Book Title: Quelques Axiomes Du Vaisesika
Author(s): Johannes Bronkhorst
Publisher: Johannes Bronkhorst
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Page #1 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Quelques axiomes du Vai esika Johannes Bronkhorst Le Vaiśesika est un système de pensée dont l'exposé classique date environ du sixième siècle de notre ère. Il s'agit du Padarthadharmasangraha (dorénavant Pdhs) "énumération des caractéristiques des catégories", dont l'auteur est connu sous le nom de Prasastapāda. Cet exposé se situe à la fin d'un développement de plusieurs siècles, dont les détails restent obscurs à cause du fait que très peu de textes de cette période nous sont parvenus. La principale source pour l'histoire la plus ancienne du Vaiśeşika est le Vaišeşika Satra, collection de brèves phrases nominales (sutra). L'étude du Vaiseșika Sutra est difficile pour plus d'une raison. L'extrême concision des sutra les rend souvent incompréhensibles; voilà un problème inhérent à ce style d'exposition. Plus grave encore est le fait que le Vaiśeşika Sutra ne constitue pas une unité homogène : il est clair que tous ses sutra ne datent pas de la même période, pour ne rien dire de l'existence d'un seul et même auteur. Le texte tel que nous le connaissons est par conséquent une accumulation de parties qui ne sont pas toujours compatibles. Le Pdhs, d'autre part, est clairement la composition d'un seul auteur qui, bien entendu, n'hésite pas à citer, ici et là, des passages qui sont originaires d'autres ouvrages, principalement du Vaišeşika Sütra. Le texte nous présente un système de pensée, dans le sens d'un tout organisé, où les éléments sont interdépendants et se complètent mutuellement. Il n'est pas question de présen Page #2 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes Bronkhorst Quelques axiomes du Vaišeşika ter ici le système dans tous ses détails, d'autant moins qu'il en existe déjà une bonne présentation en langue européenne dans la Geschichte der indischen Philosophie, II. Band, pp. 197 sqq., de Erich Frauwallner (voir la bibliographie générale à la fin de cet article). Le but du présent article est plutôt de mettre en lumière quatre idées fondamentales qui se trouvent à la base même du système. Je parlerai d'axiomes, sans prétendre que le système se produise par simple déduction logique à partir de ceux-ci. J'espère pourtant pouvoir montrer qu'ils en déterminent un bon nombre de détails. Le premier axiome se manifeste dès les premières pages du Pdhs : le Vaiseșika offre une énumération complète de tout ce qui existe. Cela se fait sous forme d'une classification exhaustive. Chaque existant appartient à l'une ou l'autre de six catégories: substance (dravya), qualité (guna), mouvement (karman), universel (samanya), particularité (visesa), et inhérence (samavaya). Chacune des catégories -- sauf la dernière, inhérence, dont il n'existe qu'un seul exemplaire - est subdivisée. Il existe, par exemple, neuf types de substances, à savoir, terre, eau, feu, vent, éther, temps, espace, ame, et sens inteme. D'éther et de temps il n'existe qu'un seul exemplaire chacun, des autres substances il en existe beaucoup : la substance terre, par exemple, est subdivisée en cruches, livres, etc. etc. Il existe, en outre, vingt-quatre types de qualités, cinq mouvements, et ainsi de suite. deuxième axiome qui l'interdit. Non, la cruche et sa moitié sont différentes, et le lien qui les relie est l'inhérence. L'introduction de l'inhérence est une presqu'inévitable conséquence du deuxième axiome (avec le troisième, à discuter ci-après). L'inhérence -conçue comme une entité qui constitue à elle seule la sixième catégorie --relie des entités qu'on ne peut séparer, on ne peut séparer la cruche de la demi-cruche. Une fois postulée, l'inhérence permet de distinguer aussi ailleurs des entités pourtant inséparables. Substances et qualités, par exemple, sont reliées par l'inhérence, comme le sont substances et mouvements, et d'autres entités : évidemment, il ne peut y avoir un mouvement ou une couleur sans une substance qui en soit le substrat. L'inhérence joue, de cette façon, un rôle clé dans le système. C'est grâce à elle que les quatre catégories peuvent être distinguées, car aucune d'elles ne se présente jamais à nos sens toute seule. En effet, les qualités, mouvements et particularités inhérent dans des substances : les universaux inherent, selon le cas, dans des substances, des qualités ou des mouvements. En d'autres mots, la plus grande partie des catégories est inséparable de la substance, et ne peut en être distinguée que grâce à l'inhérence. Le deuxième axiome comporte une autre conséquence que voici. Si les touts - comme la cruche, etc.