________________ Formes et terminologie du narratif jaina ancien 249 bons serviteurs75. Sans compter que les actants ne sont pas toujours des etres humains; les choses et les abstractions y jouent un role non negligeable (ainsi les lotus, l'eau et la boue dans le nava du s 9.2.176). En somme, la generalite semble convenir a l'exemplarite. Lorsqu'elle s'efface au profit de l'histoire individuelle, on glisse aisement de la parabole a la legende: le recueil canonique des Nayadhammakahao manifeste cette double tendance77. 9.3.2. Si rien ne fait obstacle, en theorie, a une lecture purement litterale du texte pour lui-meme, il est clair qu'il ne saurait etre complet si ce premier niveau n'est pas depasse. Toujours sentie comme necessaire, l'articulation du plan litteral au plan ideologique est le fait du narrateur du recit, ou, en cas de parabole autobiographique78, le fait d'un second narrateur. Elle se fait ordinairement par le biais d'une formule de transition: ainsi "voila l'exemple, il faut maintenant indiquer son sens" dans la Kalpanamanditika79. Plus couramment, les termes-signaux sont upasamhara ou upanaya "application, lecon"80; et encore yojana: ce dernier terme (derive de YUJ- "lier") correspond assez bien a la "conjointure" qui, dans la litterature medievale occidentale, designe "l'ajustement" du "sens obvie (sensus litteralis), resultant de la succession des unites du texte" au "sens (sententia)81". Les textes nomment volontiers bhavartha ce "vrai sens"82, dont il apparait qu'il n'est pas toujours facile a saisir. En effet, lorsque naya et uvama sont proposes a un interlocuteur, ce dernier manifeste souvent son etonnement face a ce qui lui a ete expose, qu'il considere comme 75. Nayadhammakahao 1.7. 76. Voir aussi les titres de plusieurs naya des Nayadhammakahao. 77. Bien vue par W. HUTTEMANN, Die Jnata-Erzahlungen im sechsten Anga des Kanons der Jinisten, Strassburg 1907, p. 27-28. 78. Majjhima-nikaya I 143 (infra); Kathasaritsagara XII.3.85sqq. (infra, $ 9.3.3). 79. Esa drstantah, ayam punar artho drastavyah: Luders, op. cit., p. 53. 80. Upasamhara: ex. Dasavaikalika-niryukti v. 134; Avasyaka-curni II 55,9; II 218,8; Samaraiccakaha 113.28; upanaya: ex. Avasyaka-curni II 54,5; II 217,2; Abhayadeva ad Nayadhammakahao 1.7, 9, 12, 15, 16, 17, 18, 19, cite W. SCHUBRING, Nayadhammakahao, p. 74sqq. 81. P. ZUMTHOR, Essai de poetique medievale, p. 362; ou encore "la description a espondre": "Une description ou, a la rigueur, un bref recit constitue une enigme pour le lecteur, souvent represente dans le texte par le narrateur. Une seconde partie, plus longue, espont, explique le sens de l'enigme": P.-Y. BADEL, "Le Poeme Allegorique" in Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, Band VIII/1, Heidelberg 1988, p. 147. 82. Ex. Upamitio 165.14; 535.16.