Book Title: L Indianisme Et Les Prejuges Occidentaux
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Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX* L'Inde a ete de tout temps en Occident l'objet d'idees preconcues. L'indianisme a pu corriger la plupart de ces preconceptions, mais il en a malheureusement retenu certaines. Parmi celles-ci, l'idee de la grande anciennete de l'Inde, qui est elle-meme ancienne; pourtant, elle influence jusqu'a ce jour les efforts pour dater la periode vedique. Un prejuge plus recent concerne la celebre grammaire de Panini. Elle est l'objet de l'admiration des linguistes modernes, qui ont tendance a privilegier ses ressemblances avec la linguistique d'aujourd'hui. Mais cela comporte le danger que l'on neglige d'autres aspects, peut-etre moins acceptables pour la pensee contemporaine. L'Inde, plus peut-etre que les autres cultures non europeennes, a ete de tout temps en Occident l'objet d'imaginations exotiques. Dans le monde grec, des le cinquieme siecle avant notre ere, on la croit peuplee de toutes sortes de monstres'. Cette croyance survit encore dans les idees portant sur l'Inde au Moyen Age. Certains de ces monstres sont representes en Europe, par exemple, dans les vitraux de la cathedrale de Lausanne2. Ce n'est qu'apres le renouvellement du contact avec l'Inde que la croyance aux monstres indiens disparait lentement?. Cette croyance n'est qu'un exemple extreme de choses imaginaires attribuees a l'Inde. Cet exemple est aussi parmi les plus innocents. Une telle croyance ne pouvait que disparaitre avec l'intensification des contacts. Il existe pourtant d'autres idees sur l'Inde, moins extremes, mais beaucoup plus tenaces. Vous avez certainement entendu parler de la sagesse indienne, une idee presque aussi ancienne que celle de ses monstres, mais toujours vivante. Je n'ai point l'intention d'enumerer les imaginations populaires qui ont existe, et existent encore, au sujet de l'Inde. Je propose plutot de considerer si, et dans quelle mesure, l'indianisme moderne subit l'influence de telles idees preconcues. J'aborderai ce point par deux exemples concrets. Mon premier exemple porte sur l'anciennete de l'Inde: la culture indienne est censee etre tres ancienne. Cette croyance elle * Lecon inaugurale prononcee le 27 avril 1989 a l'Universite de Lausanne. Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 120 . ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX 121 meme a un age respectable en Occident. J'en esquisserai brievement l'histoire de ses origines a nos jours, tout en me concentrant sur les arguments qu'on utilisait pour en prouver la veracite. Des le premier siecle avant notre ere l'Inde a commence a jouer le role de pays d'origine de la sagesse, d'ou Pythagore et d'autres sages anciens etaient censes avoir tire leurs ideess. Il est possible que cette croyance exprimait le besoin des Grecs de la periode hellenistique d'accepter l'anteriorite et la superiorite de la sagesse orientale6. Elle est restee, neanmoins, le point de depart de bien des opinions sur ce sujet qui se sont developpees dans l'Europe moderne. Dans la periode moderne, la decouverte de l'Asie par les Europeens confirma de facons diverses qu'il s'agissait la du continent le plus ancien du monde. Il y eut, par exemple, Francois Bernier, le premier Europeen a sejourner au Cachemire, dans la deuxieme moitie du dix-septieme siecle (1664-1665), qui suggera que le paradis terrestre se trouvait au Cachemire plutot qu'en Armenie, pour la simple et bonne raison que le Cachemire le frappait comme paradisiaque?. Il y eut John Webb, un Anglais, qui essaya de prouver, en 1669, que le chinois etait la langue originelle de l'homme, idee qui ne manqua pas d'interesser Leibniz8. Il y eut, un siecle plus tard, l'historien de l'astronomie Jean Sylvain Bailly, qui deduisit de la presence de l'astronomie parmi les Chinois, les Indiens, les Egyptiens et les Chaldeens, que ces quatre peuples anciens l'avaient tiree d'une civilisation encore plus ancienne, antediluvienne, qui se serait situee en Asie du nord'. Il y eut le penseur allemand