Book Title: Linde Classique Et Le Dialogue Des Religions
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst
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Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ L'INDE CLASSIQUE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS Johannes Bronkhorst, Universite de Lausanne Ce tome cinquantenaire des Etudes Asiatiques offre une excellente occasion de rappeler que, plus ou moins au meme moment que la fondation de ce periodique, l'Universite de Lausanne a inaugure un enseignement d'etudes indiennes. Cet enseignement a des son debut compris l'etude du bouddhisme indien, aspect qui fut officialise par la nomination de Jacques May comme professeur d'etudes bouddhiques, puis par celle de son successeur Tom Tillemans. En plus de l'existence d'une chaire d'etudes bouddhiques, Lausanne est devenue la seule universite francophone a preserver et continuer un enseignement dans la celebre tradition <Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 780 JOHANNES BRONKHORST L'INDE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS 781 Les representants des differentes religions - ce sont, pour l'epoque con-auteur d'un commentaire (Varttika) sur le Nyaya Bhasya, lui-meme come cernee, principalement le bouddhisme, le brahmanisme, et le jainisme - se mentaire du Nyaya Sutra, le texte de base du systeme de philosophie sont ecoutes, ou plutot se sont lus, et ont essaye de repondre aux critiques brahmanique dit Nyaya. Son Nyaya Varttika critique l'une des posicions dirigees contre eux. Nous n'avons pas de donnees sur le nombre des fondamentales des bouddhistes avec lesquels il argumentait, a Savoir la eventuelles conversions auxquelles cette interaction active aurait abouti. doctrine voulant qu'il n'existe pas d'ame. Les etres vivants etaient concus Mais nous savons qu'elle a profondement touche toutes ces religions. Sur par ces bouddhistes comme etant des accumulations d'elements divers, le plan intellectuel, en particulier, elles se sont constamment corrigees mais sans ame. Les penseurs brahmaniques, parmi eux Udayotakata, par voie d'emprunt, ou de modification interne - a la lumiere des refle- n'etaient pas d'accord avec ce rejet de l'ame, d'autant moins que pour eux xions de leurs opposants. la realisation de celle-ci constitue une etape essentielle sur la voie du salut, Soulignons d'emblee que les religions de l'Inde ancienne et classique la liberation definitive du cycle des renaissances. appartiennent toutes a une seule aire culturelle. C'est sans doute pour cela Uddyotakara utilise plusieurs arguments contre la position des boudque leur interaction fut intense et productive. Les trois religions principales dhistes. J'en presenterai deux qui servent le mieux a illustrer mes propos. n'ont pas que des differences; elles ont des idees, des conceptions, voire D'abord le suivant:6 des prejuges communs. Notez d'emblee que leurs representants ne se rendent pas compte des points communs qui les reunissent. Ils se concentrent Celui qui dit que l'ame n'existe pas, va a l'encontre de la position de son ecole. inevitablement sur leurs differences intrinseques, et ce sont les chercheurs Comment? Dans les passages de l'ecriture bouddhique qui disent) "je ne suis atiere. 