Book Title: William James Et Son Darwinisme Religieux
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst
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Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Archives de Psychologie, 2006, 72, 33-48 WILLIAM JAMES ET SON DARWINISME RELIGIEUX Johannes Bronkhorst Universite de Lausanne William James etait deja un homme celebre quand, en 1901 et 1902, il prononca a Edimbourg les conferences - les Gifford Lectures on Natural Religion - qui furent ensuite publiees sous le titre anglais The Varieties of Religious Expe. rience (1902; ouvrage traduit en francais sous le titre L'Experience religieuse: Essai de psychologie descriptive, 1906). Son renom etait lie, premierement, a son grand oeuvre, The Principles of Psychology, paru en 1890 apres douze ans de preparation. Un siecle plus tard, pratiquement personne ne lit plus les Principles; les Varie ties, d'autre part, restent un classique qui est reimprime regulierement.' Le contraste entre ces deux livres n'est pas seulement une question de popularite recente; il concerne egalement leurs contenus. Les Varieties, inutile de le rappeler ici, est un texte fondamental pour la psychologie des religions. Les Principles, en revanche, et cela en depit de leur taille impressionnante (environ 1'400 pages), ne mentionnent meme pas le terme <Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes BRONKHORST DARWINISME RELIGIEUX manifestes apres la parution de ses Principles. D'autres, plus competents que moi, ont etudie et documente ces changements, et il serait hardi de ma part de vouloir ajouter quoi que ce soit aux etudes approfondies qui existent sur ce sujet. J'ai pourtant l'impression qu'il est possible de tracer ces changements, et peut-etre de mieux les comprendre, si on prend en consideration les positions que James prenait par rapport au darwinisme, mouvement alors nouveau. Je dis, les positions, au pluriel, parce qu'il existait deja a son epoque, plusieurs formes de darwinisme. Retrospectivement, on peut en distinguer au moins deux, a savoir, le darwinisme scientifique et le darwinisme social. Nous savons que les deux, quoique souvent confondus dans la pratique, se doivent d'etre separes rigoureusement. Le premier point sur lequel j'aimerais attirer l'attention est le fait que William James a ajoute a ces deux darwinismes un troisieme, que je propose d'appeler darwinisme religieux. Le darwinisme original - c'est-a-dire, la theorie qui trouve son expression classique dans The Origin of Species de Charles Darwin - etait une theorie scientifique, ce que j'appelle le darwinisme scientifique. On sait que la publication de l'Origin en 1859 a eu un effet explosif et immediat sur la pensee de l'epoque. Personne, William James pas plus que les autres, ne pouvait rester indifferent face a cette revolution. James connaissait bien les idees de Darwin. En fait, il etait etudiant a Harvard durant les annees 1860, juste apres la parution de l'Origin. Or, la reception des idees de Darwin occupait les esprits des professeurs de James. Parmi eux, il y avait le celebre Louis Agassiz, d'origine suisse, devenu l'opposant le plus important des idees de Darwin aux Etats-Unis. Un autre professeur pendant ces annees formatrices de James etait Jeffries Wyman, qui se laissait convaincre par ces idees', non sans difficultes il est vrai. La sympathie de James etait carrement du cote de Wyman, et donc des idees de Darwin (Allen, 1967, pp. 95-96). Pour ce qui concerne Agassiz, que James accompagnait comme assistant lors d'une expedition au Bresil en 1865-66, James developpa a son egard un mepris qui lui fit ecrire a son frere, quelques annees plus tard, qu'Agassiz <Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes BRONKHORST pas s mal de gens, les soi-disant struggleforlifeurs, ont melange les deux, et pense que leur position politique etait justifiee par la theorie scientifique liee au nom de Darwin." 36 On comprend bien la confusion. La fin du XIXe siecle etait l'epoque du colonialisme triomphant, du capitalisme sauvage a son comble. Tout le monde croyait savoir que la seule voie vers un avenir meilleur passait par un struggle for life impitoyable, resultant en un survival of the fittest, les plus adaptes, les fittest, etant les colonialistes anglais, les capitalistes americains, et leurs semblables. John D. Rockefeller, le magnat du petrole qui avait pris possession de 90% du marche par des methodes peu aimables, l'exprimait en disant, The growth of a large business is merely a survival of the fittest, the working out of a law of nature and a law of God. (Townsend, 1996, p. 20). James ne partageait pas cette position, et n'aimait pas ceux qui l'acceptaient. Quoique lui-meme fut l'heritier d'une fortune accumulee par son grand-pere, il n'avait pas la moindre sympathie pour leurs idees politiques et sociales (Townsend, 1996, p. 20). De John D. Rockefeller, l'incarnation meme du darwinisme social, il caracterisait les methodes pratiques comme < dans une lettre a un ami (Myers, 1986, p. 423). James voyait egalement que le darwinisme scientifique ne justifie d'aucune facon cette position politique. Dans un compte rendu du livre Data of Ethics d'Herbert Spencer paru dans The Nation, il l'exprime de la maniere suivante: The good of survival, from the moment the instinct of self-preservation is reflected on (as it is by the evolutionists), lapses thus from an objective uncriticized good into a fact relative to subjectivity. The deepest truth ceases to be, we must survive, but becomes: we feel that we must survive. If we don't feel so, nothing can coerce us to, except a further ethical proposition: <> qu'il utilise dans ses Varieties, pour designer, non pas la theorie de Darwin mais plutot la croyance au progres qui se substituait dans l'esprit de beaucoup a la religion traditionnelle: 37 ... in that theory of evolution which, gathering momentum for a century, has within the past twenty-five years swept so rapidly over Europe and America, we see the ground laid for a new sort of religion of Nature, which has entirely displaced Christianity from the thought of a large part of our generation. The idea of a universal evolution lends itself to a doctrine of general meliorism and progress which fits the religious needs of the healthy-minded so well that it seems almost as if it might have been created for their use (James, 1902/1979, p. 104). On peut bien imaginer que cette identification de la croyance au progres avec la theorie de l'evolution, cette invocation de la theorie darwinienne pour justifier des pratiques immorales et souvent repulsives, ont beaucoup gene James. Il en etait sans doute d'autant plus gene qu'il n'avait pas de solution politique meilleure, plus acceptable. Pour illustrer cela, je vous propose de lire un passage des Varieties qui s'exprime au sujet des vertus saintes>>. Ces vertus font contrepoids a l'attitude realiste, scientifique, c'est-a-dire au monde du darwinisme social. On y lit (James, 1902/1979, pp. 346 sqq): ...in spite of the Gospel, in spite of Quakerism, in spite of Tolstoy, you believe in fighting fire with fire, in shooting down usurpers, locking up thieves, and freezing out vagabonds and swindlers. And yet you are sure, as I am sure, that were the world confined to these hardheaded, hard-hearted, and hard-fisted methods exclusively, were there no one prompt to help a brother first, and find out afterwards whether he were worthy; no one willing to drown his private wrongs in pity fo the wronger's person; no one ready to be duped many a time rather than live on suspicion; no one glad to treat individuals passionately and impulsively rather than by general rules of prudence; the world would be an infinitely worse place than it is now to live in. James etait bien entendu en faveur de ces vertus saintes, mais il les caracte rise en meme temps comme irrealistes. Il le fait encore plus clairement dans le passage suivant: ... the Utopian dreams of social justice in which many contemporary socialists and anarchists indulge are, in spite of their impracticability and non-adaptation to present environmental conditions, analogous to the saint's belief in an existent king dom of heaven. They help to break the edge of the general reign of hardness and are slow leavens of a better order (James, 1902/1979, p. 350). On le voit bien, James n'etait ni socialiste ni anarchiste. Leurs reves de justice sociale, il nous le dit, sont irrealistes et non adaptes. Il ne refute pas cette constatation, mais il ressent pourtant un malaise qu'il cherche a resoudre a Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 38 Johannes BRONKHORST l'aide de la religion qui pourra, il l'espere, avoir un jour un effet positif sur la societe humaine. Vu ainsi, la science, y compris meme le darwinisme social, a raison, mais la vie humaine a egalement une autre dimension, la religion, qui pourra peut-etre remettre les choses en ordre.14 La preface au livre The Will to Believe, paru en 1897 montre que James a essaye d'utiliser la theorie de Darwin pour ses propres fins. James, je me permets de vous le rappeler, etait a la recherche d'une religion qu'il pouvait accepter, en laquelle il pouvait croire. Il etait, en bref, a la recherche de la meilleure religion. Or, le darwinisme social etait a la recherche de la meilleure societe, et croyait que le darwinisme l'aidait a la trouver: le struggle for life et le survi val of the fittest etaient les moyens pour y arriver. Dans le passage que nous allons lire, James propose que ces memes methodes pourront assurer qu'on arrive a la meilleure des religions. Je vous le cite: ... you will say, Why such an ado about a matter concerning which, however we may theoretically differ, we all practically agree? In this age of toleration, no scientist will ever try actively to interfere with our religious faith, provided we enjoy it quietly with our friends and do not make a public nuisance of it in the marketplace. But it is just on this matter of the market-place that I think the utility of such