________________ 254 Genres litteraires en Inde sa force est accrue du fait qu'elle est presentee comme prononcee par les Maitres (le Bouddha, Mahavira), dont la parole, necessairement vraie, fait autorite et qui en apparaissent comme les inventeurs. Elle suppose donc la foi de l'auditeur102. 9.3.4. Si la presence d'identites structurelles fortement accusees permet de reconnaitre comme appartenant a la meme famille des textes indiens qui se nomment differemment et ont ete elabores dans des cercles distincts mais non impermeables (jaina, hindous / bouddhistes), elle justifie egalement qu'on rattache au corpus ainsi etabli des textes qui ne se nomment pas eux-memes. Il en va ainsi d'un recit (a la premiere personne) inclus dans le Kathasaritsagara de Somadeva (XIe s), litterairement nettement plus travaille que les exemples d'ecole sus-dits. Un certain Vimalabuddhi relate au prince Msgankadatta sa propre experience (XII.3.85sqq.)103. Dans un premier temps, les lecteurs que nous sommes partagent la surprise du heros face aux choses de plus en plus surprenantes qu'il decouvre: une femme en train de faire tourner une roue avec des abeilles, les unes buvant l'ecume du lait vomi par un beuf, les autres l'ecume du sang vomi par un ane, et devenant, respectivement, blanches ou noires, puis se metamorphosant en araignees (XII.3.89-90), un serpent a deux tetes, l'une blanche, l'autre noire qui les pique; la tentative manquee de la femme pour neutraliser ces araignees en les mettant dans des pots; les cris de ces insectes, puis la disparition de cette vision fantastique remplacee par une autre (XII.3.98sqq.). Dans un second temps, tous les elements sont successivement identifies par un ermite (XII.3.107sqq.) comme faisant partie d'un spectacle montre au jeune homme. Les correspondances sont indiquees par le diptyque relatif-demonstratif ou l'emploi d'upama ("qui tient lieu de") en second terme de compose: la femme est Maya (l'illusion), la roue qu'elle faisait tourner est la roue des transmigrations, les abeilles sont les creatures, le beuf et l'ane sont, respectivement, le juste et l'injuste (dharmadharmau), le lait represente les bonnes actions et le sang les mauvaises; le serpent incarne la mort; les pots constituent les matrices, et ainsi de suite. L'agencement de ces correspondances 102. Voir supra n. 97; cf. W. SCHUBRING, Worte Mahaviras, p. 21-23. 103. Traduction anglaise dans The Ocean of Story being C.H. TAWNEY'S Translation of Somadeva's Katha Sarit Sagara ... 1926, reimpr. Delhi 1968, vol. VI, p. 30-33.