Book Title: Mysticisme Et Rationalite En Inde Le Cas Du Vaisesika
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst

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Page 9
________________ MYSTICISME ET RATIONALITÉ EN INDE 567 preuve que le sutra concernant la libération est une addition ultérieure. Je propose cependant d'avancer plus prudemment. Nous pouvons d'abord nous demander si nous avons interprété les deux premiers sūtras correctement. Souvenez-vous, pour commencer, qu'une âme omniprésente aussi a un lien privilégié avec un corps particulier, c'est-à-dire avec le corps auquel elle appartient ou qui lui appartient. Étant omniprésente, elle peut être en contact avec beaucoup de choses, mais elle n'a de contact du type "possesseur et possession" qu'avec un nombre limité d'objets qui constituent son corps. Cet ensemble de contacts spéciaux (du type "possesseur-possession") se situe là où se trouve le corps et, dans ce sens, se meut avec le corps. On pourrait donc penser que "l'activité de l'âme" dans notre sūtra ne concerne pas un mouvement de l'âme elle-même, mais d'une partie d'elle constituée par des contacts du type "possesseur-possession". Cela expliquerait aussi que l'on parle de l'invisible dans le second sūtra du groupe 19. L'invisible est invoqué dans le Vaiseșika primitif pour donner du sens aux phénomènes qui résistent à l'explication par les termes du système. Il n'y a cependant rien de mystérieux dans le mouvement d'une âme liée à un corps avec lequel elle est en contact. En revanche, le contact spécial entre une âme omniprésente et juste un seul corps est bien plus difficile à expliquer, et on comprend qu'on ait recours à "l'invisible". 1. L'interprétation que je viens de proposer paraît être exactement celle que Bhartuhari, un auteur du Ve siècle, a donnée de ces mêmes sūtras. Après une longue discussion sur la nature des relations dans le Vaišesika, il donne l'exemple suivant: De même que le contact de l'âme est appelé "rapport du possesseur et de la possession" [seulement] à l'égard de certains objets, parce que l'invisible opère (dans ce cas), même s'il n'y a pas de différence (entre ce type spécial de contact et le contact en général), ainsi en est-il (dans le cas d'autres relations]. 14 La mention de l'invisible confirme que Bhartuhari se réfère bel et bien ici à notre groupe de sūtras. Ce groupe de sūtras, de l'avis de Bhartuhari, ne parlait pas d'une âme finie, mais d'une âme omniprésente ayant néanmoins des contacts particuliers avec le corps. 14 VP 3.146: adrstavrttilābhena yathā samyoga ätmanah / kvacit svasvamiyogåkhyo 'bhede 'nyatrāpi sa kramah //

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