Johann Gottfried Herder, qui argua de la presence de l'Himalaya, la montagne la plus haute du monde, pour demontrer que celle-ci etait le berceau de l'humanite; en effet, elle ne pouvait qu'etre la premiere a emerger du deluge initial 10. Il y eut, enfin, au debut du dix-neuvieme siecle encore, le linguiste Johann Christoph Adelung, qui souscrivit a cette meme opinion. Une confirmation portant plus directement sur l'anciennete de la culture indienne fut fournie par les vues des Indiens euxmemes. Selon eux, l'histoire de ce monde est divisee en quatre periodes, dont nous vivons la derniere. Cette derniere periode, la pire des quatre, a commence plus de trois mille ans avant le debut de notre ere. Faute d'indications plus fiables, les premiers historiens occidentaux furent portes a accepter ces dates; ils les attribuerent aux parties les plus anciennes de la litterature sanscritell. : Notons que la date de trois mille ans avant notre ere est une date tres reculee, certainement du point de vue du dix-huitieme siecle. Elle precede celle du patriarche Abraham, etant proche de l'origine meme de la civilisation humaine, proche aussi de la langue originelle de l'humanite 12. Il n'est donc pas etonnant que, des le dix-huitieme siecle, une tendance se manifeste a faire deriver les autres cultures de l'humanite de la culture indienne 13. Parmi ceux qui reprennent ces idees, le plus celebre est peut-etre Voltaire, qui est d'avis que la culture la plus ancienne et la pensee religieuse la plus originelle se trouvent en Inde 14. Notons bien que Voltaire base ses opinions sur l'Ezourvedam, livre fabrique qu'il considerait pourtant comme tres ancien 15. Dans une lettre adressee a Frederic le Grand du 21 decembre 1775, il va jusqu'a dire que <> 16. Pour Voltaire, comme pour d'autres auteurs, l'anciennete de la religion indienne etait de poids dans le contexte de leur critique du christianisme 17. Un chretien comme William Jones, l'un des premiers vrais indianistes, allait essayer de sauvegarder les dates bibliques, aussi pour l'histoire de l'Inde. Mais meme Jones arrivait a une date assez reculee, 1580 avant notre ere, pour la composition du Veda 18. Le theme de l'Inde comme origine de la culture et de la religion survivait encore au dix-neuvieme siecle, meme parmi ceux qui avaient acces a des textes sanscrits. Je ne peux que mentionner quelques exemples. Friedrich Schlegel (1772-1829) etudia le sanscrit de 1802 a 1808. Dans ses ecrits de cette periode il recommande le retour aux sources orientales, indiennes en particulier, d'ou, comme il le dit en 1803, sont parvenues jusqu'a nous chaque religion et chaque mythologie 19. Toujours en 1803 il ecrit, dans une lettre a Ludwig Tieck, que toutes les langues, toutes les pensees, et tous les poemes de l'esprit humain derivent de l'Inde; il va meme plus loin: <>20. Dans ses Vorlesungen uber Universalgeschichte de 1805/1806 il pretend que les langues et cultures perses, allemandes, grecques, ainsi que celles de la Rome ancienne, sont derivables de la langue et de la culture indiennes 21. Schlegel, il est vrai, est plus reserve dans son livre Uber die Sprache und Weisheit der Inder, publie en 180822. Mais il croit toujours a la priorite des sources indiennes dans le domaine de la linguistique, de la mythologie, et de la philosophie23. Beaucoup plus tard, dans les annees quatre-vingts du dix-neuvieme siecle, Max Muller, celebre pour son edition du Rigveda, dit encore: <Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 122 ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX 123 maison', pleine de souvenirs, si seulement il peut les lire24.