________________ 226 Genres litteraires en Inde grande que le kappiya est traditionnellement fort restreint, comme on verra (8 7). En theorie, le cariya est susceptible d'inclure aussi bien le vecu effectif que le vecu virtuel, allant du recit historique au recit de pure fiction, en passant par toutes les variantes et combinaisons possibles de ces deux extremes. Substantive, l'adjectif finira, du reste, par designer une forme de type bio-hagiographique: ex. Trisastisalakapurusacarita, "Biographie des soixante-trois grands hommes" ou "Histoire universelle jaina"; Jambusami-cariya, "Biographie du Maitre Jambu", etc. Une definition aussi vague laisse par ailleurs suffisamment de latitude pour que la fantaisie et l'imagination puissent s'exercer librement, au point que, reprenant la dichotomie "vecu" / "fictif", Vardhamanasuri, auteur jaina du XIIe S., ecrit dans la preface d'une katha: "Bien que d'esprit peu delie, j'ai tenu a composer l'histoire que voici. Elle tient tantot du vecu, tantot de la fiction. Ou plutot: tout y est vecu. Il n'y a, en ce monde, rien de fictif. Car dans le tourbillon infini du monde, il n'y a rien qui ne puisse etre10". 3. Pour estimer a leur juste valeur les distinctions secondaires que proposent les exegetes jaina, il faut se souvenir qu'elles ne sont pas necessairement d'ordre purement litteraire: kaha signifie d'abord "propos", et non uniquement "recit, histoire, narration". Or les jaina distinguent entre propos qui peuvent etre tenus et propos interdits, sujets tabous (vi-kaha, au nombre de quatre): c'est parfois dans ce contexte que prennent place les deux classifications maintenant examinees ($ 3-4)11. 10. Eso kaha-pabandho, kao mae manda-buddhina vi dadham katthai cariya-sameo, katthai puna kappiyanugao; ahava savvam cariyam, na kappiyam kim pi atthi bhuvanammi jam anante samsare, tam n'atth' iha jam na sambhavai, Manoramakaha, Ahmedabad 1983, p. 2. 11. Sthananga 4 (ed. Jaina Agama Series, Bombay 1985, p. 112; commentaire d'Abhayadeva, Ahmedabad 1937, p. 2006-201a): cattari vikahao..., cauvvviha kaha pannatta, et n. 8 p. 112 sur les hesitations de la tradition manuscrite entre les lecons kaha et dhamma-kaha (sur quoi voir infra SS 4). Le lien se fait de meme maniere dans la tradition exegetique du Dasavaikalika, ou l'analyse de kaha suscite celle de vikaha.