________________ Formes et terminologie du narratif jaina ancien 229 raconter de maniere a eveiller en l'auditeur le "bouleversement" necessaire (samvea), et le conduire au "detachement" (nivvea) qui constitue la finalite ultime et se trouve fortifie par la reflexion qu'a fait naitre la contradiction manifeste entre les deux premieres presentations. Etant donne ce cadre, on comprend que la deuxieme modalite ne soit pas jugee recommandable lorsque, comme c'est l'usage, on cherche a reconforter et stimuler, a ses derniers moments, un penitent qui a entrepris le jeune a mort: qu'il soit verse dans les Ecritures ou non, il doit alors se concentrer sur les trois joyaux de la doctrine jaina, et se barricader contre les autres doctrines21. 5. Pour evaluer la validite reelle des lignes de clivage ainsi tracees dans le vaste monde du narratif, il faut distinguer entre le narratif exegetique, anonyme ($ 5) et le narratif independant, signe (8 6). : Si l'on considere les formes simples de la katha, dont les commentaires regorgent, on constate d'abord que ces lignes de clivage, toutes connues qu'elles soient a l'epoque, n'ont guere d'impact. Le terme uniformement employe est kaha, sans plus de specification. L'element fondamental des textes ainsi designes est une "histoire" qui a valeur exemplaire ("Beispielerzahlung"). Elle a pour but d'illustrer un comportement correspondant a un terme technique precis: X incarne la compassion, Y la generosite, Z se sera distingue par la pratique de telle observance, etc. Cela implique une certaine technique dans l'art de conter. A ce stade, la katha se caracterise par sa brievete et le nombre limite de ses protagonistes. La forme en prose domine, sans pour autant que son emploi constitue un trait distinctif. L'absence de toute pretention litteraire est notable. Les figures de style (jusqu'a la comparaison sous sa forme la plus elementaire) manquent. On est frappe par la predominance, de l'action, presentee de maniere lineaire, les flashbacks etant exceptionnels. L'important est d'aller a l'essentiel: rien de ce qui retarderait le denouement, ou rejetterait dans l'ombre le personnage modele, n'a donc de place. Le recit est laconique, rapide, impersonnel. Consequence: l'absence totale de tout element descriptif touchant le decor aussi bien que les personnages, qui n'ont guere d'etoffe psychologique et representent des types plus que des 21. Ex. Bhagavati Aradhana v. 654.