0 venerable, ni la sensation. ni la perception, ni les compositions modernes, souvent non-indiens, qui sont frappes par les convictions parta- mentales, ni la conscience" et "toi, o moine, tu n'est ni cette matiere, ni la sengees, les approches paralleles. Parfois celles-ci ne sont pas formulees ex- sation, (ni la perception), ni les compositions mentales, ni la conscience" les plicitement, peut-etre parce qu'elles etaient, pour les indiens de l'epoque, groupes matiere etc. sont nies comme etant l'objet du mot "je. Mais il d'une evidence patente. Mais ce qui etait evident pour un indien du pre s'agit d'une negation de specificites, et non pas d'une negation de la generalite, mier millenaire, ne l'est pas forcement pour un chercheur moderne. Dans tandis que celui qui n'accepte pas [l'existence de l'ame doit nier la generalite, [comme suit:) "je ne suis pas" [ou] "tu n'es pas". de tels cas la decouverte des convictions cachees peut s'averer difficile. Elle est pourtant essentielle si l'on cherche a comprendre les positions et les echanges de vue que les textes ont preserves. En guise d'illustration des precedentes remarques je presenterai quelques passages d'un penseur qui appartient au sixieme ou septieme siecle de notre ere, passages sur lesquels le professeur Masaaki Hattori de 16 NV (introduisant 3.1.1) p. 702 1. 8 - 11: nasty atmeti caivam bruvanah siddhan tam l'universite de Kyoto a attire mon attention. Ce penseur est Uddyotakara, bridhatel katham iti? rupam bhadanta naham vedana sarrid saskaro vijnanam bhadanta naham iti evam etad bhikso rupam na tvam vedana (samrid) samskaro vijana wa na tvam iti ta ete skandha rupadayo 'hamvisayarvena prari siddhah/ visesaprarisedhas cayam na samanyapratisedhah, armanam canabhyupaof more meaty allegory in order to make it intelligible for its educationally less gacchara samanyam eva pratiseddhavyam, naham naiva rvam asitil. Le mot privileged recipients". samja a ete ajoute une premiere fois sur la base de quelques mss qui le con tiennent, et la deuxieme fois simplement parce que la citation sans samiria ne peut 3 Peter Schreiner (1996:168) distingue entre plusieurs types d'etrangers, parmi eux: etre correcte. Les textes bouddhiques parlent toujours de ces cinq groupes l'etranger religieux, l'etranger social, l'etranger politique (der religios Fremde, der (skandha), et Uddyotakara lui-meme utilise le terme nipidiskandhaparicaka quel sozial Fremde, der politisch Fremde). Les partenaires des debats qui nous inter- ques lignes plus bas. essent sont au plus des etrangers religieux l'un vis-a-vis de l'autre. La sequence de deux mots commencant par sam pourrait expliquer comment un 4 Cp. Potter, 1977:303. copiste non-bouddhiste a pu omettre le mot samjia par un saut du meme au meme. 5 Voir egalement Kher. 1992:66 sq. L'edition de Dube (1897:341) est essentiellement identique a NV en ce qui concerne ce passage. Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 10 JOHANNES BRONKHORST L'INDE ET LE DIALOGUE DES KELIUIUNS 104 <> e Veroale (qui, en sanscrit, est souvent sous-entendue s'avere sans objet. Toute cette discussion concerne le mot je dans la plutot qu'employee) pour exprimer des sens tres differents. Dans le pre-premiere phra pour exprimer des sens tres differents. Dans le pre- premiere phrase citee. Ce mot n'aurait pas d'objet, et correspondrait donc akara parle de la negation d'une specificite, dans l'autre de a une fausse notion. Le bouddhiste demande encore comment cette fausse la negation de la generalite. Les bouddhistes, pour soutenir leur doctrinel notion pourrait le gener, mais v utenir leur doctrine notion pourrait le gener, mais Uddyotakara est sans pitie: si des notions otada voulant que l'ame n'existe pas, se basent sur des phrases attribuees au rases attribuees au fausses imitent des notions correctes, le bouddhisme n'a rien a offrir a ce fausses imitent des notions conce Buddha. Parmi celles-ci se trouvent, nous dit Uddyotakara, "je ne suis pas lui qui n'accepte pas existence la matiere, o venerable, ni la sensation, ni la perception, ni les composi- Si la derniere ligne de ce passage Si