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Iravati Karve, M. Winternitz), les interprétations naturalistes de V. Fausböll et d'A. Ludwig et la théorie de l'inversion des deux Holtzmann. Il reproche à la méthode synthétique de Josef Dahlmann de réduire l'unité du Mbh à l'uniformité et de ne pas avoir distingué les rôles distincts que Vişnu-Krsna et Rudra-Siva jouent dans le Mbh. En ce qui concerne le travail de G. J. Held J. Scheuer remarque qu'il a eu le mérite de considérer le Mbh comme un ensemble et d'y jeter un regard neuf, mais il formule des réserves justifiées sur la reconstruction de la société qui aurait formé l'arrière-plan du Mbh. Il consacre plusieurs pages aux travaux de G. Dumézil qui, selon lui, dans son interprétation de Siva tend (a) à réduire Siva à Asvatthāman; (b) à considérer les interventions de Siva comme des développements plus récents, des ajouts ou des retouches śivastes; (c) à concevoir les relations de Vişnu et de Siva en termes d'hostilité. Dans le tout dernier alinéa de l'introduction l'auteur écrit que la perspective et la méthode de son travail s'apparentent davantage à celles employées par M. Biardeau dans sa lecture du Mbh. Il termine en disant: "Ceux qui sont familiers de son enseignement reconnaîtront, sans peine, tout ce que je lui dois." Peut-être J. Scheuer aurait-il pu préciser cette dette brièvement dans l'intérêt de tous ceux qui n'ont pas pu profiter de l'enseignement de M. Biardeau surtout parce que - comme le relève l'auteur lui-même - elle n'a pas publié d'exposé d'ensemble de sa méthode et de ses résultats. Le lecteur qui est au courant de ses publications se rendra sans doute vite compte du fait que la méthode de l'auteur est identique à celle de M. Biardeau. Tout comme elle, J. Scheuer essaie de comprendre le Mbh à partir de lui-même et du monde hindou. La perspective sous laquelle il analyse les relations et les fonctions des protagonistes est celle du structuralisme, inspiré des travaux de C. Lévi-Strauss, et qui a été adoptée aussi par M. Biardeau dans ses recherches.
L'introduction de ce livre porte les dates novembre 1972 - octobre 1975 et dans une note l'auteur écrit qu'il n'a pas tenu compte des travaux publiés depuis 1975. On trouvera dans ce livre à plusieurs reprises des interprétations que M. Biardeau a proposées dans des travaux publiés depuis 1975, et on peut se demander si J. Scheuer est arrivé indépendamment ou non aux mêmes conclusions. Ce n'est pas tellement la question de priorité qui entre ici en jeu, mais ce qui importe, c'est de savoir si c'est la même méthode qui a conduit aux mêmes résultats. Par exemple, ce n'est qu'en passant que J. Scheuer caractérise Arjuna comme le véritable personnage royal, tout à la fois guerrier et roi (cf. pp. 76 et 241). C'est un thème que M. Biardeau a longuement developpé dans ses Etudes de mythologie hindoue (BEFEO LXV, 1978, pp. 111 sq.). Tout comme M. Biardeau, J. Scheuer retrouve dans le Mbh les grands traits du mythe de destruction et de recréation du cosmos propre aux Purāņa (cf. p. 18). Sur ce point il suit indubitablement les traces de M. Biardeau et il se heurte aux mêmes difficultés en ce qui concerne les distinctions entre yuga et kalpa (cf. pp. 328-329). Ne serait-il pas plus simple de supposer que le même thème de destruction et de recréation se trouve aussi bien dans l'épopée que dans les Purana, mais dans un cadre différent? Que, de part et d'autre, on retrouve les mêmes images n'a rien d'étonnant car ces images s'imposent naturellement. Une telle hypothèse dispenserait de la nécessité de devoir rendre compte des anomalies que l'on rencontre en voulant appliquer le schéme purānique au Mbh.
Les remarques précédentes suffiront, espérons-le, pour indiquer la méthode suivie par J. Scheuer. Pour pouvoir estimer à sa juste valeur l'importance de cet ouvrage non seulement pour l'interprétation du rôle de Siva dans le Mbh mais aussi pour l'exégèse de ce que l'auteur appelle le mythe central du Mbh il faudra suivre pas à pas ses analyses pénétrantes des principaux épisodes dans lesquels Siva agit. Le premier chapitre étudie la naissance des héros, le deuxième la naissance et le mariage de Draupadi. Le troisième chapitre analyse les deux versions de l'histoire d'Ambā et de Sikhandin. Le quatrième chapitre est consacré à l'étude de l'incendie de la forêt Khandava. Jarasamdha est le sujet du cinquième chapitre qui conclut par le songe de Yudhisthira dans lequel il voit Rudra-Siva regardant fixement vers le Sud. Selon J. Scheuer cela signifie que nous entrons dans une période de crise et de destruction. Les chapitres VI et VII qui étudient la quête des armes par Arjuna éclaircissent ses relations avec Siva. Le huitième chapitre s'intitule 'Siva sur le champ de bataille et analyse le Nārāyaṇāstramokşaparvan (7.165