- sont des entités indépendantes, ils doivent, eux aussi, appartenir à l'une ou l'autre des catégories et à l'une ou l'autre de leurs subdivisions. La situation est simple pour la cruche : étant constituée de par. ties de terre-finalement, d'atomes de terre, voir ci-dessous la cruche ellemême est, elle aussi, terre. Mais si on mettait ensemble des parties différentes? Le corps humain en est un bon exemple: il contient de la terre, de l'eau, du feu et du vent. Avec de telles parties, où classer le corps comme tout ? A noter que, si on n'arrive pas à définir le corps comme terre, comme eau, comme feu, ou comme vent, on aura une entité - le corps humain-d'un type qui n'est pas mentionné dans l'énumération dite complète du système. En bref, le deuxième axiome met le premier à l'épreuve. Les auteurs du Vaibesika étaient conscients de cette difficulté. Prasastapada admet l'existence de quatre types de corps : de terre, d'eau, de feu, et de vent. Les trois derniers ne se trouvent, bien sûr, que dans d'autres mondes que le nôtre. Ils sont, en outre, solidifiés quelque peu par un ajout de terre. Mais ils Le deuxième axiome est d'une toute autre nature. Il concere l'observation courante que beaucoup d'objets sont composés, qu'ils ont des parties. Une cruche - pour reprendre un exemple fréquent de la littérature philosophique indienne - est constituée de deux demi-cruches, et d'un nombre plus élevé de parties plus petites. Le deuxième axiome stipule que de tels touts sont des entités indépendantes, différentes de leurs parties constituantes. Dans le cas de la cruche et de ses deux moitiés, il existe donc, d'après le Vaišeşika, trois entités différentes. Ces trois entités ne sont, bien entendu, pas sans liens l'une avec l'autre, liens qui, eux aussi, trouvent une place dans l'ontologie du système. Les deux demi-cruches, par exemple, sont en contact mutuel. Ce contact est conçu comme une qualité qui se trouve dans les deux substances reliées, c'est-à-dire, dans les deux demi-cruches. Quelle est la relation entre l'une des deux demi-cruches et la cruche en entier ? Selon le Vaišesika on ne peut parler d'identité : c'est justement le 1 P ep. 20 dit explicitement que chacune des neuf substances ne peuvent produire que des objets qui sont de la même substance: Arthivydanavanam spi... Somany Arambhakata. Page #3 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes Bronkhorst Quelques axiomes du Vaišeşika de cette couleur montre de nouveau que le Vaiśesika prenait au sérieux les deux axiomes dont nous venons de parler. sont classifiés comme eau, comme feu et comme vent respectivement. Notre corps, d'autre part, est terre pure et simple. Comment, dans ce cas, expliquer qu'il y a de l'eau, du feu, et du vent dans le corps humain ? La réponse est donnée dans l'un des Vaiśesika sútra: il n'y a pas de relation d'inhérence entre le corps et ces autres éléments, mais ceux-ci sont en relation de contact avec celui-là ? En d'autres mots, le corps humain n'est que terre, mais il est en contact avec c'est-à-dire il contient de l'eau, du feu, er du vent. Les liens entre le corps et les organes de sens s'expliquent de la même façon. L'organe du toucher (tvac), par exemple, est une forme de vent. En tant que tel, il ne fait pas partie du corps, mais y est relié par contact Le problème ainsi que sa solution témoignent du souci de ne pas violer les principes de l'école, et en particulier les deux axiomes que nous venons d'identifier. Ce même souci se manifeste dans l'acceptation de "bariolé" (citra) comme couleur. Imaginez une substance, disons de nouveau une cruche, qui soit multicolore. Il y aura des parties de la cruche qui possèdent, chacune, une couleur spécifique, telle que rouge, bleu, etc. La cruche en entier est, selon le deuxième axiome, une nouvelle entité, différente de ses parties constituantes. Cette nouvelle entité a une couleur à elle. Mais laquelle ? Evidemment ce n'est ni rouge, ni bleu, ni aucune des autres couleurs des parties constituantes. Non, la couleur de la cruche en entier est "bariolé", que le Vaišesika accepte comme couleur. Le Pdhs ne fait pas mention de cette couleur quelque peu extraordinaire 5. Le Vaiśesika Sotra, sous sa forme présente, ne la mentionne lui non plus D'autres sources nous permettent pourtant de savoir que "bariole" était une "couleur" pour le Vaišesika déjà avant le Pdhs, ainsi qu'après 7. L'acceptation Regardons maintenant le troisième axiome du système. Selon ce troisième axiome, il existe une correspondance directe entre les mots et les choses. Le Vai esika Sätra donne expression à cet axiome dans deux règles, qui disent que le fait même que des noms aient été donnés aux choses prouve qu'il y a eu des êtres en possession de facultés supérieures aux nôtres, parce que l'activité de nommer presuppose qu'on puisse percevoir les choses ainsi nommées. En d'autres termes, les mots suivent, en principe, les choses. Comme certaines choses ne sont pas perceptibles à nos sens, il faut des facultés extraordinaires pour pouvoir les nommer de façon correcte, comme le fait le sanscrit. Dans le Pdhs, le troisième axiome s'exprime d'abord par la règle suivante : «Toutes les six catégories existent, elles sont nommables et connaissables >> Rappelons que les six catégories constituent tout ce qui existe, comme nous l'avons vu en connexion avec le premier axiome. Ce troisième axiome nous permet de dire que, au moins théoriquement, il y a un mot ou il pourrait y en avoir un correspondant à tout ce qui est accepté comme existant dans I'ontologie du Vaišesika. L'emploi, ou la présence même, de certains mots dans la langue sanscrite est ainsi expliqué par l'existence de certaines entités. Le Pdhs dit