essays as mine may turn. If religious hypotheses about the universe be in order at all, then the active faiths of individuals in them, freely expressing themselves in life, are the experimental tests by which they are verified, and the only means by which their truth of falsehood can be wrought out. The truest scientific hypothesis is that which, as we say, works best; and it can be no otherwise with religious hypotheses. Religious history proves that one hypothesis after another has worked ill, has crumbled at contact with a widening knowledge of the world, and has lapsed from the minds of men. Some articles of faith, however, have maintained themselves through every vicissitude, and possess even more vitality to-day than ever before: it is for the science of religions to tell us just which hypotheses these are. Meanwhile the freeest competition of the various faiths with one another, and their openest application to life by their several champions, are the most favorable conditions under which the survival of the fittest can proceed. They ought therefore not to lie hid each under its bushel, indulged-in quietly with friends. They ought to live in publicity, vying with each other; and it seems to me that (the regime of tolerance once granted, and a fair field shown) the scientist has nothing to fear for his own interests from the liveliest possible state of fermentation in the religious world of his time. Those faiths will best stand the test which adopt also his hypotheses, and make them integral elements of their own. He should welcome therefore every species of religious agitation and discussion, so long as he is willing to allow that some religious hypothesis may be true (James, 1897/1956, preface, pp. xi-xii, souligne par nous). 14 Le passage suivant (Varieties p. 478 n.) exprime peut-etre, dans l'esprit de James, sa vengeance ultime contre la science: ... the rigorously impersonal view of science might one day appear as having been a temporarily useful eccentricity rather than the definitely triumphant position which the sectarian scientist at present so confidently announces it to be. DARWINISME RELIGIEUX Notez l'emploi des expressions survival of the fittest et species. Aucun lecteur avise ne peut rater ces allusions au darwinisme. Le darwinisme n'est cette fois pourtant pas le darwinisme scientifique, ni meme le darwinisme social, mais une nouvelle forme de cette derniere, a savoir, ce que j'appelle le darwinisme religieux. Darwinisme religieux et darwinisme social partagent la conviction que le mecanisme du survival of the fittest mene a quelque chose de bon, de meilleur que ce que nous avons deja. Ils different quant au champ d'amelioration: la societe dans un cas, la religion dans l'autre. Aujourd'hui, plus de cent ans apres que William James ait ecrit ces mots, nous aurons peut-etre tendance a sourire en les lisant. A une epoque ou les differentes religions se confrontent par bombes et mitrailleuses interposees, a yne epoque encore ou la religion gagnante dans le bien-aime pays de James, les Etats-Unis, menace d'interdire l'enseignement du darwinisme scientifique, la theorie meme sur laquelle James se base pour justifier une libre competition entre religions, a une telle epoque nous sommes peu enclins a croire que le sur vival of the fittest dans le domaine des religions nous apportera du bien. L'agitation religieuse, encouragee par James, est parmi les choses dont nous aimerions nous debarrasser au plus vite. Il est certain que la situation envisagee par James en ecrivant ce passage etait tout autre que la realite que nous vivons aujourd'hui. Dans l'ambiance feutree de l'universite de Harvard, en s'adressant a des clubs d'etudiants, de philosophes ou semblables, la competition entre religions dont il parle est la discussion polie et cultivee entre intellectuels, chacun pret a peser les arguments pour et contre les differentes croyances, y compris la sienne. On a a premiere vue quelque peine a croire que James ait pris son darwinisme religieux tres au serieux. Le parallelisme avec le darwinisme social, qu'il avait rejete, est trop evident. Mais il y a pourtant une qualification a faire. James avait critique la survie comme valeur absolue, il n'avait pas, a ma connaissance, rejete la notion selon laquelle la voie du darwinisme social etait la meilleure ou meme la seule voie vers un avenir meilleur. En fait, nous avons vu qu'il jugeait les socialistes et les anarchistes comme etant des reveurs irrealistes. Je n'exclus donc pas que James ait ete convaincu, malgre lui, de l'amelioration inevitable qui resulte des mecanismes de struggle for life et de survival of the fittest. N'oublions pas qu'a son epoque les idees evolutionnistes ne se limitaient pas aux sciences biologiques et a la politique; les sciences humaines aussi - parmi elles l'anthropologie qui, avec la publication de Pri mitive Culture de Tylor en 1870 (edition americaine en 1874), s'etait etablie comme une science independante - les acceptaient comme base. On a meme suggere que James considerait le protestantisme liberal comme la culmination de l'evolution religieuse (Hollinger, 2004, p. 15). Dans cette ambiance, il n'est pas etonnant que James ait entretenu l'idee que les concepts de base du darwinisme scientifique pourraient jouer un role dans l'amelioration de la religion, et cette fois James n'avait aucune reserve vis-a-vis de la survie comme valeur absolue: pour lui la survie de la meilleure religion etait une valeur qu'il acceptait. Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes BRONKHORST DARWINISME RELIGIEUX Pourtant, cette application de notions darwiniennes au domaine de la psy. chologie et de la religion va a l'encontre de ce que James avait dit contre une telle application une vingtaine d'annees plus tot. Dans les Baltimore et Lowell Lectures donnees en 1878, il plaidait pour une limitation du darwinisme au domaine materiel, a l'exclusion de tout ce qui concerne le domaine mental (cite par Bjork, 1988, p. 113): In these recent days we hear a great deal of the marvellous achievements of science, how Darwinism has made us understand so much about animal and vegetable forms, and how in particular the physiologists by the deep insight they have been acquiring into the nervous system and brain, have to a great extent banished the mystery which used to hang about the action of the mind and constituted a new psychology which explodes and renders obsolete the old views of mental action all based on a priori speculation. Whilst this is triumphantly repeated by the sectaries of physical science, it is as indignantly denied by another class of persons. The latter fancy that they see the most brutal materialism lurking behind what the for mer call enlightenment and scientific progress, like some hideous heathen idol whose form is dimly seen through the glare of fire-works and golden dust and dazzling vapours of incense with which its followers continually fill the air before it. quer que, dans la competition entre religions envisagee par James, on ne pour rait pas comparer des faits, mais seulement des experiences. Les experiences etant, par leur nature, personnelles et privees, leur comparaison, elle aussi, ne peut qu'etre personnelle et privee." James etait conscient de ces difficultes, et il cherchait a les resoudre dans ses Varieties of Religious Experience. Il ne fait plus allusion explicite a la theorie de Darwin dans ce livre." Cela ne l'empeche pas d'y apporter une solution au probleme que son darwinisme religieux lui avait pose. Il fait la constatation que la religion ne peut se separer de conceptions et de constructions. Ce fait permet, selon lui, l'introduction de la philosophie, qui peut jouer le role de moderateur au milieu de la confrontation d'hypotheses, de mediateur parmi les critiques des constructions de l'un par l'autre." La philosophie qui execute ces taches, James l'appelle la science des religions. Voyons ce qu'il dit a son sujet (1902/1979, p. 416): Religious experience... spontaneously and inevitably engenders myths, superstitions, dogmas, creeds, and metaphysical theologies, and criticisms of one set of these by the adherents of another. Of late, impartial classifications and comparisons have become possible, alongside of the denunciations and anathemas by which the commerce between creeds used exclusively to be carried on. We have the beginning of a Science of Religions, so-called... Si nous reintroduisons ici la notion de darwinisme religieux, la science des religions joue le role que joue la selection (naturelle, culturelle, ou autre) dans le darwinisme scientifique. La maniere dont elle peut le faire est decrite ainsi (James, 1902/1979, pp. 436-437): The spontaneous intellect of man always defines the divine which it feels in ways that harmonize with its temporary intellectual prepossessions. Philosophy can by comparison eliminate the local and the accidental from these definitions. Both from dogma and from worship she can remove historic incrustations. By con fronting the spontaneous religious constructions with the results of natural science, philosophy can also eliminate doctrines that are now known to be scientifically absurd or incongruous. Le darwinisme religieux fut donc une idee nouvelle, James y revient, mais de nouveau de maniere implicite plutot qu'explicite, dans le passage suivant des Varieties (p. 325, souligne par nous): What I then propose to do is, briefly stated, to test saintliness by common sense, to use human standards to help us decide how far the religious life commends itself as an ideal kind of human activity... It is but the elimination of the humanly unfit, and the survival of the humanly fittest, applied to religious beliefs; and if we look at history candidly and without prejudice, we have to admit that no religion has ever in the long run established or proved itself in any other way L'emploi des terms unfit et fittest saute aux yeux. On voit que James, une fois de plus, part de l'hypothese que l'elimination du unfit mene inexorablement a