>> Ces remarques de la part de Max Muller ont une importance considerable: elles viennent de la bouche meme de celui qui avait prodose, vingt-quatre ans plus tot, en 1859, les dates pour la periode vedique qui sont devenues classiques, comme nous le verrons par la suite. Nous avons, jusqu'ici, parle de trois preuves qui pretendument soutiennent la these de l'anciennete de la culture indienne: (i) la tradition classique, (ii) les speculations quant a la region originelle de l'humanite, et (iii) les croyances indiennes sur les ages du monde. La valeur de ces trois preuves n'est pas considerable, et ne l'etait pas meme vers la fin du 18e siecle. On continuait donc a en chercher d'autres, pour soutenir un resultat qui etait pourtant deja determine. A la fin du dix-huitieme siecle l'indianisme comme discipline reguliere fut etabli, a Calcutta, par un petit groupe d'hommes energiques, qui se reunissaient dans l'Asiatic Society. C'est ici qu'on essaya, des 1790, de trouver des methodes plus fiables pour dater les Vedas 25. Dans ce but on exploita les donnees astronomiques qu'on pensait trouver concernant les textes vediques. Colebrooke, l'un de ces savants, arriva au resultat que, probablement, les Vedas n'avaient pas ete arranges sous leur forme presente avant le quatorzieme siecle avant notre ere; il ajouta pourtant que ses arguments n'etaient que vagues et conjecturaux (1801: 201)26. L'exemple de Colebrooke et de ses predecesseurs, parmi eux William Jones, fut suivi par bien des savants ulterieurs, malheureusement sans aucun resultat determinant. Les arguments astronomiques sont aujourd'hui laisses de cote par la plupart des savants competents27. Retournons a l'epoque des premiers indianistes. Il se presentait a eux un argument qui, s'il ne donnait pas de resultats precis, etait plus scientifique et donc plus puissant que tous les autres. C'etait la pretendue decouverte de l'anciennete du sanscrit au sein des langues indo-europeennes. Nathaniel Brassey Halhed ecrit en 1779 qu'a son avis le grec et le latin pourraient etre derives du sanscrit28. William Jones, en 1786, est plus prudent: il parle d'une source commune, qui, peut-etre, n'existe plus 29. Mais Friedrich Schlegel, comme nous l'avons vu, regarde, en 1808, la langue indienne comme plus ancienne que les autres, et considere comme probable que le grec et le latin soient derives du sanscrit 30. Franz Bopp, souvent considere comme le fondateur de la linguistique indo-europeenne, laisse ouverte la question de savoir si les langues indo-europeennes derivent du sanscrit ou d'une mere commune31. Mais l'idee persiste. Barthelemy Saint-Hilaire, en 1853 encore, ecrit: <> Il estime l'age des Vedas a quatre ou cing mille ans 32. Alors deja, cette position etait extreme. L'opinion, d'autre part, selon laquelle la forme prehistorique de l'indo-europeen etait tres proche du sanscrit, fut maintenue jusqu'a la fin des annees soixante-dix du 19e siecle, moment ou elle aussi fut abandonnee 33 Pendant toute cette periode, donc, on avait de bonnes raisons -- raisons de nature linguistique -- de croire que le sanscrit etait une langue tres ancienne, plus ancienne que les langues classiques de l'Europe. Il n'etait que naturel d'en conclure que la litterature la plus ancienne en sanscrit, c'est-a-dire la litterature vedique, etait aussi ancienne, plus ancienne donc que la litterature de l'Antiquite europeenne 34 Malheureusement la litterature vedique ne contient pas d'indications claires concernant sa date. Il s'agit d'un corpus de textes religieux qui ne se referent pas a des evenements datables. Il est donc tout a fait comprehensible que plusieurs indianistes se soient abstenus de faire des estimations chronologiques exactes, tout en maintenant que leurs textes etaient tres anciens. Selon Emile Burnouf, opinion qu'il enoncait dans sa lecon inaugurale pour la chaire de sanscrit a Paris en 1833, <>3s; neanmoins, dit-il quelques pages plus loin, la recherche de l'indianisme s'occupe egalement d'une page des origines du monde, de l'histoire primitive de l'esprit humain 36. En 1848, Alexandre Langlois dit du Rigveda: <> En 1852, Albrecht Weber rejette comme vaine toute tentative de determiner la date du Veda. Il est pourtant d'avis que la litterature indienne est la plus ancienne dont nous possedions des documents ecrits 38. Max Muller, dans l'avant-propos de son edition du Rigveda parue en 1849, Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 124 . ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX 125 se contente de dire que le Veda est le document litteraire le plus ancien du monde indo-europeen 39. ! Dix ans plus tard, en 1859, ce meme Max Muller presente une. calculation des dates de l'ere vedique qui, depuis lors, est devenue la base de toute reflexion a ce sujet jusqu'a nos jours 40. S'agit-il d'un autre argument qui ne vise qu'a prouver un resultat deja determine? Malheureusement il semble que oui. Regardons-le de * plus pres. La position qu'on pourrait appeler <>, se laisse schematiser de la facon suivante41: Le role-cle est joue par deux personnalites: le Buddha, fondateur du bouddhisme, d'une part, et Panini, le grand grammairien, de l'autre. La litterature vedique est censee les preceder tous deux. On conclut de cela que les upanisad anciennes appartiennent au septieme siecle environ, la litterature du type brahmana a l'an 800 environ, les samhita a l'an 1000 environ, et le Rigveda a l'an 1200 environ; toutes ces dates avant le debut de notre ere. Ajoutons que cette calculation est parmi les plus modestes qu'on trouve dans la litterature. Ajoutons aussi que ces dates ne sont acceptees que comme approximatives. Reste pourtant qu'on ne se rend generalement pas compte que les arguments sur lesquels elles se basent ne tiennent pas. Une analyse plus serree le montre: Les deux arguments que voici tournent autour du Buddha: 1. Les textes bouddhiques les plus anciens deja presupposeraient le Veda. Le Buddha aurait vecu environ en l'an 500 avant notre ere, le Veda precederait donc cette date. 2. Le bouddhisme presuppose la doctrine de la renaissance et de la retribution des actes, bref, la fameuse loi du karman. En effet; le bouddhisme montre la voie pour s'en echapper. La litterature vedique, d'autre part, ne connait cette doctrine qu'a l'epoque des premieres upanisad. Ces upanisad seraient donc chronologiquement anterieures au Buddha; elles seraient a dater du septieme siecle avant notre ere, et les autres textes vediques de periodes anterieures a cette date. ... Malheureusement: 1. (i) Il n'est pas vrai que les textes bouddhiques les plus anciens presupposent la totalite de la iitterature vedique. Ils ne mentionnent ni les brahmana, aranyaka et upanisad, ni meme le Rigveda, Yajurveda et Samaveda. (ii) Il n'est pas du tout sur que les textes bouddhiques, sous leur forme presente, datent du temps du Buddha. Ils n'ont ete mis par ecrit qu'au premier siecle avant notre ere. (iii) La date du Buddha est incertaine. La recherche recente suggere une date au quatrieme plutot qu'au 'cinquieme ou meme sixieme siecle avant notre ere 42. 2. L'absence de la doctrine de la renaissance et de la retribution des actes dans une partie des textes vediques pourrait s'expliquer par le fait que les brahmanes vediques n'acceptaient pas cette doctrine. Certains passages des upanisad soutiennent ce point de vue. Dans l'un de ceux-ci (ChU 5.3-10) cette croyance est presentee comme une doctrine secrete, revelee par un ksatriya, membre de la deuxieme caste, celle des guerriers, a un brahmane. Cette situation curieuse est aggravee par une remarque du ksatriya, selon laquelle le fait meme que les ksatriyas connaissaient cette doctrine, leur assurait la souverainete, aux depens des brahmanes. Ce texte admet donc que la doctrine du karman existait prealablement a son acceptation par les brahmanes vediques. Deux arguments, aussi tournent autour de Panini. Notons d'abord que la date de ce grammairien semble anterieure a l'an 350 avant notre ere. Certains auteurs preferent une date plus ancienne de quelques siecles. Regardons maintenant les arguments: 1. La langue decrite dans la grammaire de Panini est plus 'moderne' que la langue vedique. Panini devrait donc postdater les textes composes en langue vedique. 2. Panini connait le nom de Sakalya, personnage considere comme responsable de la forme orthoepique definitive du Rigveda. Il est prouve que certains textes vediques connaissent le Rigveda - ou des parties de celui-ci -- sous une forme plus ancienne que celle-la. Ces textes seraient donc plus anciens que Panini. Ces arguments perdent leur valeur pour les raisons suivantes: 1. Il est vrai que la langue principalement (mais pas exclusivement) decrite par Panini est plus moderne que la langue vedique. Cela n'exclut pourtant point qu'un dialecte archaique ait encore ete utilise dans des contextes sacres ou liturgiques, comme c'est frequemment le cas ailleurs dans le monde. En effet, plusieurs indications soutiennent ce point de vue, indications qui sont trop techniques pour en parler ici43. 