par conséquent à plusieurs reprises que telle ou telle entité est la cause de l'utilisation de tel ou tel mot. Prenons l'exemple du nombre. Le nombre, selon le Vaišeşika, est une qualité. Dans le cas de "une cruche", la substance cruche est porteuse de la qualité qu'est le nombre "un". Le nombre "deux" est une qualité qui caractérise deux substances à la fois, et ainsi de suite. Au sujet de cette qualité, le Pdhs observe : « Le nombre est la cause de l'utilisation (des mots) "un", etc. 10». De pareilles remarques sont faites en connexion avec d'autres qualités. La "dimension" (pramana) en est une : « La dimension est la 2 3 5 6 VS 4.23 (04. Jambuvijaya) : dimasamyogas lv aviprastisiddho mithah pacanam : 4.2.3 (ed. Thakur) : almasamyoga ca pratişiddho mithah pacanam: 4.2.4 (éd. Sinha): apusamyogas Iv apratisiddhah. Quoique les lectures des soirs different considerablement, les trois commentaires arrivent à la même inter prétation Pdhs p.44 1 8-10 Puhs p. 152 L 12 54 Il se contente de dire: « Il y a plusieurs couleurs, blanc, etc. Pdhs p. 27. Le commentaire Vyomavald (ed. Gaurinath Sastri, Varanasi 1983, L. I. p63 L 20) cite pourtant un stra qu'on ne trouve pas dans les textes existants pour prouver l'existence de la couleur "bariolé". C'est le Vakyapadlya de Bharthari (Se sibcle) qui nous renseigne sur la période précédant le Pdhs : voir notre "Studies on Bharhari, 5 : Bharthari and Vaibesika", para ure. Pour la période plus récente, voir Ouo Grohma, "Theorie zur bunten Farbe im alteren Nyaya und Vallesika bis Udayana", Wiener Zeitschrif für die Kunde Südasiens 19 (1975), 147-182. 8 VS 2.1.18-19 (ed. Jambuvijaya) : samt karma iv asmadvisista lingam: pratyaksapdrvakavat umjibkarmanah. L'état des choses décrit dans ces sdtra est connu de et accepté par Palasulida: voir Pdhs p. 74 Pohs p. 16: sanam api padarthanam astitvibhidheyatvajleyatvani. Karl Potter, dans un article qui s'appelle précisément Astitva jeyatva abhidheyata "Wiener Zeitschrift für die Kunde Südasiens 12-13 (1968), 275-280) prend cette phrase, et ses paralleles ailleurs, comme point de départ pour une discussion de notre "troisième axiome" et de ses complications. M. Pouer se trompe, pourtant, en disant que Jheyatva et abhidheyatva designent des universaux : le suffixe.vn a plusieurs fonctions en sanscrit et ne garant point qu'il y ait designation d'un universel. 10 Pths p. 111:skidivyavahtrahetuh samkhya Page #4 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 100 Johannes Bronkhorst Quelques axiomes du Vaišeşika 101 cause de l'utilisation du mot "mesure" 11 ». Et la qualité "séparation" (prthaktva) est la cause du fait qu'on parle de distinction . Le temps (kala), qui est une substance, est la cause de l'utilisation de mots qui se réfèrent à différentes durées, telles que "jour", "mois", "année", etc. 13 Parfois, le texte dit plutôt que telle ou telle entité est la cause d'une certaine notion (pratyaya). Les différentes notions de direction s'expliquent par l'existence de la substance "espace" (dis) 1. La qualité "contact" (samyoga) est la cause de la notion en contact" 15: "division" (vibhaga), une qualité comme le contact, est la cause de la notion "divisé" 16. Une différence essentielle entre les qualités "contact" et "division", à savoir la durée momentanée de la dernière, est prouvée par la différence des notions qu'elles provoquent : « Il n'est pas vrai que la division qui divise deux (substances) ne disparaît que quand ces deux (substances) entrent en contact, comme c'est le cas pour le contact 17: car la notion divisé" ne persiste pas comme le fait la notion en contact". C'est pourquoi [la division) est momentanée 18 ». Les qualités "éloignement" (paratva) et "proximité" (aparatva) sont les causes des emplois et des notions "éloigné" et "proche" respectivement 19. "Inhérence" (samavaya) est une entité différente des cinq autres catégories, à cause de la notion de "ici" (iha) qui la caractérise par rapport à ces autres catégories 20. Ou encore, inhérence est à inférer sur la base de la notion de "ici" 21. Dans la plupart de ces cas, l'existence de certaines entités explique l'emploi des mots correspondants. Parfois l'argumentation est inverse. Nous avons déjà vu que la notion de "ici" nous permet d'inférer l'existence de l'inhérence. La différence entre les deux qualités "largeur" et "grandeur" subdivisions de "dimension" (parimana) - est prouvée par le fait qu'on peut dire "apporte l'objet long de parmi les objets grands" et "apporte l'objet grand de parmi les objets longs" 22. En d'autres mots, on postule deux qualités au lieu d'une seule, parce qu'il existe deux mots différents. La qualité "séparation" (prthaktva) est déterminée par la qualité "nombre" (samkhya) parce que l'emploi du langage le montre 23. L'existence de l'âme est indiquée par le mot "je", et le fait que ce mot ne se met pas en apposition avec "terre" etc. prouve que l'âme est différente du corps 24. Les qualités "plaisir" (sukha) etc. appartiennent à l'âme, et non pas au corps ou aux sens, parce qu'on dit : « j'ai plaisir », etc. 25. La qualité "son" (šabda) n'est pas une qualité de l'âme, parce qu'on ne conçoit pas les deux comme étant en apposition 26 : les commentaires