde? Pas grand-chose. Des deux écoles principales de l'ancienne philosophie brahmanique, le Samkhya et le Vaiseșika, la première avait évidemment ses racines dans la période pré-systématique. L'école classique du Sāmkhya préserve des traces de cette phase ancienne, et eut les plus grandes difficultés à améliorer le système de sorte qu'il devienne plus ou moins cohérent et résistant à la critique extérieure. Ses efforts ne furent qu'en partie couronnés de succès, et l'école disparaît lentement de notre vue dans la seconde partie du premier millénaire. Le cas de l'autre école brahmanique, le Vaiseşika, est tout différent. Les tentatives érudites d'identifier ses racines préclassiques et pré-systématiques ne mènent à rien, et il semble probable que le Vaiseșika fut créé comme un système cohérent. Une comparaison en profondeur avec la philosophie bouddhique courante durant les premiers siècles de notre ère montre que malgré de nombreuses différences, les deux systèmes partagent un certain nombre de positions fondamentales. Plus précisément, ils partagent certaines positions, alors qu'à d'autres 29. Vijay Kumar Thakur (1981: 250) remarque: "nous ne sommes pas sûrs si des villes commerciales selon le modèle athénien aient existe en Inde ou pas. Il est possible que quelques villes dans le Panjab, que les Grecs appelaient des 'villes indépendantes', aient été des types similaires de villes commerciales le long des routes menant de l'Inde en Iran, en passant par le Panjab. Ceci voudrait dire qu'elles avaient un type de machinerie administrative complètement different (de celui des autres villes indiennes). Bien que nous n'ayons pas de détails sur l'administration de telles villes, on peut supposer que leur système administratif correspondait d'une certaine façon à l'administration des grandes oligar. chies tribales. Il se peut que l'administration urbaine, à la base de nature oligarchique, ait mené les affaires de la ville au moyen de discussions." Voir en outre Bongard-Levin, 1986: 67 s. Thakur continue (p. 250-52): "Jusqu'à l'époque Maurya, les guildes se préoccupaient uniquement de leurs activités économiques, tout en exerçant une certaine autorité sur leurs membres. Cette situation changea toutefois après l'époque Maurya. Un développement très important, et plutôt innovateur, dans la politique de cette période fut l'émergence de gouvernements presque autonomes dans au moins une douzaine de cités du nord de l'Inde, au deuxième et premier siècle avant notre ére. L'administration de ces villes était évidemment entre les mains des guildes. Des guildes de marchands appartenant à ces villes frappérent des monnaies de cuivre, ce qui incombe d'ordinaire au gou. vernement au pouvoir, car c'est un insigne important de la souveraineté. Le terme nigama est clairement mentionné sur au moins cinq pièces de monnaie pré-indogrecques, quatre d'entre elles portent les noms des différents quartiers de Taxila, Encore une autre pièce de monnaie trouvée de Taxila mentionne le terme panchanigama (sic). ... Une pratique quelque peu similaire semble avoir été courante également à Kaušāmbi, car elle est connue comme nigama sur une de ses pièces de monnaie. Des pièces de monnaie de la guilde des gandhikas, qui sirnifie littéralement parfumeurs, mais désigne en réalité des marchands en général. ont aussi été trouvées dans la région autour de Kaušāmbi.... De telles pièces représentant certaines villes ne se trouvent pas à partir de la dernière partie du pre mier siècle avant notre ère. C'est une indication possible qu'avec l'établissement des Satavahanas et des royaumes Kusana dans les deux premiers siècles de l'ère chrétienne, ces villes aient perdu leur caractère autonome... Ahmad Hasan Dani (1986: 58 s.) exprime certaines réservations en ce qui concemne cette interprétation de nigama (qui remonte à D.R. Bhandarkar); voir aussi Thapar, 1992: 96; Chakrabarti, 1995: 311; Ray, 1994: 20, 192. Ray (1986:49) observe que "l'évidence numismatique suggère qu'après la chute des Mauryas plusieurs villes prirent le pouvoir et frappèrent leurs propres pièces de monnaie...", elle mentionne en particulier Mahişmati, Tripuri, et Tagara ou Ter. a) Sur le rôle des arômes et des parfums lors des premiers échanges commerciaux, voir Donkin, 1999. ch. 1, surtout p. 15 s.

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