2. Il est vrai aussi que Panini connaissait Sakalya, mais celuici n'etait pas responsable de la forme actuelle du Rigveda. En effet, cette forme n'existait pas encore a l'epoque de Panini et meme pas, comme il semble, au milieu du deuxieme siecle avant notre ere 44 Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 126 ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX 127 Il n'est malheureusement pas possible d'entrer plus dans les details en ce qui concerne ces arguments: cela nous menerait a des considerations compliquees et souvent techniques. Il n'est, en outre, nullement dans mon intention de proposer de nouvelles dates pour la litterature vedique. Mon but est beaucoup plus modeste. J'ai voulu montrer que les arguments qui soutiennent pretendument les dates de la litterature vedique, semblent avoir ete influences par la conviction prealable de l'anciennete de la culture indienne, comme l'etaient tous les arguments precedents dont nous avons parle45. Apres avoir envisage une premiere idee preconcue - l'anciennete de l'Inde - abordons-en brievement une autre. Notons que l'idee de l'anciennete de l'Inde est elle-meme ancienne. Notre deuxieme exemple, en revanche, n'a vu le jour que recemment. Il porte sur l'appreciation en Occident de la linguistique indigene de l'Inde, et de la grammaire de Panini en particulier. Nous avons deja rencontre Panini au cours de cette conference. Il etait l'un des piliers sur lesquels on avait erige l'edifice de la datation du Veda. Sa grammaire fut preservee et intensivement etudiee durant toute la periode de sa composition jusqu'a nos jours; elle a joue un role majeur dans la preservation de la langue sanscrite a travers tous ces siecles. La reception de cette grammaire parmi les indianistes occidentaux fut variee, et fortement influencee par les theories et pratiques linguistiques qui etaient a la mode a chaque epoque. L'ascension de la linguistique synchronique contribua beaucoup a son appreciation, et c'est le linguiste Leonard Bloomfield qui caracterisa la grammaire de Panini comme <> (1970: 16). De telles affirmations ne peuvent que plaire a l'indianiste qui s'occupe de cette grammaire. Elles donnent une justification externe a son travail, qui est difficile et generalement mal compris des non-inities, y compris de la plupart de ses collegues au sein de l'indianisme. Mais elles apportent aussi un danger. Si Panini est apprecie parce que, et dans la mesure ou, il ressemble a un linguiste moderne, le chercheur risque d'accentuer ces aspects de la grammaire de Panini, aux depens de ceux ou il pourrait differer d'un linguiste moderne. Ces autres aspects existent pourtant aussi. L'aspect semantique, auquel je vais maintenant consacrer quelques mots, en est un exemple 46. La grammaire de Panini construit des enonces en sanscrit (des mots, mais plus generalement des phrases) sur la base d'elements grammaticaux. Elle n'offre donc point une analyse du sanscrit, mais plutot une synthese. Les elements grammaticaux expriment chacun un ou plusieurs sens. Le sens de l'enonce construit par la grammaire est l'ensemble des sens des elements constituants. Ce scheme semantique n'est point celui de la linguistique moderne, et il presente effectivement des problemes, que les commentateurs de Panini discutent avec force details 47. Je n'en dirai pas plus, mais je tiens a vous rendre attentifs a un cas ou la nouvelle appreciation de Panini, en combinaison avec la negligence de certains aspects de sa grammaire, a mene a une opinion tout a fait douteuse. Il s'agit des commencements de la linguistique indoeuropeenne au debut du 19e siecle. C'est Franz Bopp - un autre nom que nous avons deja rencontre -- qui fonda cette branche d'etudes, et qui la