expliquent que l'on ne dit pas « je sonne comme on dit « j'ai plaisir ». La substance "temps" (kala) est la cause de l'apparition, de la préservation et de la destruction de toutes les choses produites, parce que le langage le dit 27. Les commentaires expliquent : on dit qu'un certain objet se produit à tel ou tel moment, etc. Il existe donc un parallélisme entre les mots et les choses. Ce parallélisme ne s'étend, bien entendu, pas à tous les mots de la langue sanscrite. Rien dans l'ontologie du Vaiseșika ne correspond, par exemple, au mot api "également". Ce parallélisme permet pourtant de tirer des conclusions ontologiques au moins dans certains cas. Notons encore que plusieurs qualités - parmi elles tous les nombres supérieurs à "un", l' "éloignement" et la "proximité" - dépendent de l'observateur, et sont même produites par sa conscience (pour plus de détails sur la production de l'éloignement et de la proximité", voir plus bas). Elles sont pourtant des entités réellement existantes. Le Vaišesika était clairement prêt à aller loin pour assurer que des entités réelles répondent à certains mots. Même là où il existe une correspondance exacte entre les mots et les choses, cette correspondance ne porte normalement pas sur les entités individuelles. Car évidemment un mot comme "cruche" ne se réfère pas exclusivement à une seule cruche, mais à toutes les cruches. Le système postule donc l'existence 11 Pdhs p. 130 : parimanam manavyavahakaranam. 12 Puhs p. 138: prihakivam poddharvavahtrakaranam 13 Pdhs 63 1. 1921: kalaksanalavanimesakshakalimuhartayamáhonderdhamasamasartvayanasaivataas yugakalumanvantarapralayamahapralayavyavaharahetuh. 14 Pdhs p66. 15 Pahs p. 139: samyogah samyuktapratyayanimitam 16 Pdhs p. 151: vibhago vibhaktapratyayanimittam. 17 Le contact qui réunit deux substances ne disparait que quand ces deux substances se séparent en acceptant la qualité division". 18 Pdhs p. 152.53 : na tu samyogavad yayor eva vibhagas tayor evasamyould vinto bhavati kasml Samyuktapatyayavad vibhaktapratyaydnutiyabhava rasmd... kanila it. 19 Puhs p. 164 : paratvam aparatvam ca pentparbhidhanapratyayanimittam. 20 Pahs p. 326: samadyasyap parlcasu padarthes heti pratyayadaranul tebhyah padarthantaratvam 21 Pahs p. 329: ihabuddhyanumeyah samavaya/b/ 22 Paths p. 131-32: atrasti mahalladtghatvayo parasparato videsah mahatsu dirgham intya dirghesu mahad Aniyatim iti višisti vyavahtradarsandditi 2) Pahs p. 138: samkhyayd tu vidisyate advisisavavahtradarsandd it. Notons que la détermination dont parle cette phrase est en fait la coinhérence d'une autre qualité dans une même substance. 24 Pidhs p. 70 L. 9-10: hansabdentpirthivyddiadavya irekiti 25 Mahs p.70L 68: sukhadulkheachadvesprayathai a guar gury anumlyate/teca Sartrendriyagund kasmdahan kenaikavyabhaval. 26 Pahs p. 58 L 11-12: ahatkarena vibhaktagrahanke candomanah 27 Phs p. 63 1. 18-19://ah sarvatryand comparishio vinahetus tadvyapadeda Page #5 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 102 Johannes Bronkhorst Quelques axiomes du Vaišeşika 103 d'universaux qui correspondent, eux, aux mots. C'est l'universel de la cruche qui justifie l'emploi du mot "cruche" en connexion avec une cruche quelleconque 23. Le Pdhs le dit explicitement pour le cas des qualités: « Comme toutes les qualités, couleur etc., sont chacune reliées à des universaux, les désignations "couleurs" etc. sont (utilisées) > >>. La connaissance d'une chose et de son universel sans qu'on connaisse son nom est une forme de connaissance inexacte (anadhyavasaya). Le cas est illustré par les Vahtka, peuple indien ridiculisé dans les textes anciens pour son manque d'intelligence : un Vahtka peut voir un arbre à pain ainsi que l'universel qui s'y attache, mais n'ayant pas reçu d'éducation, il n'en sait pas le nom 30. Selon sa définition, l'universel est la cause des notions pareilles que nous avons des entités caractérisées par cet universel 31 ; nous connaissons déjà le parallélisme qui existe dans le Pdhs entre mots et notions. Le cas de certaines substances - à savoir éther (akasa), temps (kala) et espace (dis) -est spécial dans le sens où il n'y a qu'un seul exemplaire de chacune d'elles. La nécessité de postuler des universaux pour elles n'existe donc pas. Le Pdhs n'accepte effectivement pas l'existence d'universaux pour ces substances, mais il soulève pourtant la question de savoir comment elles peuvent être l'objet de désignations. La réponse qu'il donne est que les trois désignations "ether", "temps" et "espace" sont des "désignations techniques" (p. 58: paribhasikya/b/ sanja/b/). Un problème parallèle se présente dans le cas des catégories "universel", "particularité" et "inhérence" qui ne possèdent pas d'universaux non plus. Elles sont pourtant l'objet de désignations grâce au fait qu'elles sont buddhilaksana "caractérisées par certaines aperceptions" (p. 19). Les détails de ces solutions ne nous intéressent pas en ce moment, il suffit de noter que le Vaišesika cherche toujours des explications spéciales pour les cas exceptionnels ou un mot désigne un objet sans l'intermédiaire d'un universel. Une situation exceptionnelle prévaut également dans le cas de synonymes. Evidemment, on ne peut attribuer