________________ 220 Genres litteraires en Inde restent lettre morte. Par exemple, akhyayika, nous dit l'un, designe une histoire racontee a la premiere personne et divisee en chapitres, tandis que l'absence de ces caracteristiques definit, par opposition, la katha; mais les rares cuvres qui se nomment akhyayika ne correspondent que de loin a la definition theoriquez, alors que la denomination katha, d'emploi frequent, semble si polyvalente qu'on est tente de suivre le poeticien sceptique qui conclut de la distinction: "Il s'agit d'une seule espece avec deux noms"3. Ces tentatives de classement se soldent finalement par un echec. La nature de la matiere narrative peut egalement servir de critere de classification. On sait que le type d'intrigue (vastu) est, selon le traite du Dasarupa (I 16), le premier de ceux qu'il est courant d'utiliser pour etablir une typologie dramatique et fonder la distinction entre comedie bourgeoise (prakarana) et comedie heroique (nataka). Semblablement, les jaina distinguent le carita du prabandha en fonction des personnages soit legendaires soit historiques qui en sont les heros. On rencontrera de meme cidessous (p. 321sqq.) des classifications de la katha basees sur leur sujet ou sur leur fonction didactique, que ce soit en milieu brahmanique ou en milieu jaina. Pour etablir une typologie satisfaisante, il faudra tenir compte de ces multiples points de vue indiens. Il sera egalement necessaire de faire intervenir d'autres parametres, de considerer en particulier le style, suivant que ces compositions sont redigees en prose, en vers, en style mixte (et sont alors dites campu)4. Les essais qu'on va lire sont loin d'epuiser toutes les modalites du narratif indien: tache impossible ici. On ne cherchera pas dans ce livre la maniere dont le narratif se realise dans le kavya classique; ni une description de ce que les Indiens nomment itihasa, que l'on rend bien approximativement par "epopee", ni de ce qu'est un purana, pour lequel ils indiquent "cinq caracteristiques 2. Ex. Madanarekha-akhyayika de Jinabhadrasuri, ed. Pt. Bechardas Doshi, Ahmedabad 1973: Introduction, p. 37sqq. 3. On trouvera une presentation commode de cette discussion dans S. LIENHARD, A History of Classical Poetry. Sanskrit -- Pali - Prakrit, Wiesbaden 1984, p. 228sqq. Le meme type de distinction est suppose exister entre les termes vittaka et katha: cf. H. M. JOHNSON, Indian Antiquary 56 (1927), p. 17. 4. Voir, par exemple, la tentative de M. HAHN, "Typology of Buddhist Narrative Literature" in Haribhatta and Gopadatta. Two Authors in the succession of Aryasura, Tokyo 1992 (2nd ed.), p. 4.