la derniere ligne de ce passage reste quelque peu obscure, 11 une s composi- .. tions mentales, ni la conscience" et "toi, o moine, tu n'es ni cette matiere, chose est claire: d'apres Uddyotakara les phrases qu'il cite, et plus parni la sensation, Ini la perception), ni les compositions mentales, ni la con ticulierement le mot <> dans la premiere, font probleme. Il conclut donc science". La matiere (rupa), la sensation (vedana), la perception (samjna), son argument en disant:12 "Et on ne peut pas (dire que ces (phrases) ne les compositions mentales (sainskara) et la conscience (vijnana) sont, pour sont pas la parole (du Buddha), parce qu'elles se trouvent dans le Sarvales bouddhistes, les constituants de la personne. L'ame, les citations le onstituants de la personne. L'ame, les citations le bhisamava Sutra. C'est pourquoi celui qui dit que l'ame n'existe pas, vad disent, n'est identique a aucun de ces constituants. Cela ne signifie pas que l'encontre de la position de son ecole l'ame n'existe pas, ainsi que Uddyotakara l'explique aux bouddhistes. Les phrases citees se trouvaient donc, d'apres Uddyotakara, dans le yuyotakara critique ici les bouddhistes en suggerant qu'ils n'ont pas Sarvabhisamava Sutra. Pourquoi le dit-il, ayant d'abord suggere que correctement interprete leurs propres textes sacres. Il joue ainsi le philo bouddhiste veuille nier qu'il ne s'agisse de la parole du Buddha? En fait, logue sur un texte bouddhique, non pas par amour de la science, mais pour les phrases citees ne se trouvent nulle part dans la litterature bouddhique justifier son propre point de vue. Pour comprendre plus precisement ce qui ancienne qui nous soit parvenue, pour autant que je le sache, et c'est ce passe, regardons la suite. Se basant toujours sur les memes passages, seulement le temoignage d'Uddyotakara qui nous fait croire qu'elles font Uddyotakara pose la question de savoir si, bien que les constituants de la partie a son epoque d'un certain Sarvabhisamaya Sutra. Ce sutra lui-meme personne soient nies en tant qu'ame un par un, leur conjonction est l'objet de la notion de <>. La reponse est negative, parce que l'on devrait dire que la conjonction qui est l'objet de la notion de <> est differente des cinq groupes - matiere etc. - et que quelqu'un qui accepte une telle conjonction, differente des groupes, comme objet de la notion de <>, changerait la designation: au lieu de came il dirait <> n'etait pas hugu ekafabdam pasyamah/ differente de ses constituants, l'idee provenant du mot <Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 784 JOHANNES BRONKHORST semble inconnu, et je n'ai pas reussi a en trouver la moindre trace 13 11 semble clair qu'Uddyotakara ait reussi a trouver quelques phrases isolees dans un texte canonique bouddhique qui lui convenaient exceptionnellement bien. Et il avait des raisons de croire que ses interlocuteurs bouddhistes ne les connaissaient guere, ou pas du tout. 14 Cet etat de choses pourrait a premiere vue paraitre bizarre, etant donne que les bouddhistes eux-memes, dans des discussions sur l'existence de l'ame, se basaient frequemment sur d'autres phrases de leur canon qu'on pourrait, a premiere vue, analyser de facon semblable. L'Abhidharmakosa Bhasya de Vasubandhu en cite une dans son neuvieme chapitre sous la forme suivante:15 bhagavatoktam rupam anatmetil6 yavad vijnanam anatmeti "le Buddha dit rupam anatma jusqu'a vijnanam an- armd". Ailleurs dans le meme chapitre ce texte cite sarvadharma anatmanah.17 Les deux phrases sont clairement empruntees a des sutras anciens. 