des universaux différents à des synonymes. C'est la raison pour laquelle le Pdhs s'efforce à plusieurs reprises d'indiquer quels mots sont des synonymes 32. La situation exceptionnelle des synonymes ne fait que confirmer le principe de base qu'à chaque mot correspond, en règle générale, un universel, Semblable au problème des synonymes est la situation où deux mots se réferent à une seule entité. Prenons les mots "entrer" et "sortir" dans le cas du passage d'une personne d'une pièce à une autre. Les deux verbes se réfèrent à un seul mouvement, qui est décrit du point de vue de deux observateurs différents. Comme le mouvement est le même, les deux verbes ne peuvent correspondre à deux universaux différents ; les universaux, le Pdhs nous le rappelle, ne peuvent se mélanger. Cette condition a pour conséquence que la correspondance entre les mots et les choses n'est pas parfaite, même dans le cas de substantifs et de verbes. En fait, le Vaišeşika ne reconnaît que cinq universaux sous la rubrique "mouvement" ». Ce même souci de séparer les universaux explique la précision avec laquelle on détermine le nombre de subdivisions : il existe, par exemple, dans la terre six goûts, deux odeurs, il y a trois types de terre en tant qu'objet (visaya), etc. Le souffle (prana) n'est qu'une seule chose (lire : ne possède qu'un seul universel), quoiqu'il porte plusieurs appellations (aspiration, expiration, etc.) en raison des différents mouvements qui y inherent 35. La conscience (buddhi), quoique multiple à cause de l'infinité de ses contenus, est pourtant de deux types : connaissance correcte et connaissance fausse . Quoiqu'on parle de "séparation simple", "séparation double", etc.. ces subdivisions de la qualité "séparation" ne possèdent pourtant pas d'universaux : dans ces cas-ci, la séparation" est déterminée par des nombres différents 37. Plusieurs mots (p. ex. "passé", "présent", "futur") se réfèrent métaphoriquement au temps, qui est pourtant une seule substance : cette circonstance s'explique par la présence de conditions contingentes (upadhi) dif 28 Cf. Pdhs p. 27: priviivabhisambandha prthivi: p. 35: prvabhisambandhad Apat; etc. 29 Pdhs p. 103: ruplan sarvestinguin pratyekam parasinya mandhad padisa bhavanti 30 Pohs p. 1821.4.9: yathe vahtkasya panas disvanadhyavasyo bhavat punasavam api panases anuvttam amradibhyo vylyftar pratyakşam eva kevalan tdpadesahvad višesasam jindpratipattir na bhavati. 31 Pohs p.311: anuvstupratyayaram 32 Puths p. 171: buddhir upalahdhir j am pratyaya iti parydy: p. 263: prayatnasarambhasha iti paryayah: p. 296: ... karmatvaparya eva gamanavam.. 33 Puhs p.11, 2924 34 pths 27 L 15-16: rasah vidho madhuridil Randhe dvividhad surabhir asurabhis cap. 281. 7-9: visayas tu.. brividho mrtnashvaralaksanah. » Puhs p.44 1.16-18: prahkah sankryd hedd aplodisnjim labhate. 36 Php. 172: buddhihi cinckarakathanantydepratyarthaniyaaka/ tasyah sayapy anckavidhatve samsato dve vidle vidyd clvidyd cet. 37 Pdhs p. 138: elvdis tu vifesa ekarvadivad ekathaktvedis aparastmanyabhava samkhyaya Viisyale. Page #6 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 104 Johannes Bronkhorst Quelques axiomes du Vaišeşika 105 férentes > Une situation pareille se présente dans le cas de l'espace". En fait, le danger de chevauchement est le moins menaçant dans le domaine des substances, celui de la terre en particulier, cette dernière, pour cette raison, a beaucoup d'universaux 40». En résumant la précédente discussion et sa portée sur le troisième axiome, nous constatons qu'à chaque entité acceptée par le Vai esika correspond (au moins) un mot. Inversement la situation est plus complexe : il n'est pas vrai qu'à chaque mot sanskrit correspond (au moins) une entité existante. On pourrait dire qu'en principe une telle entité correspond à chaque substantif, adjectif ou verbe. Mais ce principe est fortement limité par plusieurs restrictions qui s'y attachent. Le résultat, comme l'a fait remarquer à juste titre M. Potter, est que le Vaisesika, par nécessité, conçoit une langue idéale, dans laquelle chaque mot correspond à une entité réelle 41 Passons maintenant au quatrième axiome, le demier dont il reste à traiter dans cet article : je parlerai de l'atomisme spatial et temporel du Vaišeşika. La situation est simple en ce qui concerne l'atomisme spatial : toutes les substances sauf les omniprésentes sont constituées d'atomes. Il existe donc des atomes de terre, d'eau, de feu et de vent, ainsi que des sens intemes qui, eux aussi, sont atomiques. Les autres substances, à savoir l'éther, le temps, l'espace et les âmes, sont omniprésentes, et en tant que telles indivisibles et non-atomiques. Les atomes du Vaišeşika ne sont, bien entendu, pas sans caractéristiques propres. Les sens intemes, par exemple, ne se réunissent jamais pour constituer des entités composées : chaque ame a un seul sens inteme, qui reste isolé des autres sens interes. Les atomes de terre, d'eau, de feu et de vent nous l'avons déjà vu - ne se combinent qu'avec d'autres atomes du même type pour constituer de telles entités. Il faut encore ajouter que tous les atomes sont invi. sibles par principe. La visibilité s'attache - pour des raisons trop complexes pour en parler