________________ Formes du genre narratif S'il est assez naturel de separer le narratif du didactique, comme il est fait dans ce volume, il arrive toutefois que l'un et l'autre aient partie liee. Tel est le cas en Inde, ou, plus encore peutetre qu'ailleurs, la narration est tres generalement guidee par quelque intention edifiante, qu'elle lance un message religieux ou ideologique lie a une doctrine particuliere, ou qu'elle enseigne un savoir specifique: souvent la politique ou la sagesse des nations (comme dans le Pancatantra), et parfois meme jusqu'a la grammaire! Le narratif fait partout des incursions, la meme ou on l'attendrait le moins: sous une forme rudimentaire, on l'a ainsi vu investir le regulaire bouddhique par le biais du recit introductif stereotype (nidana, supra p. 104sqq.). C'est que le recit n'est finalement qu'une forme developpee de l'exemple, les memes termes indiens servant, d'ailleurs, a designer l'une et l'autre. Or l'exemple est, dans la tradition indienne, partie integrante du raisonnement: il est ainsi present dans le syllogisme. Il se trouve meme erige en methode d'enseignement dont le Bouddha, Mahavira et d'autres Maitres ont tenu a souligner l'efficacite, a tel point qu'on finit par oublier les traces qui temoignent d'une rivalite passee entre tenants de l'enseignement abstrait et tenants de l'enseignement par l'exemple! On verra comment les deux se combinent et s'imbriquent subtilement dans le corpus brahmanique du Yogavasistha, tout a la fois sastra et narration. Une constatation s'impose d'autre part. Alors que le narratif est present -- a titre dominant ou accessoire -- dans de tres nombreuses formes litteraires indiennes, alors que la production d'ouvres narratives au sens le plus large est immense, en revanche, tout ce qui concerne la discussion theorique, la classification et la terminologie relative a cette categorie de la litterature parait, en grande partie, bien insuffisant. La terminologie litteraire donne l'impression d'etre ou trop rare ou trop foisonnante, bref assez inadequate. Les poeticiens tantot enregistrent des termes que les textes n'utilisent pas, tantot posent des distinctions qui, faute d'etre enterinees par la pratique litteraire, 1. Cf. J. Przyluski, "Sautrantika et Darstantika", Rocznik Orjentalistyczny VIII (1932), p. 1-11.