quelque chose de meilleurs Continuons encore un moment l'analyse de cette idee. A premiere vue il est difficile de comprendre comment la competition entre religions, telle qu'elle est concue par James, pourrait jamais faire survivre la religion la plus adaptee, la plus fit. C'est que James se declare avocat de ce qu'il appelle l'empirisme radical. C'est un empirisme, because it is contented to regard its most assured conclusions concerning matters of fact as hypotheses liable to modification in the course of future experience (James, 1897/1956, p. vii). Cela devrait impli * Ces difficultes sont commentees par Rorty (2004). Quelques annees plus tard, en revanche, il inclut une remarque enigmatique dans ses notes pour un cours donne en 1905, qui suggere qu'il n'avait pas abandonne l'idee d'un lien entre darwinisme et religion: So far I have been ahistic. But if evolution - Gods may be one of the results (Myers, 1986, p. 174). Since the environment to which an organism consciously reacts is the environment as it exists for that organism's consciousness, and since the environment as so viewed is the pro duct of selective elimination on the part of the consciousness concerned, it follows that COMERCIONS section create the known world is precisely the same in which trasla iornates the species. Brennan (1968, p. 72) cite ce passage (avec les italiques) comme s'il s'agit des mots de James, mais donne une reference a un livre (Howard V. Knox, The Evolu hion Truth, London 1990, p. 23) auquel ne n'ai pas eu ache pour verifier la source de cette citation. A noter que la selection est une fonction essentielle de la conscience d'apres James v. Principles I, pp. 284 sq., 402 sq. etc. Cf. Bjork, 1988, p. 108 " Cf. Dennett, 2006, p. 269: << James gives us a very Victorian version of Darwinism: what sur vives must be good, because evolution is always a matter of progress toward the better. A noter que la plupart des evolutionnistes de l'epoque qui s'interessaient a la religion (parmi eux Spencer et Tylor, mais egalement Max Muller), consideraient l'histoire de celle-ci comme l'histoire d'un declin; plusieurs d'entre eux pensaient que la religion n'avait plus de place dans la societe moderne. Levinson, 1981, p. 74 99 Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes BRONKHORST DARWINISME RELIGIEUX Sifting out in this way unworthy formulations, she can leave a residuum of concep tions that at least are possible. With these she can deal as hypotheses, testing them in all the manners, whether negative or positive, by which hypotheses are ever tested. She can reduce their number, as some are found more open to objection. She can per haps become the champion of one which she picks out as being the most closely ver ified or verifiable. She can refine upon the definition of this hypothesis, distinguish ing between what is innocent over belief and symbolism in the expression of it, and what is to be literally taken. As a result, she can offer mediation between different believers, and help to bring about consensus of opinion. She can do this the more successfully, the better she discriminates the common and essential from the indi vidual and local elements of the religious beliefs which she compares. Le parcours propose par James devrait aboutir en determinant quelle est la meilleure religion, celle qui porte la benediction de la science des religions, et qui est d'une certaine maniere construite par cette derniere. James recule devant cette conclusion. Non, dit-il a la fin de ses Varieties, la science des religions n'equivaut pas a une religion: la science des religions ne donne que de la connaissance, tandis que pour une religion vivante il faut de la foi." On voit que la science des religions de James est, ou devrait etre, un moyen pour trouver la meilleure religion, elle est, ou devrait etre, le facteur qui, comme la selec tion naturelle dans l'evolution de la vie, est responsable pour l'amelioration de la religion; elle ne peut pas remplacer celle-ci. James n'etait pourtant pas sans apprehension au sujet de la science des religions, comme en temoigne sa remarque, ... the conclusions of the science of religions are adverse as they are to be favorable to the claim that the essence of religion is true (James, 1902/1979, p. 468). Si l'analyse de la pensee de William James (ou plutot d'une petite partie de sa pensee) que je viens de donner est correcte, il sera clair que cet auteur, apres ses Principles, commenca a se detourner de la science. La science, d'apres lui, etait inseparable de la conviction prevalente a son epoque, selon laquelle le progres de la societe passait forcement par les struggle for life et survical of the fittest de la theorie darwinienne. James etait trop scientifique pour pouvoir reje ter cette science. Il lui fallait donc quelque chose a cote de la science pour lui faire contrepoids. Il le trouva, ou crut qu'on pourrait le trouver dans la religion. Une fois de plus, il etait trop scientifique pour accepter n'importe quelle religion traditionnelle; il