ici - à certaines combinaisons d'atomes. Pour illustrer comment fonctionne le postulat d'atomes en combinaison avec les autres axiomes, regardons un processus simple et son explication dans le Vaisesika. Il s'agit du changement de couleur de certaines substances sous l'influence de la chaleur, disons dans le cas de la cuisson d'une cruche : le Vaišeșika attribue ce changement à un contact avec le feu. Rappelons d'abord que la couleur de la cruche est différente des couleurs de ses parties. Il existe pourtant un lien entre les deux : les couleurs des parties - finalement, les couleurs des atomes constituants sont des causes de la couleur du tout. Pour changer la couleur du tout, il faut donc d'abord changer les couleurs des atomes. Pour cela, il faut un contact des atomes avec le feu. Le processus se déroule comme suit. Quand une cruche non cuite est en contact avec le feu, il se produit des mouvements dans les atomes constituants sous l'influence du feu. A cause de cela, les atomes se séparent les uns des autres, effectuant la destruc. tion de la cruche. Dès le moment où la cruche est détruite, les atomes individuels peuvent entrer en contact avec le feu, la couleur initiale des atomes est détruite sous l'influence du feu aidé par la chaleur, et la couleur "née de la cuisson" se produit en eux. Ce changement ayant eu lieu, il se produit dans les atomes-sous l'influence de facteurs dont la nature ne nous conceme pas en ce moment d'autres mouvements qui les remettent en contact, de sorte qu'une nouvelle cruche en résulte. A ce moment se produit dans cette cruche une couleur qui est bien entendu, causée par les nouvelles couleurs des atomes constituants. L'auteur observe en conclusion que la production ou la destruction d'une couleur directement dans la cruche n'est pas possible parce que le feu ne peut entrer dans une cruche intacte. A côté de cet atomisme spatial, le Vaišeşika connait ce que nous appellerons un atomisme temporel. Celui-ci, moins visible que l'autre, se manifeste pour tant régulièrement dans le Pdhs. A noter que le Vaišesika ne maintient pas la position selon laquelle tout ce qui existe est momentané, comme le font la plupart des bouddhistes. Bien au contraire, la plupart des objets que reconnaît le Vaišesika ont une durée bien supérieure au seul moment. Les objets de notre expérience quotidienne ont la durée que nous leur attribuons naivement. Beaucoup d'objets -comme les atomes et les substances omniprésentes sont mêre étemelles. L'existence momentanée est premièrement réservée aux qualités de l'âme, au son, qualité de l'éther, et aux mouvements. Chaque mouve. ment momentané produit dans son substrat des contacts et des séparations IN Poh p. 64/kalasya ckatve i svakarydnam Irambhakriyathinirvítisthitinirodhopadhibhedan maniva plakavad vandnávopacara 39 Pohs p. 67. 40 Pdh p. 271. 20: prthivi aparajtihahutvopeta 41 Potter, op. cit. (voir note 9. ci-dessus), p. 277 42 Pdhe 106-107. Un processus pratiquement identique explique l'apparition de la qualité "uidité (drevaiva) dans certaines substances sous l'influence de chaleur : Php. 265. 4) M e 25. 290. Quelques serophes dans le commentaire d'Udayana sur la Pdhs (ed. Jitendra S. Jelly Baroda 1971, p. 61) nous permettent de calculer la longutur du moment : elle est d'environ 0,05 secondes. A noter que le moment fait son apparition aussi dans d'autres contextes que ceux de l'âme, de l'éther et du mouvement, comme dans la discussion sur le contact" (saryoga). Pdhs p. 139 sqq. Page #7 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 106 Johannes Bronkhorst Quelques axiomes du Vaibesika 107 d'avec des endroits d'une mesure d'atome . L'activité mentale n'étant qu'une succession de qualités de l'âme, chacune momentanée, l'atomisme temporel domine les discussions sur les processus mentaux. La simultanéité d'événements mentaux n'étant pas acceptée, ce fait présumé est même présenté comme preuve que chaque corps ne possède qu'un seul sens inteme Le moment comme unité minimale et fondamentale du temps apparaît dans des discussions sur des sujets ayant un lien plus ou moins direct avec des processus mentaux. Prenons l'exemple de l'éloignement (paratva). L'éloignement, nous le savons déjà, est une qualité, et inhère donc dans une substance. Éloignement et proximité - une autre qualité - se manifestent toujours ensemble, et il va sans dire que la présence de l'une ou de l'autre dans une certaine substance est déterminée par la position de celle-ci relativement à l'observateur. Dans la conception du Vaišeşika, la qualité éloignement se produit après, et à cause de la notion de position relative (apeksabuddhi) dans l'observateur. Dès ce moment les événements peuvent se dérouler comme suit 46. La notion de l'universel d'éloignement s'est produite , la notion de position relative est en train de disparaître, et la notion de la qualité éloignement est en train de se produire ; le texte ajoute que tout cela a lieu en un seul moment (ekah kalah). Suit un deuxième moment pendant lequel il y a fin de la notion de position relative, production de la notion de la qualité éloignement, cette qualité elle-même est en train de disparaître, et la notion de la substance porteuse de