18 La premiere signifie, dans son interpretation originale: "La matiere n'est pas l'ame, la sensation n'est pas l'ame, la perception n'est pas l'ame, les compositions mentales ne sont pas l'ame, la conscience n'est pas l'ame". La forme en pali de la formule (rupain anatta, etc.) prouve que le deuxieme mot du couple est un substantif qui signifie "(ce qui n'est pas l'ame"; la forme correspondante en sanscrit devrait etre anatma. Une ambiguite dans les langues moyen-indiennes, en combinaison avec certains developpements theoriques au sein du bouddhisme, ont pourtant promu une autre interpretation du compose, s'exprimant en sanscrit en des formes legerement differentes. Au lieu de "ce qui n'est pas l'ame", on avait commence a preferer l'interpretation "sans ame". "La matiere n'est pas l'ame" - en sanscrit: rupam anatma - est ainsi devenu "la matiere est sans ame": rupam anatma. La phrase comme elle est citee dans l'Abhidharmakosa Bhasya est ambigue, parce que le a final s'est joint a une voyelle, cachant ainsi sa qualite longue ou breve." La phrase sarvaanama anatmanah - dont le sens original etait egalement: tous les dharmas ne sont pas l'ame-m pas l'ame - montre pourtant que le sens "sans ame" l'avait emporte a l'epoque de l'Abhidharmakosa Bhasya: anatmanah ne peut, dans ce contexte, avoir que ce sens, au pluriel.20 Un autre passage doit etre cite a cet endroit, passage qui fait partie du soi-disant premier sermon du Buddha, preserve dans le Mahavagga du Vinayapitaka du canon pali. On y trouve les phrases suivantes:21 "Par consequent, O moines, toute matiere, qu'elle soit passee, future ou preconsequent, o moin sente, interieure ou exterieure, grossiere ou subtile, vile ou excellente, lointaine ou proche, toute matiere doit etre vue ainsi, selon la realite, grace a la sagesse correcte: <Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 786 JOHANNES BRONKHORST Revenons-en a Uddyotakara lui-meme. Lui, comme nous aujourd'hui, trouvait sans doute dans les textes canoniques du bouddhisme, ainsi que dans leurs traites plus recents, les citations que l'on trouve egalement dans l'Abhidharmakosa Bhasya, et que nous venons d'etudier. Le fait meme qu'il donne ailleurs dans le meme ouvrage, comme exemple d'une inference, la phrase "le corps vivant n'est pas sans ame (niratmaka), parce qu'elle serait [dans ce cas] sans souffle",22 ne nous laisse pas douter qu'il connait ces citations et qu'il les interprete comme l'Abhidharmakosa Bhasya. Elles etaient pourtant sans utilite pour lui, parce que l'observation voulant que les cinq groupes, ou tous les dharmas, soient sans ame n'est pas en contradiction avec un rejet de l'existence de l'ame. Interpretees ainsi, il ne pouvait pas s'en servir dans ses attaques contre la position des bouddhistes. que le passage cite par Uddyotakara ne fut pas partie du canon bouddhique termine. Une conclusion plus ou moins definitive semble pourtant se desa son epoque. siner: les textes anciens du bouddhisme ne rejettent pas explicitement l'existence de l'ame, mais ils ne l'acceptent pas explicitement non plus.23 Mais meme en s'en tenant a l'interpretation originale de ces citations, elles ne seraient que d'une utilite limitee pour lui. L'enonce "la matiere n'est pas l'ame" (rupam anatma) a comme sujet la matiere, tandis que dans la citation d'Uddyotakara "je ne suis pas la matiere" (rupam naham) le sujet est plutot <>, c'est a dire l'ame. Seul le deuxieme enonce peut etre l'objet des elucidations d'Uddyotakara sur la negation des specificites et de la generalite, car c'est la negation du <>, c'est-a-dire de l'ame, qui est en jeu, et non pas celle de la matiere. Uddyotakara avait donc besoin d'une phrase du type "je ne suis pas la matiere", et il l'a effectivement trouvee dans les textes sacres des boud dhistes. Il s'attendait sans doute