lui fallut une religion vraie. Pour distinguer la religion de la science, et pour pouvoir lui preter un degre de veracite aussi eleve, voire plus eleve, qu'a la science, sa position philosophique, a savoir l'empirisme radical, s'avera extremement utile. La science, dit-il, est superficielle (shallow) de par sa nature, contrairement a tout ce qui concerne l'experience directe. La rai. son en est, pour citer ses propres mots (1902/1979, p. 476), que << as long as we deal with the cosmic and the general, we deal only with the symbols of reality [... but) as soon as we deal with private and personal phenomena as such, we deal with realities in the completest sense of the term (c'est James qui souligne). Il lui restait le probleme de trouver une religion vraie. Ici il invoque l'aide de la science des religions. Etant donne que son but etait d'avoir quelque chose a cote de la science et independante d'elle, cette procedure comportait de graves risques: la science des religions peut facilement se comporter justement comme une science, et se separer de la quete religieuse qu'elle devrait servir. James etait conscient du probleme, mais n'avait pas d'autre choix. Le monde que nous habitons aujourd'hui est tres different de celui de James. Nous, ou au moins certains d'entre nous, ne sommes plus convaincus du progres automatique resultant d'un laisser-faire complet dans les domaines du struggle for life et de la survival of the fittest. Le darwinisme social est pour nous un des exces de l'histoire de la pensee, une justification trop facile, et aujourd'hui inacceptable, pour des comportements plus que reprehensibles. La science est toujours, peut-etre meme davantage qu'alors, l'objet de mefiance et de suspicion, mais elle n'oblige plus personne a exploiter les pauvres ou a creer des colonies (meme si elle donne les moyens de le faire). On peut aujourd'hui etre scientifique et avoir des reves de justice sociale. On est meme autorise a croire que la science peut aider dans la realisation de ces reves. Cela signifie que, quels que soient les avantages d'une foi religieuse, on n'en depend pas pour entretenir une vision moins dure et plus humaine de la societe. La science ne s'y oppose pas (au moins pas en principe) et, comme je l'ai deja suggere, elle pourrait se reveler etre l'instrument le plus important pour sa realisation. La proposition selon laquelle la science des religions devrait avoir comme but de permettre d'identifier, ou de creer, la meilleure religion, me semble etre une Mauvaise Idee. En la modifiant un tout petit peu, on peut arriver a ce que je considere comme une Bonne Idee. Si la science des religions reussit a decortiquer les elements communs qui se cachent, pour ainsi dire, dans les pratiques et pensees de differentes religions, elle aura fait du progres vers une meilleure comprehension de la nature humaine. La nature humaine etant, d'apres le sous-titre, le sujet d'etude des Varieties, la proposition de James aurait dans ce cas contribue au but qu'il envisageait, meme si ce n'est pas exactement dans le sens voulu par lui. Notons, pour conclure, que le darwinisme religieux de James comme decrit ci-dessus ne s'occupe pas de la question de la valeur des religions pour la survie des etres humains. James avait quelques idees a ce sujet. Il semble avoir cru que la religion, pour ainsi dire, est bonne pour la survie. C'est qu'on pourrait conclure du passage suivant des Varieties: " James, 1902/1979, p. 467:... should [we) all espouse the science of religions as our own religion... Knowledge about a thing is not the thing itself... For this reason, the science of religions may not be an equivalent for living religion;... a point comes when she must drop the purely theoretic attitude, and either let her knots remain uncut, or have them cut by active faith Pas seulement dans la religion. En 1897 - en faisant l'eloge d'un soldat, Robert Gould Shaw, tue au combat apres avoir accepte d'etre le commandant d'un regiment noir-il dit: . That lonely kind of courage (civic courage as we call it in peacetimes) is the kind of valor to which the monuments of nations should most of all be reared, for the ritual of the finest has not bred it into the home of human being the bred military sulor, and of five hundred of us who could storm a battery side by side with others, perhaps not one could be found who would risk his worldly fortunes all alone in resisting an enthroned abuse (Menand, 2001, p. 147-48). Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ DARWINISME RELIGIEUX Johannes BRONKHORST gion qui va survivre, aux depens d'autres qui n'ont pas cette qualite. Ce type de reflexion nous eloigne pourtant de la pensee de William James, raison pour laquelle je m'arrete ici. Religion... makes easy and felicitous what in any case is necessary, and if it be the only agency that can accomplish this result, its vital importance as a human faculty stands vindicated beyond dispute. It becomes an essential organ of our life, per forming a function which no other portion of our nature can so successfully fulfill. From the merely biological point of view, so to call it, this is a conclusion to which, as far as I can now see, we shall inevitably be led (James, 1902/1979, p. 68; c'est James qui souligne. Cp. Levinson, 1981, p. 76.) Il n'est pas necessaire de vous rappeler que le darwinisme, meme le darwinisme scientifique, n'a plus la cote parmi une grande partie des chercheurs qui etudient la ou les religions. L'explication de cette indifference se trouve sans doute dans le fait que des erreurs majeures ont ete faites par ceux qui ont voulu combiner les deux: etude des religions et pensee evolutionniste. Il suffit de mentionner le nom de James Frazer pour donner le frisson a beaucoup de scientifiques dans ce domaine. On comprend et apprecie la determination de vouloir ne plus jamais tomber dans ce type de discours, qui etait accompagne de la conviction de la superiorite de l'homme blanc europeen et presentait d'autres defauts. Pourtant, je crois que ces scientifiques ont jete le bebe avec l'eau du bain. Le darwinisme scientifique (contrairement aux theories de Frazer) est sorti renforce d'un siecle et demi de tests severes et pousses. Les sciences humaines, y compris la science des religions, ne peuvent pas se permettre d'ignorer cette theorie qui n'a pas de competitrice credible pour expliquer le developpement des hommes tels qu'ils sont Admettre l'importance du darwinisme scientifique pour l'etude de l'homme n'equivaut pas a savoir comment l'utiliser. Certains chercheurs font des efforts, avec des resultats pas toujours convaincants. Une des questions qu'ils posent aujourd'hui, plus d'un siecle apres la parution des Varieties, est precisement celle de la valeur de survie de la religion pour l'homme. Quelques-uns soulignent que l'evolution de la culture a comme produit annexe et inevitable des mesadaptions (<< maladaptations>>), parmi lesquelles on pourrait compter un nombre de comportements et idees religieuses. D'autres croient que certaines religions contribuent au fitness de ceux qui y adherent; ces chercheurs se concentrent dans leurs etudes sur les aspects des religions qui peuvent avoir un tel effet (voir par exemple Wilson, 2002). J'ai moi-meme fait un modeste pour montrer que certains aspects maladaptifs de nombre de religions - je me suis concentre sur l'ascese - ne sont pas pour autant dus au hasard (Bronkhorst, 2001a). Voila un champ de recherche qui n'etait pas celui de William James. Il y a bien entendu, quelques points de contact. Si une certaine religion contribue a la survie de ses adherents, c'est egalement cette reli RESUME La familiarite de William James avec le darwinisme est bien documentee. Ses toutes premieres publications (1865) etaient des reunes de livres ayant affaire au darwinisme. Plus tard (1868) il redigea deux articles sur un livre ecrit par Charles Darwin lui-meme L Origine des especes de Darwin venait juste de sortir quand il est devenu etudiant a Harvard, il s'est immediatement implique dans la bataille autour des idees de Darwin qui opposaient plusieurs de ses professeurs. James a resolument opte pour le darwinisme. Malgre tout, James devint a l'evi dence de plus en plus decu de la vision scientifique sur le monde Pire, le darti nisme scientifique a ete employe (sous la forme de ce qui sera appele le darwinisme social>>) pour justifier des politiques sociales pour lesquelles James n'avait aucune sympathie. Malgre son degout, il n'avait aucune alternative credible face aux croyances dans le progres et dans l'evolution de la societe qui caracterisait son temps. I cherche refuge dans la religions, mais il ne put pas simplement adopter une des religions existantes. Chose interessante, dans sa volonte de croire (1896) il fait appel a un mecanisme darwinier, la survie du plus fort (fit) qui laisse la meilleure religion gagner. James se rendait compte des cotes faibles de ce que nous pourrions appeler son darwinisme religieux. Dans la competition entre les expe. riences personnelles qui pour James constituent la religion, quel mecanisme precis pourrait operer la selection? Une reponse est proposee dans les Varieties of religious Experience (1902): la science des religions doit faire la selection. On pourrait dire que dans le darwinisme religieux de James, la science des religions joue le role qu'a la selection naturelle dans le darwinisme scientifique. Cette reponse ne laissait pas James sans apprehension, comme il le dit dans les Varieties, car les conclusions de la science des religions sont tout aussi capables d'etre opposees que favorable a la pretention que l'essence de la religion est vraie. Cet article observe en conclsion qu'il y a de meilleures utilisations de la theorie darwinienne dans l'etude des religions que celle proposee par James. SUMMARY William James's familiarity with Darwinism is well documented. His very first publications (1865) were reviews of books dealing with Darwinism. Later on (1868) he wrote two reviews of a book written by Charles Darwin