________________ Formes et terminologie du narratif jaina ancien 231 seulement24. Quant a Uddyotanasuri, il mentionne pour memoire une typologie dont la terminologie rappelle en partie celle des poeticiens: sayala-kaha ("histoire totale"), khanda-kaha ("histoire fragmentaire"), ullava-kaha ("histoire conversation"), parihasa-kaha ("histoire drole", peut-etre satirique) et vara-kaha ("?")25. S'y ajoute un type "mixte combinatoire". Pour la premiere fois, la definition prend egalement en compte des criteres de forme, et non plus seulement de contenu. Selon cet auteur, la samkarna-katha exige en effet une certaine bigarrure linguistique (prakrit / langues locales / sanskrit), le recours a des modes de composition varies (dialogue / recit / description), des metres et des styles differents, l'intervention de protagonistes de tout poil26. Le comique et l'erotique y ont leur place. Dans l'ensemble, c'est pourtant le classement quadripartite base sur les differents buts de l'homme (SS 3) qui retient toute l'attention de nos auteurs27; c'est par rapport a lui qu'ils se determinent. Il etait du devoir des theoriciens de se contenter d'exposer impartialement des definitions; il revient, en revanche, aux praticiens de la litterature de dire comment ils hierarchisent le classement traditionnel, quelle variete a leur preference et ou ils rangent leur aeuvre. Un premier point est clair: tous sont d'accord pour admettre que les deux premieres categories (atthakaha et kamakaha) sont a rejeter, et ne peuvent etre prisees que par des auditeurs enclins a de mauvaises dispositions, en proie aux passions, et donc peu aptes a progresser moralement28. Tous admettent egalement que la meilleure est la dhammakaha, seule variete que 24. Tiviham kaha-vatthum ti puvvayariya-pavao, tam jaha: divyam, divvamanusam, manusam ca, Samaraiccakaha, ed. H. JACOBI, Calcutta 1926, 2.11 sqq.; de meme Kouhala, Lilavai-Kaha, ed. A.N. UPADHYE, Bombay 1969, v. 34-35 (trad. anglaise de S.T. NIMKAR, Ahmedabad 1988). 25. Kuvalayamala 4.5sqq.; Kuvalayamala de Ratnaprabhasuri en sanskrit, *2.2226. A.K. WARDER, Indian Kavya Literature, vol. 4, p. 544sq.; les deux premiers termes sont egalement connus d'Anandavardhana, auteur du Dhvanyaloka (trad. Ingalls et alii, Harvard University Press 1990, p. 419) et d'autres poeticiens, cf. V. RAGHAVAN, Bhoja's Srngaraprakasa, Madras 1963, p. 611 sqq. 26. Kuvalayamala 4.6sqq., et notes d'Upadhye p. *127 pour le detail des termes. 27. Et de bien d'autres: ex. Gunapala, Jambucariya, Bombay 1959 (Singhi Jain Series 44), p. 2 v. 22-24. 28. Samaraiccakaha 3.10sqq.; Upamitio v. 26-29 p. 3-4. Pour classer les auditeurs, les deux auteurs ont recours a une terminologie (d'origine philosophique mais devenue banale) qui distingue entre auditeurs de nature passionnee, tenebreuse, vertueuse (rajasa, tamasa et sattvika).