Book Title: Mysticisme Et Rationalite En Inde Le Cas Du Vaisesika
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst

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Page 2
________________ 560 JOHANNES BRONKHORST rappellent à plusieurs occasions que "les dieux aiment ce qui est occulte" (parokşakāmā devāh), que ce qui est clair pour les humains est mystérieux pour les dieux, alors que ce qui est mystérieux pour les humains est clair pour les dieux.3 Ces textes regorgent de spéculations mystiques (ou doit-on dire: magiques?). Pourtant, il n'apparaît pas que leurs auteurs aient été dans, ou aient essayé d'obtenir, les états modifiés de la conscience que nous appelons expérience mystique. Cette dernière observation est importante. Elle signifie qu'il n'y a pas de rapport intrinsèque entre pensée mystique et expérience mystique. Les Brāhmaṇas montrent qu'il peut y avoir une pensée mystique sans expérience mystique. Mais à nouveau nous devons d'abord poser une autre question. Comment savons-nous dans quels cas nous avons affaire à une expérience mystique? Contrairement à ce qui se passe en Occident, la littérature de l'Inde antique ne contient virtuellement aucun récit personnel de telles expériences. Nous sommes normalement confrontés à des descriptions impersonnelles et généralisées qui permettent même de douter que quelqu'un ait jamais connu de telles expériences. Les anciennes Upanişads en sont un bon exemple. On a beaucoup parlé de mysticisme à propos de ces textes, mais les personnages qui y apparaissent sont toujours légendaires. Et les découvertes spirituelles dont ils parlent, à commencer par l'identité du soi et du Brahman suprême, prolongent si clairement les identifications magiques des Brāhmanas (dont les premières Upanişads sont en quelque sorte des appendices), que l'on peut légitimement se demander si aucune expérience mystique était nécessaire pour mettre ces découvertes en évidence. Il est nécessaire d'être conscient de ces difficultés. Elles ne devraient cependant pas être exagérées. Beaucoup, peut-être la plupart des courants religieux de l'Inde antique, soulignent qu'il est important de se retirer de la société pour atteindre le but religieux par l'effort personnel. Un grand nombre de ceux qui se sont effectivement retirés de la société se sont voués à l'introspection dans le but d'obtenir une intuition de leur nature propre. Si l'on ajoute à cela que, spécialement sous l'influence vraisemblable du bouddhisme, des techniques furent introduites qui facilitaient l'accès à des états modifiés de la conscience, il apparaît clairement que nous avons raison d'affirmer qu'en Inde également des expériences mystiques étaient recherchées, et qu'elles ont eu lieu. 3 Voir par exemple MALAMOUD, 1986: 243 ss.

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