avec raison a ce que ses opposants boud dhistes ne soient pas tres contents d'etre confrontes a cet enonce, et qu'il: pourraient meme etre tentes de nier qu'il fasse partie de leur canon Uddyotakara ne leur laissa pas cette possibilite. Il n'est guere etonnant que, du point de vue historique, Uddyotakar: avait raison. Les textes anciens du bouddhisme ne soutiennent effective ment pas l'interpretation voulant que l'ame n'existe pas. La philologie mo derne a longuement debattu de la question de savoir si le bouddhism ancien rejetait l'existence de l'ame ou non, debat qui n'est toujours pa L'INDE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS 22 NV p. 291 1. 2 (sous 1.1.35): nedam niratmakam jivac chariram apranadimattva nrasanend iri 181 Notons pour finir que tout de suite apres cette discussion Uddyotakara cite encore deux autres phrases du canon bouddhique, que voici:24 Et le Sutra [dit]: "O moines, je vous enseignerai le fardeau et le porteur du fardeau; les cinq groupes sont le fardeau, la personne est le porteur du fardeau." "Et celui qui [dit] que l'ame n'existe pas a une vue fausse." L'Abhidharmakosa Bhasya reprend la premiere citation sous la forme suivante:25 "O moines, je vous enseignerai le fardeau, la prise du fardeau, le depot du fardeau, le porteur du fardeau." Uddyotakara cite evidemment le meme passage, mais sous une forme abregee. Ce passage, y compris la partie qui n'est pas citee dans l'Abhidharmakosa Bhasya, se trouve effectivement a plusieurs endroits du canon ancien.26 La deuxieme phrase citee par Uddyotakara pourrait etre une paraphrase d'une citation qui se trouve, elle aussi, dans l'Abhidharmakosa Bhasya:27 "Nier les etres apparitionnels, c'est vue fausse." Son origine est inconnue.28 Elle est pourtant egalement citee dans le *Sammatiyasastra, texte des Pudgalavadin, bouddhistes qui acceptent 23 Oetke, 1988:59-242. 24 NV p. 703 1. 2-4: tatha bharum vo bhiksavo desayisyami bharaharam ca, bharah pancaskandha bharaharas ca pudgala iti/ yas catma nastiti sa mithyadrstiko bha vatiti sutram/ 25 Abhidh-k-bh(P) p. 468 1. 2: bharam ca vo bhiksavo desayisyami bharadanam ca bharaniksepanam ca bharaharam ceti. 26 Voir Abhidh-k-bh(Pa) p. 128 nr. 518; Abhidh-k(VP) tome VI p. 256 n. 1. 27 Abhidh-k-bh(P) p. 468 1. 8: nasti sattva upapaduka iti mithyadrstih. Tr. Abhidhk(VP) tome VI p. 258. 28 Voir Abhidh-k-bh(Pa) p. 128 nr. 519. Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 788 JOHANNES BRONKHORST L'INDE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS 789 l'existence de la personne.29 Le sens original de l'expression "etres appa pas applicables pour quelqu'un qui n'accepte pas l'existence de la cruche. De ritionnels" (sattva upapaduka) est quelque peu obscur.30 Il semble pro meme, (dans la phrase) "l'ame n'existe pas", l'ame est-elle niee dans un certain bable que Uddyotakara l'ait reprise dans le sens qu'y attribuaient les endroit ou a un certain moment? um, le terme "etre" (sattva) etant parfois synonyme de "ame" Uddvotakara enchaine pour montrer que, bien au contraire, la phrase (atman). Quoi qu'il en soit, dans ce dernier cas Uddyotakara quli en soit, dans ce dernier cas Uddyotakara semble avoir "l'ame n'existe pas" ne vise pas la negation de l'ame dans un certain pris la muerte de presenter comme citation une phrase qui ne se trouvait endroit ou a un certain moment, mais plutot sa negation tout court, ce qui probablement pas, sous cette forme exacte, dans les textes des bouddhistes. est impossible. Car, Le passage d'Uddyotakara que nous avons etudie au debut s'occupe egalement de la question de savoir quel est l'objet denote par le mot <>. celui qui nie l'ame (tout court) doit dire quel est l'objet