himself. Dar win's Origin of Species had just come out when he became a student at Harvard where he immediately became involved in the battle around Darwin's ideas that opposed several of his teachers; James resolutely opted in favour of Darwinism. In spite of all this, it is clear that James became increasingly disenchanted with the scientific world view. Worse, scientific Darwinism was used in the form of what came to be known as social Darwinism) to justify social policies for which James A noter que la critique de Frazer est parfois exageree; voir Bronkhorst, 2001a. * James, quant a lui, etait confortable avec une conception hierarchique des races humaines, au moins en 1868; Menand, 2001, p. 144. Pour une discussion de la notion de maladaption, of Boyd & Richerson, 2005, pp. 9 sqq. Une prise de conscience des dangers que posent les religions traditionnelles commence a s'exprimer dans des publications recentes, par exemple Dennett, 2006; Harris, 2005, Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes BRONKHORST DARWINISME RELIGIEUX auch gunstig. In den Schlussbemerkungen des Artikels wird die Auffassung der treten, dass es bessere Anwendungen der darwinistischen Theorie im Studium der Religionen gibt, als die von James vorgeschlagene. had no sympathy. In spite of his distaste, he had no credible alternative for the belief in progress and in the evolution of society that characterized his day and age. He sought refuge in religion, but was not able to simply adopt one of the existing religions. Interestingly in his The Will to Believe (1896) he appeals to a Dartinian mechanism, the survival of the fittest, to let the best religion win. James was aware of the weak sides of what we may call his religious Darwinism. What exact mech anism would select between the private experiences which for James constitute religion? An answer is proposed in the Varieties of Religious Experience (1902): the Science of Religions must do the selecting. One might say that in James's religious Darwinism the Science of Religions plays the role which natural selection plays in scientific Darwinism. James telas not without misgivings about this answer, for, as he says in the Varieties, the conclusions of the science of religions are as likely to be adverse as they are to be favorable to the daim that the essence of religion is true. The paper concludes with the observation that there are better ways to use Darwinian theory in the study of religions than the one proposed by James. ZUSAMMENFASSUNG Die Familiaritat von William James mit dem Darwinismus ist gut dokumentiert. Seine allerersten Veroffentlichungen (1865) snaren Rezensionen von Bucher, die den Darwinismus betreffen. Erwas spater (1868) veroffentlichte er zwei Artikel uber ein von Charles Darwin selbst geschriebenes Buch. Darwin's Ursprung der Arten war gerade berausgekommen als er Student in Harvard wurde; er hat sich dort sofort an der Kontroverse uber die Ideen von Darwin beteiligt, an der einige seiner Professoren mit gegensatzlichen Auffassungen teilnahmen. James hat sich entschieden fur den Darwinismus ausgesprochen. Trotzdem ist klar, dass James immer enttauschter von der wissenschaftlichen Perspektive der Welt wurde. Besonders weil der wissenschaftliche Darwinismas dazu benutzt wurde in Form des spater sogenannten sozialen Darwinismas)die soziale Politik zu rechtfertigen fur die James keinerlei Sympathie batte. Trotz seiner Abschen hatte er keine glaubhafte Alternative fur den Glauben an den Fortschritt und an die Evolution der Gesellschaft, die fur seine Zeit charakteristisch war. Er suchte Zuflucht in der Religion, konnte aber nicht einfach eine der existierenden Religionen annehmen. Interes santerweise ubernimmt er in seinem Willen des Glaubens (1896) einen darwinistischen Mechanismus, das Uberleben des Starksten (fit), der die beste Religion gewinnen lasst. James war sich der Schwachen seines religiosen Darwinismus wie wir ihn nennen konnten) bewusst. In dem Wettstreit der personlichen Erfahrun gen, die fur James die Religion ausmachen, welcher Mechanismus konnte die Auswahl treffen? In der Vielfalt religioser Erfahrung (1902) wird eine Antwort vor geschlagen: die Religionswissenschaft muss die Anstahl machen. Man konnte sagen, dass im religiosen Darwinismus von James die Religionswissenschaft die Rolle spielt, die die naturliche Auswahl im wissenschaftlichen Darwinismus innehat. Diese Antwort hinterliess bei James doch eine Besorgnis, denn wie er es in der Vielfalt ausdruckt, die Schlussfolgerungen der Religionswissenschaft sind dem Anspruch, dass die Essenz der Religion wahr sei, sowohl entgegengesetzt als REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ALLEN, G.W. (1967). William James: A biography. New York: The Viking Press. BJORK, D.W. (1988). William James: The center of his vision. New York: Columbia University Press. BOYD, R., & RICHERSON, PJ. (2005). The origins and evolution of cultures. Oxford: Univer sity Press. BRENNAN, B.P. 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