Book Title: Book Reviews
Author(s): J W De Jong
Publisher: J W De Jong

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Page 5
________________ REVIEWS 221 que pour l'homme antique la jungle est par excellence le territoire de l'antilope comme l'explique l'auteur (pp. 69-77). L'intérêt principal de ce livre réside dans l'étude des représentations collectives qui expliquent tout un ensemble de notions sous-entendues dans les grands traités de médecine. L'auteur approche ce thème principal de son livre en se servant de toute une série de disciplines. Dans le premier chapitre "La Jungle et les bords de l'eau" l'auteur recherche les réalités concrètes qui sous-tendent la doctrine des trois terroirs, les "terres sèches" (jangala), les "terres paludéennes" (anupa) et la "région moyenne" (sadhārana), et il montre l'importance de la polarité des terres sèches et terres paludéennes pour la prognose médicale et pour la taxinomie des animaux et des plantes médicinales. La thérapeutique consiste à prescrire un régime approprié (satmya) qui tient compte des qualités propres au "milieu de vie" (cara). L'auteur signale le caractère scolastique des oppositions que l'on trouve dans les traités de médecine: "La polarité des terres sèches et paludéennes n'est pas descriptive mais prescriptive. Il n'est pas question des faits physiques mais de normes brahmaniques" (p. 43). Dans le deuxième chapitre l'auteur écrit que partout la Jungle est le produit d'un combat entre la forêt et la plaine cultivée. On peut retrouver dans les textes les traces de l'expansion de la culture paysanne qui progressait sur les plaines des grandes fleuves, un processus millénaire qui ne s'interrompt qu'aux temps de détresse (apad): "Famines, guerres, épidémies sont autant de crises, échecs, reculs momentanés qui scandent l'immense processus historique de colonisation des terres sèches. Ce qui reprend alors possession des terres abandonnées par les paysans, ce ` n'est pas la forêt, mais la savane, le dynamisme envahissant des graminées" (p. 55). La polarité de l'Indus et du Gange est le sujet du troisième chapitre "L'Indus et le Gange". Cette polarité se manifeste dans le climat, la végétation, la faune et la géographie médicale (zones d'épidémie et zones d'endémie malarienne). L'auteur essaie de montrer comment les données empiriques se subordonnent aux schèmes de la pensée classique, en étudiant ce que les traités enseignent sur les rivières, la végétation, les quadrupèdes et la nourriture. Dans le quatrième chapitre "La Zoologie dans la Pharmacie" l'auteur traite du catalogue des viandes de la Suśrutasamhita, et en analyse surtout l'aspect linguistique. Il relève que les traités indiens sont remplis de séries de mots plus ou moins stéréotypées et que décrire une plante ou un animal consiste à nommer, en énumérant des synonymes: "connaître, c'est collectionner les noms et les formules". Dans le catalogue des viandes on voit les résultats d'un système combinatoire dont les facettes sont les trois humeurs (dosa), les six saveurs (rasa) et les vingt qualités (guna). L'auteur emprunte la notion de "modèle à facettes" (facet design) au sociologue américain Paul Lazersfield pour caractériser le système de pensée de l'Ayurveda. C'est l'étude de ce système de pensée que l'auteur poursuit dans le cinquième chapitre "la Logique et la Cuisine" où il montre que la cuisine procède comme la logique par combinaison (les mélanges, les sauces) et transformation (les modes de cuisson): le catalogue des plats cuisinés indique d'après Dalhana "les qualités et les actions thérapeutiques qui naissent de l'art de mélanger (samyoga) et de l'art de cuisiner (samskāra) la viande, le plus important des assaisonnements" (p. 144). Dans l'Inde comme dans le monde grec et latin les connaissances sur la nature ont un caractère anthropocentrique mais ce n'est que dans l'Inde que l'on trouve des trésors de noms et l'existence d'un art combinatoire: "Sur l'inventaire des vivants, qui en lui-même occupe une place minime, s'est greffée une métalangue qui permet de formuler des jugements de valeur" (p. 146). L'auteur examine la structure des formes littéraires des taxinomies traditionnelles et signale les séries de mots et les répétitions des mêmes hémistiches dans des séquences différentes. Il remarque que le modèle d'une histoire naturelle est étranger à l'Inde: "Ce qui en tient lieu, c'est la collection, la récitation, la combinaison des formules consacrées par la Tradition" (p. 175). Le sixième chapitre "La chair des mangeurs de chair" est consacré à la physiologie indienne. La physiologie de l'Ayurveda n'est pas une science des functions organiques mais c'est la doctrine de l'évolution des sept dhātu ou "éléments" constitutifs du corps: chyle, sang, chair, graisse, os, moelle et sperme. C'est plus spécialement de deux de ces dhātu, le sang et la viande que l'auteur s'occupe. Il mentionne que, dans des cas spécifiques, les traités prescrivent de boire du sang cru

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