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INTRODUCTION
A quel moment cette édition amplifiée du Suka sūtra qui constitue le sūtra du Karmavibhanga a-t-elle pu être publiée ? La traduction chinoise de Gautama Dharmaprajña montre qu'à la fin du vie siècle l'ouvrage était admis comme canonique bien au delà des frontières de l'Inde. Il n'est guère douteux que, environ deux siècles plus tôt, le grand docteur du bouddhisme, Vasubandhu, tenait déjà le même ouvrage pour une autorité cauonique. Dans son Abhidharma kośa, IV, 119, Vasubandhu s'exprime ainsi . « Le sūtra dit qu'il y a deux sortes d'actes, l'acte fait (ksta) et l'acte aggravé (upacita) ». L'annotateur japonais Saeki (Kiokuga), héritier authentique d'une tradition continue qui remonte jusqu'à Hiuan tsang, indique ici que le sutra visé est le Ye pao tch'a pie king « sūtra sur la différence de rétribu tion des actes ». C'est là exactement le titre chinois de la traduction du ky due à Gautama Dharmaprajña , et c'est là en ellet qu'un lecteur chinois ou japonais peut trouver cette division des actes. Nous qui disposons de l'original sanscrit, nous pouvons conclure que Vasubandhu se réfère au Karmavibhanga Mais jusqu'ici nous ne pouvons pas remonter plus haut. J'ai cherché dans la vaste étendue du commentaire sur la Prajñāpāramitā composé par Nāgārjuna — et conservé seulement dans sa version chinoise, le Ta tche tou louen, - sans réussir à y trouver parmi tant de textes cités une référence au Karmavibhanga, le seul passage que j'aie pu relever où Nāgārjuna marque les rapports entre certains actes de péché et leurs conséquences dans une vie ultérieure (au milieu du chap. XXVII, éd. Taishā, vol. XXI, p. 233 b) se rattache à une autre tradition, peut-être celle qu'a suivie aussi le poète Sūra.
Il convient de noter au surplus que la Mahāvyutpatti (sorte de vocabulaire sanscrit-chinois-tibétain compilé au 1x siècle), dans une sorte de revue générale de la littérature canonique sous la rubrique Saddharmanāmāni, S LXV éd. Sakaki, classe sous le n° 47 (entre l’Avaivartika sūtra et la Prajñā pāramitā Pañcasatıkā) le Karmavibhanga, et donne comme équivalents, en chinois Fan pie yin yuan king, et, en tibétain, Las rnam par 'byed pa. L'équivalent tibétain est bien le titre que porte la version tibétaine du Karmavibhanga (cf sup. p 4), l'équivalent chinois ne correspond exactement à aucune des versions du Karmavibhanga, ni à aucun des textes traitant du même sujet.
Quant au commentaire inséré dans le texte, rien ne permet d'en