la qualité est en train de se produire. Puis il y a production de la notion de substance et fin de la qualité. Tout cela se déroule en trois moments. Si cette analyse trahit le côté scolastique du Vaišesika-coté qu'il n'est pas le but du présent article d'explorer - elle montre également la façon dont cette école de pensée conçoit le temps : celui-ci est une séquence d'unités minimales, de moments. D'autres passages du Pdhs expriment cette même conception, passages qui sont aussi scolastiques que ce demier ; nous ne les étudierons pas dans le présent article. Voici donc les quatres axiomes annoncés au début de cet article. Les pages précédentes n'ont certainement pas pu traiter de tous les passages du Pdhs dans lesquels ces axiomes s'expriment, que ce soit de façon explicite ou implicite. Ces axiomes-nous tenons à insister là-dessus - ne nous permettent pas de dériver tout le système du Vaišeșika par simple déduction logique. En effet, ce système a emprunté quelques-unes de ses conceptions ailleurs, et en a développé d'autres sur d'autres considérations. On a fait remarquer, par exemple, que trois des catégories du système (à savoir la substance, la qualité, et le mouvement) correspondent aux trois types de mots (substantif, adjectif, et verbe): ceux-ci auraient inspiré celles-là. Et les cinq éléments (terre, eau, feu, vent, éther) ne sont pas une invention du Vaišeşika; ils sont mentionnés dans d'autres textes aussi anciens ou plus anciens que le Vaišesika. De telles observations montrent que les quatre axiomes n'ont fait que s'ajouter à d'autres conceptions dont l'origine n'a rien à voir avec eux. Ces axiomes, pourtant, déterminent profondément le système qu'expose le Pdhs. Nous savons déjà que ce système n'est pas la création de l'auteur du Pdhs. Les sutra du Vai esika Sutra trahissent effectivement déjà une connaissance des quatre axiomes. Ce ne peut être le but du présent article de le prouver, ni d'entrer dans une discussion concernant l'ancienneté relative des sútra concernés, discussion qui, en tout cas, devrait rester hypothétique et peu concluante. Qu'il suffise de dire que les axiomes font tellement partie intégrante du système -ils en sont dans un sens la base qu'il est difficile de s'imaginer qu'ils n'en aient pas fait partie dès son début. Cette supposition, si elle est correcte, nous donne la clé pour une compréhension plus approfondie des racines historiques du Vaiśeşika. Antérieurement déjà à ce système, il existait en Inde une école du bouddhisme, dite Sarvastivada, qui gardait l'enseignement du Buddha -ou ce qu'on regardait comme tel-sous une forme hautement systématisée. On disceme dans le système du Sarvástivada une série d'axiomes, qui sont analogues aux axiomes du Vaišesika que nous venons d'étudier. Plus intéressant encore est le fait que les axiomes du Vaišesika se comprennent bien comme des réactions contre le Sarvástivada. Il n'est évidemment pas possible, dans le cadre de cet article, de traiter des détails du système Sarvästivada. Nous nous borons à mentionner brièvement les formes qu'y prennent les quatre axiomes, ou plutôt les dogmes de l'école qui ont pu susciter, soit par simple adoption, soit par opposition, les axiomes du Vaišeşika. Pour commencer par le premier, le Sarvastivada, comme le Vaišesika après lui, présente une énumération complète de tout ce qui existe : il 44 Pdhs p. 292 I. 11-13: savam i ksanikam karma... anumitrui pradelaih samyogavibhagan karoti 45 Pohs p. 891. 13-14 prayatnajitanyaugaudyavacand praisartram ekatvam siddhan. Ce passage se refere 3 VS 3.2.3 (ed. Jambuvijaya) 46 Puhs p. 164-65 47 A noter que la perception de la qualité est précédée de la perception de l'universel qui y réside. Pour les détails de la perception dans le Pdhs, voir L. Schmithausen, "Zur Lehre von der vorstellungsfreien Wahrnehmung bei Prasastapada", Wiener Zeitschrift für die Kunde Südasiens 14 (1970), 125-129. Page #8 -------------------------------------------------------------------------- ________________ Johannes Bronkhorst s'agit de ce qu'on appelle les dharma, dont le nombre est de soixante-quinze dans le Sarvästivada classique 48. Ces dharma sont, bien entendu, très différents des catégories du Vaiśeşika. Une différence capitale s'explique par le fait que le deuxième axiome du Vaiśeşika a la forme inverse dans le Sarvästivada: si le Vaiśeşika accepte que les touts existent indépendamment de leurs parties, le Sarvästivada ainsi que d'autres bouddhistes-rejette l'existence même d'entités composites. Les dharma sont les composants ultimes et, en tant que tels, les seuls objets vraiment existants. Mais les choses composites constituent notre réalité quotidienne; comment leur existence apparente s'explique-t-elle ? La réponse est commune à beaucoup d'écoles du bouddhisme : les choses composites ne sont que des noms, des désignations. Nous reconnaissons- sous cette forme négative ce qui correspond au troisième axiome du Vaiśeşika. Pour ce dernier, il y a une correspondance entre les mots et les choses, et les choses qui correspondent ainsi aux mots sont réelles. Les bouddhistes acceptent la même correspondance, mais different dans un aspect essentiel: selon eux, les choses désignées par