domina pendant un demi-siecle. Bopp basait ses decouvertes sur la nouvelle connaissance du sanscrit, dans lequel il discernait bien des traits communs avec d'autres langues, specialement avec les langues classiques d'Europe. Mais sa connaissance du sanscrit derivait - indirectement, il est vrai - de la grammaire de Panini. C'est la grammaire de Panini qui lui offrait l'analyse des mots du sanscrit, et qui lui permettait d'analyser les mots d'autres langues de facon semblable 48. L'influence de Panini sur l'origine de la linguistique indoeuropeenne est indeniable. Certains auteurs vont meme plus loin, et pretendent qu'il n'y aurait pas eu de linguistique occidentale sans l'exemple de Panini 49. Il me semble que ces enthousiastes de Panini vont au-dela du justifiable. Il existe des indications, d'une part, que la linguistique occidentale aurait existe meme sans Panini, et, d'autre part, que l'influence de Panini n'a pas seulement aide la linguistique europeenne, mais qu'elle a en meme temps, a certains egards, freine son developpement. Je parlerai brievement de ces deux points. D'abord l'hypothese que la linguistique indo-europeenne depend de Panini: en 1814, deux ans avant la publication du premier livre de Franz Bopp, le Danois Rasmus Kristian Rask gagna un prix avec un manuscrit sur l'origine des langues scandinaves. On y trouve la methode correcte de l'etude comparative de langues, specialement l'importance de la flexion grammaticale a cet egard. Mais Rask ne connaissait ni le sanscrit, ni la grammaire de Panini. Le manuscrit de Rask, il est vrai, ne fut publie qu'en 1818, c'est-a-dire apres le livre celebre de Bopp; de surcroit, il etait en danois, ce qui a limite sa circulation. Il est neanmoins Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 128 . . ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX 129 culture indienne, mais de retomber dans des idees occidentales preconcues. C'est avec cette observation que je conclus ma conference. L'indianiste s'occupe de la culture indienne, bien sur. Mais pour ce faire il doit se rendre compte de ses preconceptions, de ses expectatives, de ce qu'il s'attend a trouver dans le domaine de ses etudes. Il est toujours en danger d'y superposer des idees qui n'ont rien a voir avec la culture qu'il etudie. Johannes BRONKHORST. NOTES clair que Panini et le sanscrit n'etaient pas des conditions absolues' pour le commencement de la linguistique indo-europeennes. Ce premier point est deja bien connu des historiens de la lin-. guistique. Le deuxieme point, celui de la possible influence negative de Panini, ne l'est pas. On a pourtant remarque quelques idees insolites dans les ouvrages de Franz Bopp, idees dont la linguistique indo-europeenne a mis un demi-siecle a se debarrasser. En bref, Bopp croyait que la langue indo-europeenne originelle consistait en agglutinations d'elements signifiants. Il cherchait dans les mots les elements primitifs, dont chacun etait cense exprimer un element semantique. Il n'est pas possible de discuter de ces idees de facon plus detaillee ici. Il suffit de dire qu'on s'est efforce de trouver leur sourcesi. On a propose Wilhelm Gottfried Leibniz ainsi que Johann Christoph Adelung, sans qu'on ait pu prouver que Bopp avait lu ces deux auteurs. Il est neanmoins clair, comme nous venons de le voir, que la facon de considerer les mots comme des agglutinations d'elements primitifs, chacun doue de son propre sens, caracterise la pensee de Panini aussi bien que celle de i Bopp 52. Il n'est donc pas temeraire de supposer qu'ici aussi se montre l'influence de Panini. Les deux exemples dont je viens de parler portent sur des idees claires et facilement identifiables au sujet de l'Inde. La situation n'est pas toujours aussi transparente. Mais le danger d'attribuer des idees occidentales a la culture indienne est toujours present, specialement dans l'interpretation de textes anciens. Une des taches de l'indianiste est de s'en rendre compte, et d'essayer d'eviter les erreurs qui pourraient en resulter. * * * Filliozat, 1981: 102 sq. 2 Voir Beer, 1975, specialement pp. 242-243. 