du mot <> dans la phrase "l'ame n'existe pas", doivent referer prejele nest pas dans la maison"; ou elle la nie a un certain mo a des obiets y correspondant. Voila un exemple de ce que j'appelle le ment, [comme dans les exemples] "elle n'est pas [la] maintenant", "elle n'est pas (la) auparavant", "elle n'est pas [la] apres". Toutes ces negations ne sont <Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 790 JOHANNES BRONKHORST L'INDE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS 791 aux notres. Mais vu de cette facon, l'existence meme de certains mots en sanscrit prouve que les objets correspondants existent. Le mot mame n'etant pas l'invention d'un fou, prouve qu'il y ait un objet y correspondant. C'etait, premierement, le point de vue des brahmanes, pour qui le sanscrit, la langue du Veda, a ces qualites. Il est vrai que l'ecole d'Uddyotakara etait prudente quant a l'application rigide de ce point de vue. Le Nyaya Bhasya, par exemple, constate:36 Ce n'est pas a cause de la seule parole qu'on a confiance (en l'existence] d'un objet imperceptible tel le ciel, les Apsaras, les Kuru septentrionaux, les sept continents, l'oceana, <Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 792 JOHANNES BRONKHORST L'INDE ET LE DIALOGUE DES RELIGIONS 793 jouer ce role? Un tel objet se trouve facilement dans le cas du Nyaya, qui accepte l'existence du genre. Le genre est eternel, et donc existe certainement au moment ou l'on prononce la phrase "la cruche se produit". Si l'on accepte que le mot <>), quoique cette (natte) ne soit pas presente (atadbhave 'pi tadupacarah), parce que le sutra le dit enigmatiquement - c'est pour cela (radarthya). Le Bhasya explique:39 "<Page #9 -------------------------------------------------------------------------- ________________ ABBREVIATIONS Abhidh-k(VP) notamment Nagarjuna - avaient eux-memes utilise dans leur critique d'autres penseurs. Les passages que nous venons d'etudier ne sont que quelques illustrations de l'interaction constante qui a oppose, et en meme temps uni, les differentes religions de l'Inde classique. C'est un dialogue, et non pas une confrontation. Quoique le desaccord entre les penseurs concernes soit total, on continue a s'ecouter. Si le dialogue interreligieux est un sujet digne d'interet, les exemples que l'Inde nous fournit comptent sans doute parmi les meilleurs qui soient. Abhidh-k-bh(P) Abhidh-k-bh(Pa) Abhidh-k-vy OUVRAGES CITES Bareau, Recherches BHSD Honjo, Table KISchr Vasubandhu, Abhidharmakosa, traduit et annote par Louis de La Vallee Poussin, 6 vols., Paris 1923-1931. Vasubandhu, Abhidharmakosabhasya, ed. P. Pradhan, rev. 2 ed. 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Nyaya Varttika de Uddyotakara, dans l'edition suivante: Nyayadarsanam with Vatsyayana's Bhasya, Uddyotakara's Varttika, Vacaspati Misra's Tatparyatika & Visvanatha's Vrtti. Chapter 1, section I critically edited with notes by Taranatha Nyaya-Tarkatirtha and chapters l-ii-V by Amarendramohan Tarkatirtha, with an introduction by Narendra Chandra Vedantatirtha. Calcutta: Metropolitan Printing & Publishing House, 1936. Reprint: Rinsen Book Co., Kyoto, 1982. Publications de l'Ecole Francaise d'Extreme-Orient, Paris Publications de l'Institut de Civilisation Indienne, Paris Pali Tipitakam Concordance, ed. F.L. Wooodward, E.M. Hare, London 1952ff. Sanskrit Worterbuch der buddhistischen Texte aus den TurfanFunden, begonnen von Ernst Waldschmidt, ed. Heinz Bechert, Bronkhorst, Johannes (1996): "The correspondence principle and its impact on Indian philosophy." Indo-Shisoshi Kenkyu / Studies in the History of Indian Thought (Kyoto) 8, 1-19. 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