Book Title: Book Reviews
Author(s): J W De Jong
Publisher: J W De Jong

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Page 25
________________ REVIEWS 251 La Saveur de l'Immortel (A-p'i-t'an Kan Lu Wei Lun). La version chinoise de l'Amṛtarasa de Ghosaka (T. 1553). Traduite et annotée par José Van den Broeck. Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, Institut Orientaliste, 1977, xii + 260 pp. (Publications de l'Institut Orientaliste de Louvain, 15.) Le volume XXVIII du Taishō Daizō kyō se termine par huit traités d'Abhidharma (T. 1550 à 1557), d'accès plutôt malaise, car ils présentent un Abhidharma en formation, qui se cherche encore; en outre, ils n'ont pas toujours été traduits en chinois de manière satisfaisante. C'est de l'un de ces traités que M. Van den Broeck nous offre la traduction et l'étude. L'introduction, forte de 83 pages, commence par poser quelques principes de méthodologie, d'une manière exemplairement claire et complète (pp. 1-4). Puis elle présente les problèmes historiques que soulève l'Amṛtarasa, soit: (1) celui de la date véritable de la traduction chinoise (pp. 5-11); (2) les problèmes conjoints de l'auteur et de l'époque de l'original indien. (1) D'après la rubrique initiale reproduite dans le Taisho Daizōkyō (T. XXVIII 1553 i 966a3), la traduction chinoise aurait été faite sous les Ts'ao Wei, soit "entre 220 et 265, dans le Nord de la Chine, par un traducteur anonyme. Cette donnée est confirmée (ou peu s'en faut) par les catalogues de textes bouddhiques traduits en Chine" (p. 5). Elle est pourtant suspecte. Les traductions exécutées sous les Han et les Trois Royaumes se soucient en effet avant tout de "mettre à la portée des bouddhistes chinois des petits manuels de propagande [...] et quelques textes de Vinaya [...]" (p. 7). Il paraît anachronique de rapporter à cette époque la traduction d'un traité d'Abhidharma difficile. Le vocabulaire chinois de l'Amṛtarasa, déjà très technique, n'est point tributaire de la méthode des équivalents taoïstes qui prévalut jusqu'à Tao-an (312-385) (p. 8). En revanche, il se rapproche de celui de la traduction d'un autre texte du même groupe, le T. 1550, Abhidharmasara ou plutôt Abhidharmahṛdaya d'après son traducteur Ch. Willemen (p. 23, n. 34), qui, lui, a été mis en chinois à la fin du IVe siècle, par l'équipe que dirigeaient Gautama Samghadeva et Hui-yüan. Enfin, il présente des incohérences (pp. 9-10). Tous ces faits donnent à penser que la traduction de T. 1553, quelle qu'en ait été la date originelle, a pu être révisée, hâtivement d'ailleurs, sur la base de celle de T. 1550 (v. notamment p. 8 et n. 16). (2) L'auteur de T. 1553 s'appelle Ghosaka (p. 12). Trois personnages au moins portent ce nom: notre auteur; un Bhadanta 'tokharien' mentionné par Taranatha, qui le situe "après la conclusion du troisième concile et peu après la mort du roi Kanişka" (p. 13); et le fameux 'deuxième maitre' des Sarvästivädin. Au terme d'une discussion qui débat des problèmes historiques fort compliqués, et qui enveloppe l'analyse de nombreux topiques traités dans T. 1553, M. Van den Broeck conclut que l'on ne peut identifier ni notre auteur avec le deuxième maître (p. 21), ni celui-ci avec le "Tokharien' (p. 82), mais que, a priori, rien ne semble s'opposer à ce que ce dernier puisse être l'auteur de l'Amṛtarasa (ib.). Il n'est au demeurant "pas possible de déterminer avec certitude l'époque de notre auteur, ni même le milieu dans lequel son ouvrage a vu le jour" (p. 78). Ni le troisième1 concile ni la mort de Kaniska ne fournissent de repère sûr. Ce qui ressort de l'excellente analyse du texte conduite par M. Van den Broeck (pp. 25-76), c'est que l'Amṛtarasa est une adaptation de l'Abhidharmasara de Dharmaśrī (p. 78); mais l'époque et le pays de ce dernier étant mal déterminés, on n'en est guère plus avancé (p. 78-79). L'analogie des deux textes, T. 1553 et T. 1550, s'étend donc non seulement à leurs traductions chinoises, mais aussi aux originaux indiens. Il y a dans cette littérature d'Abhidharma un ensemble dont les relations internes sont malaisées à préciser. M. Van den Broeck exprime une saine réserve à l'égard des "constructions chronologiques sur une vaste échelle" (p. 78): l'histoire de la formation de l'Abhidharma dans l'Inde du nord-ouest et de sa transmission en Chine constitue "un problème d'une complexité extrême, dépassant de loin une simple question de rapports chronologiques", et où les facteurs géographiques, notamment, jouent un rôle important (pp. 76-77). La traduction (pp. 85-236), probe et soignée, est un bel exercice d'Abhidharma, d'autant plus méritoire qu'il s'agit, dans le T. 1553, d'une scolastique en formation, exposée par un

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