3 Voir Weinberger-Thomas, 1988; Bouchon, 1988. 4 Quoique certains voyageurs des 13e et 14deg siecles deja aient doute de l'existence de ces monstres (Phillips, 1988: 194-195), les mythes furent perpetues pour quelques siecles encore (Bouchon, 1988: 74). Parmi les auteurs qui ont contribue a cette croyance: Alexandre Polyhistor, auteur d'un livre Indika (env. 70 av. J.-C.), Apulee (env. 150 ap. J.-C.), Philostratos (debut du troisieme siecle ap. J.-C.). Voir Sedlar, 1980: xx. 6 Sedlar, 1980: 264: <<... the Greeks of the Hellenistic age had a deeply felt need to assume the priority and the superiority of Oriental wisdom...>>. 7 Voir Bernier, 1670-1671: 306. A noter qu'on avait cherche le paradis en Asie deja avant Bernier: le franciscain Jean de Marignolli par exemple, au 14deg siecle, le croyait a, ou pas loin de Ceylan. Voir Abeydeera, 1988. 8 Etiemble, 1988: 382 sq. A noter que des idees semblables furent encore exprimees au 19e siecle, par exemple par Max Muller en 1854; cf. Kuper, 1988: 52 sq. Voir aussi Mounin, 1985: 201. 9 Bailly, 1775; 1777; 1805. Voir aussi la lettre de Bailly dans Palmezeaux, 1810: 147-157. 10 Voir Herder, 1785: 399 sq. On trouve des idees semblables dans les ecrits de Emmanuel Kant (1775; voir Glasenapp, 1954:25), Eberhard August Wilhelm von Zimmermann (1778: 114, 201; 1783: 250), Cornelius de Pauw (1772: 392 sq.) et Peter Simon Pallas (1777: 14 sq.). Christian Dohm chercha, en 1774, le berceau de l'humanite en Inde (Willson, 1964: 26). 11 Les Anglais Alexander Dow (1768: I: xxv; voir aussi p. 2 de la nouvelle introduction de la deuxieme edition) et John Zephaniah Holwell (1765-1767: II: (10) (22)-(23)), dont les livres sur l'Inde etaient tres influents au 18e siecle, mentionnent ces dates favorablement. D'apres les renseignements obtenus par Anquetil Duperron et reproduits dans l'introduction de sa traduction du ZendAvesta, publiee en 1771, les Vedas auraient ete composes <> (1771: ccclxiv). Arrive au terme de cette conference, je voudrais insister sur le fait que l'indianisme est un sujet fascinant. Il nous permet de transcender le cadre de la pensee occidentale, et de nous mettre dans la peau de penseurs appartenant a une autre culture, riche, vaste et variee. On comprend que beaucoup d'indianistes aiment leur' matiere," et qu'ils aient tendance a vouloir la rendre encore plus extraordinaire qu'elle ne l'est deja. Mais c'est la le piege. On est tente de perdre de vue la realite. On peut finir par croire que la culture indienne est plus ancienne qu'elle ne l'est; que la grammaire de Panini est plus parfaite qu'elle ne l'est; que la linguistique occidentale doit son existence a celle-ci. Ce faisant, comme je viens de le montrer, on risque non pas de comprendre mieux la Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 130 ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX 131 12 Voir Neumann, 1967: 10. 13 Dow s'exprime prudemment, mais positivement (1768: I: iv-v). Holwell est plus decide: il n'a pas de doute que la mythologie et la cosmogonie des Egyptiens, des Grecs et des Romains fussent empruntees aux doctrines des brahmanes (1765-1767: 1: (3)). Friedrich Majer defend, en 1798, la these que l'Inde est a l'origine de la culture (Merkel, 1948: 167). 14 Brumfitt, 1963: 54 sq., 138 sq.; Marshall, 1970: 31; Halbfass, 1981: 73. Voir aussi les lettres de Voltaire a Bailly, dans Bailly, 1777. 15 Voir Ludo Rocher, 1984: 3-7. 16 Besterman, 1964: 182. 17 Marshall, 1970: 25 sq. A noter que F.A. Korn, sous le pseudonyme de F. Nork, publia en 1836 encore un livre qui devait prouver que les Hebreux sont originaires de l'Inde, idee qui n'est pas sans antecedent antique (Filliozat, 1981: 118). Peter von Bohlen, en 1830, cherche a prouver que l'Egypte ancienne fut , 'influencee par l'Inde (Windisch, 1917: 86 sq.). 18 Marshall, 1970: 35 sq. 19 Schlegel, 1803: 74 sq. 20 Ludeke, 1930: 140. 21 Schlegel, 1805-1806: 19. 22 Halbfass, 1981: 94 sq.; Struc-Oppenberg, 1975: CCVI. 23 Schlegel, 1808: 115, 193, 310 sq. : 24 Muller, 1883: 31-32: <> : 28 Voir Davis, 1790; Jones, 1790; Wilford, 1799: 288; Colebrooke, 1801: 200; 1805: 106 sq. A noter que pour William Jones, en 1788, it etait impossible <> (Kopf, 1969: 38). 