les mots n'existent normalement pas 49. Les mots ne font qu'expliquer notre croyance en elles. Il n'est pas difficile de trouver les éléments du Sarvästivăda qui correspondent au quatrième axiome du Vaiśeşika. La doctrine des dharma est déjà une sorte d'atomisme, vu que les dharma sont les constituants ultimes de tout. Il est vrai que la plupart des dharma ne sont pas des atomes matériels comme les conçoit le Vaiśeşika. Il n'empêche que le Sarvästivada n'a pas tardé à postuler des combinaisons de dharma qui sont très proches d'atomes matériels. L'atomisme temporel est l'un des dogmes fondamentaux des écoles du bouddhisme indien tout ce qui existe est momentané, voilà une phrase qui a mérité aux bouddhistes l'épithète de kṣaṇikavadin "ceux qui maintiennent que tout est momentané". Ajoutons que la plupart des écoles d'Abhidharma, tout comme le Vaiśeşika, n'acceptent pas la possibilité d'événements mentaux simultanés 50, 108 Cette esquisse de quelques aspects du Sarvästivada devrait nous rendre attentifs au fait que le Vaiśeşika semble être une réaction contre cette doctrine 48 "Sarvästivada classique" est le nom que nous réservons au système tel que l'expose Vasubandhu dans l'Abhidharmakosa et -bhasya (se siècle de notre ère ?). L'opposition du Vaišeşika est dirigée contre une phase plus ancienne du système. 49 "Normalement" parce que les noms des dharma désignent des choses existantes. 50 Pour des preuves textuelles de ce dernier point, voir Lambert Schmithausen, Alayavijana (2 tomes: International Institute for Buddhist Studies, Tokyo, 1987), vol. II p. 316 n. 302. Quelques axiomes du Vaiseşika bouddhique, réaction qui, tout en la rejetant, reste profondément influencée par elle. Notons que le Vaiśeşika est un système brahmanique 51. Pour combattre le système du Sarvästivada, l'une des voies ouvertes au brahmanisme était d'en créer un autre. Le résultat, à ce qu'il semble, est le Vaiśeşika. Abréviations 109 Pdhs: Padarthadharmasangraha of Prasastapada, edited with the Nyayakandall of Sridhara, by Vindhyesvari Prasad Dvivedin, second edition, Delhi, Sri Satguru Publications, 1984. Une traduction anglaise existe, de Ganganatha Jha: Reprint Varanasi-Delhi, Chaukhambha Orientalia, 1982. VS: Vaiseşika Sutra: 1) edited with the commentary of Candrananda by Muni Sri Jambuvijayaji, Baroda, Oriental Institute, 1961; 2) edited with an anonymous commentary by Anantalal Thakur, Darbhanga, Mithila Institute of Post-Graduate Studies and Research in Sanskrit Learning, 1957; 3) edited and translated by Nandalal Sinha, reprint, Delhi, S.N. Publications, 1986. Ces trois éditions diffèrent sensiblement entr'elles, commes elles se basent sur trois traditions différentes dans lesquelles le VS a été conservé. Bibliographie générale La meilleure présentation du système du Pdhs en langue européenne se trouve probablement toujours dans la Geschichte der indischen Philosophie, II. Band, pp. 197 sqq., de Erich Frauwallner (Otto Müller Verlag, Salzburg, 1956). Un aperçu plus général du Vaiśeşika classique est proposé dans l'Encyclopedia of Indian Philosophies, vol. II, edited by Karl H. Potter (Motilal Banarsidass, Delhi, 1977). Une excellente introduction en français est 51 Des liens historiques avec le jainisme semblent pourtant possibles; voir p. ex. Karunesha Shukla, "Jains and the Vaisesika system", Journal of the Bihar Research Society 63-64 (1977-1978: L.N. Mishra Commemoration Volume), 788-793. Page #9 -------------------------------------------------------------------------- ________________ 1.10 Johannes Bronkhorst Le compendium des topiques (Tarka-Samgraha) d'Annambhatta, par A. Foucher (Adrien-Maisonneuve, Paris, 1949). Comme le montre son titre, ce dernier ouvrage se limite a l'explication d'un texte relativement recent du systeme. L'ouverture philologique du Vaisesika etant en plein essor, les analyses philosophiques de concepts du systeme restent encore minoritaires. Mention; nons pourtant quelques articles de la main de Wilhelm Halbfass, qui font exception a la tendance predominante : "Remarks on the Vaisesika concept of samanya" (Anjali. Oliver Hector de Alwis Wijesekera Felicitation Volume. University of Ceylon, Peradeniya, 1970, pp. 137-151); "Conceptualizations of "being" in classical Vaisesika" (Wiener Zeitschrift fur die Kunde Sudasiens 19, 1975, pp. 183-198); "Zum Begriff der Substanz (dravya) im Vaisesika" (Wiener Zeitschrift fur die Kunde Sudasiens 20, 1976, pp. 141-166); "Prasastapada's concept of substance (dravya)" (Ludwik Sterbach Felicitation Volume, Part One, edited by J.P. Sinha. Akhila Bharatiya Sanskrit Parishad, Lucknow, 1979, pp. 537-544); "The Vaisesika concept of guna and the problem of universals" (Wiener Zeitschrift fur die Kunde Sudasiens 24, 1980, pp. 225-238). La principale bibliographie se trouve dans l'Encyclopedia of Indian Philosophies, vol. I, Bibliography, compiled by Karl H. Potter ; second revised edition, Motilal Banarsidass, Delhi, 1983. Concernant le Sarvastivada, la traduction francaise, avec annotations, de L'Abhidharmakosa de Vasubandhu par Louis de la Vallee Poussin (6 tomes ; nouvelle edition anastatique : Institut Belge des Hautes etudes Chinoises, Bruxelles, 1980) reste le texte de base.