26 M.F. Neve s'en rapporte aux resultats et arguments de Colebrooke en 1842 (pp. 11-12) encore. La date du quinzieme siecle avant notre ere parait regulierement dans les estimations ulterieures, par exemple, Wilson, 1854: v. 27 A. Parpola (1985: 100-101) constitue une exception partielle, en concluant de certains passages vediques que le calendrier vedique fut introduit environ en l'an 2240 avant notre ere, dans la civilisation urbaine de Harappa. Cette conclusion est critiquee par K.R. Norman (1987: 195-196). 28 Marshall, 1970: 10; Rocher, 1983: 77 sv... 29 Voir Gipper et Schmitter, 1979: 38, 30 Mayrhofer, 1983: 129; mais voir aussi Neumann, 1967: ii n. 5. 31 Neumann, 1967: ii n. 5. 32 Saint-Hilaire, 1853: 390, 391. 33 Voir Mayrhofer, 1983: 130 sq. 34 Henry Maine, dans son Ancient Law (1861), essaie de retracer l'histoire des idees legales a partir de l'Inde et des Germains anciens, a travers Rome, jusqu'a l'Angleterre moderne: voir Kuper, 1988: 22-23. 35 Burnouf, 1833: 272. 36 Burnouf, 1833: 278. 37 Langlois, 1848: i. 38 Weber, 1852: 2; cite par Winternitz (1908: 247). 39 Muller, 1849: v. 40 A noter que les arguments principaux se trouvent deja dans Roth, 1846. A noter egalement que certains savants restaient critiques: Barth (1879: 43) et Schayer (1937: 96 (516]), par exemple, ont des doutes quant a une date prebouddhique des 'anciennes' upanisad. 41 Pour un resume assez recent, voir Mylius, 1970; aussi Gonda, 1975: 20 sv., 360; Mylius, 1983: 29-30. 42 Voir Bechert, 1986. 43 Voir Bronkhorst, 1982. 44 Voir Bronkhorst, 1981, 1987. 45 L'archeologie n'a pu contribuer a la datation des textes vediques; v. Allchin and Allchin, 1982: 298 sq. Colin Renfrew (1987: 182) a meme mis en doute l'invasion des Aryens en Inde. La presence de quelques mots etroitement apparentes a l'indo-aryen dans deux documents du 14deg siecle avant notre ere trouves en Asie occidentale ne permet aucune conclusion precise (P.-S. Filliozat, 1988: 6-8). A noter que Wilhelm Rau, qui etudie depuis longtemps les choses concretes mentionnees dans la litterature vedique, incline a un terminus a quo relativement tardif pour cette litterature (1983: 19: <<... kleine Einzelbeobachtungen... scheinen miteinander verbunden, den Anfang der vedischen Zeit dem Jahre 1000 v. Chr. immer weiter anzunahern, vielleicht werden sie ihn eines Tages sogar unter dieses Datums herabdrucken >>). Une date relativement recente pour les parties tardives du Veda s'accorderait avec Bronkhorst, 1986: 108 sq. Une ambiguite remarquable se manifeste dans un article recent de Michael Witzel (1987): l'auteur affirme (p. 381) que les textes palis ont ete composes apres la fin de la periode vedique tardive; dans une note (p. 407 n. 96), pourtant, il semble admet. tre qu'il n'a pas de preuves, et que pour certains passages la situation pourrait etre l'inverse: cela ne l'empeche pas d'attaquer avec virulence la suggestion beaucoup plus faible que certains textes vediques tardifs, ou passages de ceux-ci, pourraient postdater le Buddha (voir aussi Rau, 1983: 21 n. 2; Norman, 1988: 152-153). Les dangers d'une datation basee sur des criteres linguistiques, soutenue par Witzel, ont deja ete demontres par Renou (1947: 211); voir aussi Schrader, 1935: 546 (122) n. 1. 46 Voir Bronkhorst, 1980. 47 Voir Bronkhorst, 1987a. 48 Voir Thieme, 1982: 3 sq. 49 Brough, 1951: 402; Staal, 1986: 38. 50 Voir Gipper et Schmitter, 1985: 28 sq. 51 Voir notre etude <>, a paraitre dans les actes du congres 'Models of Meaning', tenu en Bulgarie en 1988. 52 La grammaire sanscrite de Colebrooke (1805 a), connue de Bopp, suit etroitement la grammaire de Panini et preserve ce trait de celle-ci. Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 133 132 ETUDES DE LETTRES L'INDIANISME ET LES PREJUGES OCCIDENTAUX BIBLIOGRAPHIE ABEYDEERA Ananda (1988): <> In: L'Inde et l'Imaginaire. Sous la redaction de Catherine Weinberger-Thomas. Paris: Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, pp. 57-67. 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